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La lutte biologique

Publié le 10/01/2019

Extrait du document

ne grosse cochenille australienne, répondant au nom scientifique d'Icerya purchosi, fut introduite accidentellement en Californie en 1869. Vivant normalement sur les acacias, elle s'adapta très vite aux orangers et à une multitude de plantes d’ornement. En quelques années, elle pullula au point de causer des dégâts énormes. Tous les procédés de lutte alors connus, y compris les premiers produits chimiques utilisés en agriculture, se révélèrent inefficaces.

 

C’est alors que l'entomologiste C. Riley, responsable du service d'entomologie au Ministère de l’agriculture des États-Unis, émit l’hypothèse que cette cochenille devait avoir en Australie des ennemis naturels qui limitaient ces ravages. Là-bas, elle passait en effet presque inaperçue. Si ces ennemis pouvaient être introduits et acclimatés en Californie, l'équilibre biologique naturel serait rétabli et les dégâts deviendraient négligeables.

 

Bien qu'accueillie avec scepticisme, cette solution de la dernière chance finit par obtenir les crédits nécessaires à sa mise en œuvre. En 1888, une mission part en Australie et découvre, entre autres parasites, une petite coccinelle prédatrice des cochenilles, Rodolia cardinalis. Trois

lots sont envoyés en Californie et mis en élevage. 10000 coccinelles sont relâchées dans les orangeraies infestées en 1889. Les résultats sont spectaculaires. En quelques mois la cochenille, qui n'arrivait pas à être contrôlée par les produits chimiques les plus efficaces de l'époque, disparaît sous la dent de son prédateur australien. La lutte biologique est née.

Pasteur le premier a découvert que les insectes pouvaient être victimes de maladies épidémiques, en étudiant le ver à soie. Aujourd'hui, divers champignons de la catégorie des moisissures, des bactéries et des virus, dont la culture en laboratoire est maîtrisée, sont utilisés pour contrôler plusieurs espèces à problème.

 

L'agent le plus célèbre dans ce domaine est le bacille de Thuringe. Cette bactérie parasite les insectes et les tue en libérant une toxine dans leur corps. Diverses souches ont été isolées, certaines actives uniquement sur les chenilles, d'autres sur les moustiques, etc. Cette caractéristique est précieuse, car elle permet de réduire les dégâts sur les espèces non visées. Par exemple un traitement à base de bacille de Thuringe sur des pommiers en fleurs tuera toutes les chenilles présentes,

mais respectera les abeilles qui butinent comme les coccinelles qui mangent les pucerons ou les guêpes qui parasitent les chenilles. De même un épandage

« Lutte contre la pyrale du maïs grâce au trichogramme chenille ravageuse œufs de pyrale trichogramme pyrale Le trichogramme se développe.

Le maïs n'est pas détruit.

Le trichogramme pond dans les œufs de pyrale.

Les larves de pyrale sont tuées dans l'œuf.

cas des parasites d'espèces introduites qui ne se maintiennent pas dans la nature et qui doivent être relâchés chaque année.

Ainsi la pyrole du moïs est efficacement contrôlée en Europe par des lâchers annuels d'une minuscule guêpe parasitant ses œufs.

RENFORCER LES AUXILIAIRES NATURELLEMENT PRÉSENTS Quand l'espèce qui pose un problème est indigène, elle est déjà accompagnée de son cortège de prédateurs et de parasites naturels.

Si elle pullule, aucune introduction n'est envisageable pour en venir à bout.

Dans quelques cas, par exemple après l'arrêt de traitements chimiques de longue durée ayant fait disparaître les auxiliaires, des lâchers de bêtes d'élevage sont envisageables.

Mais si les cultures couvrent des surfaces importantes, ces lâchers reviennent vite beaucoup trop cher et les capacités de production des élevages existants ne suffiraient pas, et de loin.

La solution consiste alors à renforcer les populations d'auxiliaires naturellement présents sur place ou à proximité.

Les premiers à avoir mis en pratique cette idée sont les forestiers allemands à la fin du XIX' siècle.

Constatant l'efficacité des mésanges pour contrôler les pullulations de chenilles défoliatrices des chênes et autres essences nobles, ils se sont rendu compte que ces oiseaux, nichant dans les trous des vieux arbres, souffraient d'une crise du logement dans les jeunes plantations.

