Les randonnées
Publié le 04/11/2011
Extrait du document
La marche est le premier exercice pratiqué par les enfants. On apprend d'abord au bébé à marcher et l'âge auquel il fait ses premiers pas constitue, comme la parole, une étape essentielle de sa vie. Ceux qui marchent tardivement sont comme ceux qui parlent tardivement : ils inquiètent leur entourage. Aujourd'hui, l'adulte a tendance à marcher de moins en moins ; il dispose, pour lui épargner la fatigue, de toutes sortes de moyens de transport qui finissent par devenir si nécessaires que l'usage des jambes semble réservé à la station debout, non à la circulation. Tout au plus se borne-t-on, dans les villes, à faire du shopping pour échapper à l'ankylose. Des amateurs de science un peu fictive ont imaginé qu'un jour l'homme, qui ne se servirait plus jamais de son appareil moteur, s'en passerait et que ses pieds, ses chevilles, ses genoux, ses cuisses finiraient par s'atrophier. On n'en est pas encore là, mais il est certain qu'il a suffi de quelques générations, avec la mécanisation, pour que la marche devienne une sorte de souvenir.
«
C.- M .
Desprez /Rapho
Marcher c'est partir â la conquête de l'espace et du temps mais aussi de soi-même.
LAMARCHE
Nos aïeux marchaient beaucoup, et ceux qui
n'avaient ni cheval ni voiture devaient bien utiliser
leurs jambes pour se déplacer.
C'était le plus grand
nombre.
Ceux même qui utilisaient les coches ou
les diligences mettaient pied à terre quand la route
était malaisée ; on marchait presque autant qu'on
roulait.
Les routes et
les sentiers étaient parcourus,
à longueur d'année, par une foule de gens à pied
cjui allaient à la ville prochaine, aux foires, ou au
bout du monde.
Jusqu'à la fin de la Première Guer
re mondiale, les armées ont circulé à pied et si les
officiers avaient un cheval pour les pOrter, on trou
vait normal que le soldat parcourût la route de Paris à Moscou -aller et retour - dans ses sou
liers.
La marche était la condition même de la vie quotidienne.
Aujourd'hui, quelques centaines de mètres à parcourir effraient l'habitant des villes qui
s'inquiète toujours de savoir comment il peut
échapper à cette corvée.
Il y a des Parisiens qui
savent très précisément comment aller d'un quar
tier de la capitale à un autre par
le métro ou le bus,
mais qui seraient bien incapables de faire le même
trajet à pied.
L'espace s'est toujours mesuré en pas, en pieds,
mesures tactiles, corporelles, physiques qui tradui
sent un contact, une définition de la longueur
fon dée sur une connaissance précise de la fatigue ; le temps
comptait moins - à la différence de
ce qui se passe maintenant où l'on fait du cent trente, où l'on
va de Bruxelles à Nice en dix heures ou de Paris à
Mexico . ..
en moins de huit heures -que cette conquête patiente du sol, cette persévérance qui
consiste à toujours recommencer, en tenant la meil
leure allure, à grignoter
le terrain sans se lasser, en en mesurant l'étendue, en visant au loin l'étapèque constituent un clocher, un arbre, un bois, une colline, une montagne, une rivière, autant de bornes qui
sont celles de l'espoir et de son dépassement.
L'homme qui avait perdu
le' sens de la marche
apprend désormais à en retrouver la vraie significa
tion.
Ce n'est pas
unjeu comme un autre, et si c'est un loisir, le délassement qu'il procure ne s'acquiert
qu'au prix d'une volonté qui s'apparente, comme
tout sport, à la conquête du milieu naturel.
Marcher,
ce n'est pas seulement multiplier les
enjambées, c'est aussi aller au-devant de quelque
chose ou
de quelqu'un ; il n'y a pas de marche sans
but et le but suppose souvent une démarche.
D'où le sens que le mot a pris dans le langage de la spiri
tualité où la fonction musculaire a disparu au pro
fit d'une réalité et d'une expérience d'ordre moral,
intellectuel ou religieux.
On marche dans les ténè
bres ; on marche vers la lumière, autant d'expres
sions toutes faites, qui remontent à loin, et qui
traduisent, dans l'absolu de leur
irmige, une péré
grination des âmes à travers un univers incompré
.
hensible, obscur, hostile ou fermé.
Toute une litté-.
»
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