Ils ont mis au point des nichoirs, cavités artificielles très bien acceptées par les oiseaux, qui permettent d'augmenter sensiblement le nombre de couples sur une surface donnée.

Il existe aujourd'hui des nichoirs ou des abris pour de nombreux auxiliaires des cultures.

Mais le coût de ces matériels et le temps nécessaire pour leur pose et leur entretien les cantonnent souvent aux jardins particuliers : abri à hérisson, à chauve-souris, à coccinelle ou à chrysope, nichoirs il oiseoux, à abeilles solitaires, à guêpes prédatrices, etc.

Certaines exploitations agricoles spécialisées, en arboriculture fruitière ou en maraîchage par exemple, utilisent ces matériels en complément d'autres techniques de lutte biologique, mais ils sont absents des grandes cultures.

Une au tre te chniqu e, pouvant être utilisée en grandes cultures consiste à aménager autour des champs a protéger des milieux refuges où les auxiliaires peuvent se réfugier durant l'hiver et se développer en début de saison : bandes enherbées ou fleuries, haies variées par exemple.

La technique des bandes fleuries semées à des dates décalées au printemps permet d'obtenir une floraison très étalée, d'attirer et de nourrir ainsi de nombreuses guêpes et mouches parasites.

Les agronomes ont également mis au point pour certaines cultures, essentiellement les vergers, des haies refuges pour les auxiliaires.

Les essences à planter sont choisies à la fois pour leur grande attractivité pour les auxiliaires, mais aussi pour leur faible concurrence avec les arbres fruitiers.

Elles appartiennent à des familles éloignées des arbres cultivés, pour ne pas servir de réservoir potentiel de maladies.

Ces techniques, couplées avec des traitements chimiques peu nombreux mais ciblés, sont à la base de la lutte intégrée, mêlant lutte biologique et lutte chimique.

Pasteur le premier a découvert que les insectes pouvaient être victimes de maladies épidémiques, en étudiant le ver à soie.

Aujourd'hui, divers champignons de la catégorie des moisissures, des bactéries et des virus, dont la culture en laboratoire est maîtrisée, sont utilisés pour contrôler plusieurs espèces à problème.

!:agent le plus célèbre dans ce domaine est le bacille de Thuringe.

Cette bactérie parasite les insectes et les tue en libérant une toxine dans leur corps.

Diverses souches ont été isolées, certaines actives uniquement sur les chenilles, d'autres sur les moustiques, etc.

Cette caractéristique est précieuse, car elle permet de réduire les dégâts sur les espèces non visées.

Par exemple un traitement à base de bacille de Thuringe sur des pommiers en fleurs tuera toutes les chenilles présentes, mais respectera les abeilles qui butinent comme les coccinelles qui mangent les pucerons ou les guêpes qui parasitent les chenilles.

De même un épondoge por ovion sur un marais d'une souche ne tuant que les larves de moustique respectera les nombreux autres insectes qui pullulent dans ce milieu.

De nombreux champignons s'attaquent aux insectes et les tuent.

Deux genres apparaissent comme particulièrement prometteurs : Beauveria et Metarhizium.

Ils sont déjà utilisés avec succès contre diverses espèces : doryphore, criquets, bombyx du pin, choronron de lo vigne, cercope de la canne à sucre.

Mais d'autres s'attaquent aux mauvaises herbes ou à des maladies des plantes causées par d'autres micro-organismes.

Des champignons des genres Penicillium, Trichoderma et Gliocladium sont utilisés contre la fonte des semis et la pourriture des racines.

Les virus enfin pourraient représenter les armes de l'avenir.

Un baculovirus à polyèdre est déjà produit en masse pour lutter contre la noctuelle du chou ou le carpocapse des pommes.

Les vertébrés ont par le passé été très efficacement contrôlés par des maladies à virus.

�exemple le plus connu est la myxomotose, inoculée aux lapins volontairement en Australie et involontairement en Europe au milieu du xx< siècle.

LIMITES ET DANGERS DE LA LUTTE BIOLOGIQUE Bien que nettement plus respectueuse des équilibres naturels que la lutte chimique, sans incidence notable à court terme ou à long terme sur la santé humaine, sans phénomène d'accumulation de résidus, la lutte biologique présente des limites et des dangers qu'il ne faut pas négliger.

Tout d'abord, la méthode est très efficace préventivement sur les cultures, elle l'est beaucoup moins curativement.

Il y a en général un délai entre la pullulation de l'espèce hôte ou proie et c e lle du parasite ou du prédateur qui la j ugul era .

Dans le cas d'une plante introduite envahissant les milieux naturels, ce n'est pas grave et la lutte biologique est généralement couronnée de succès.

En revanche un agriculteur veut non seulement que l'espèce posant problème disparaisse ou soit ramenée à une population très faible, mais aussi que cela se passe suffisamment rapidement pour que sa récolte soit préservée.

C'est pourquoi il est illusoire de croire que la lutte biologique résoudra tous les problèmes présents et à venir.

Mais ses potentialités ne sont pas utilisées au maximum, loin de là.

Elle peut dans bien des cas représenter une alternative intéressante à la lutte chimique.

Les dangers éventuels de la lutte biologique pour la santé humaine concernent essentiellement l'utilisation de micro­ organismes.

Ainsi l'utilisation d'une bactérie pour lutter contre les campagnols, appelée improprement virus de Danisz -du nom du chercheur de l'Institut Pasteur qui l'avait isolée - a été abandonnée après la Seconde Guerre mondiale suite à quelques cas de transmission de la maladie à l'homme.

On ne peut écarter non plus la possibilité d'échange de gènes entre le bacille de Thuringe et Bacillus cereus et Bacillus anthracis, très proches génétiquement, qui tous deux provoquent chez l'homme vomissements, diarrhées et problèmes respiratoires.

Les chercheurs , appliquant le principe de précaution, surveillent de près la question.

La principale limite de la lutte biologique et le risque le plus important qui en résulte, résident dans la frontière floue entre espèce à problème et espèce auxiliaire dans le cadre d'une introduction volontaire ou involontaire.

Lamon­gouste représente un exemple caricatural.

Les rats arrivés dans les iles des Antilles avec les premiers navires européens ont causé de nombreux dégâts à la flore et à la faune insulaires.

En 1888, pour les éliminer et pour limiter les serpents venimeux, des mangoustes furent introduites de Birmanie en Guadeloupe.

Si les rats ont été en partie contrôlés, mais pas éliminés, ces carnivores se sont vite rabattus sur d'autres proies, comme des perroquets et des reptiles endémiques.

Le remède s'est avéré pire que le mal pour la faune locale.

Aujourd'hui, les introductions d'auxiliaires se font selon des procédures beaucoup plus rigoureuses, avec des études d'impact préalables.

�espèce candidate doit répondre à certains critères, notamment un spectre alimentaire très étroit, idéalement limité uniquement à l'espèce cible.

Ainsi sont réduits les risques d'effets colatéraux imprévus et indésirables.

Mais par le passé, la rigueur n'a pas toujours été au rendez-vous.

Un escargot carnivore introduit au milieu du xx< siècle dans plusieurs îles du Pacifique pour lutter contre un autre escargot végétarien introduit et devenu envahissant est responsable de l'extinction d'au moins trente espèc es endémiques d'escargots qui n'étaient bien sûr pas concernées au départ.

De même, un charançon européen introduit en Amérique en 1975 pour lutter contre le chardon penché devenu envahissant mange de nombreux chardons indigènes du genre Cirsium, dont certaines espèces rares et protégées.

Malgré ses avantages, la lutte biologique n'est pas une panacée.

Elle n'a pas la prétention de pouvoir résoudre tous les problèmes, et elle peut elle-même provoquer certains effets indésirables.

Son utilisation et même son développement dans le futur ne sont pas remis en question.

Elle est trop précieuse pour limiter l'utilisation des produits chimiques, qui ont des impacts négatifs bien plus importants sur la santé humaine.

Mais ce n'est qu'une arme parmi d'autres.

Dans l'avenir, une meilleure maîtrise des risques liés à la lutte biologique sera possible.

Pour cela, il faut éviter d'introduire des espèces à problème d'un continent à l'autre et mener des études approfondies avant tout lâcher d'auxiliaires dans la na ture .. »

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