LA T.S.E Le long développement DE LA RADIO FRANÇAISE
Publié le 17/12/2018
Extrait du document
Le long développement
DE LA RADIO FRANÇAISE
1930: la radio française a déjà huit ans et pourtant elle ne répond pas aux espérances de ceux qui croyaient qu’elle bouleverserait la vie des campagnes et réaliserait le «noble but de l’instruction publique pour tous». Ces idéalistes mesurent l’échec de la radio à sa faible diffusion au sein de la population. Si l’on compare la radio française à ses consœurs des pays développés, elle montre en effet un retard certain. Une étude établie sur la base de données de l’Union internationale de radiodiffusion place la France en vingtième position du point de vue de la densité radiophonique : la radio en France se développe d’une manière artisanale et non industrielle; artisanale quant à son réseau technique, au marché des récepteurs, à l'organisation des stations et des programmes. L’introduction de la radio dans les foyers français s’accélérera cependant à la fin des années trente.
Le double secteur public-privé
En 1921 avait commencé à émettre à Paris une première radio, le poste de la tour Eiffel, placé sous la responsabilité du général Ferrié. Quelques mois plus tard, en 1922, une nouvelle station vit le jour, Radiola, créée par la firme du même nom. Dès le début ont donc coexisté secteur privé et secteur public. Il n’y a pas de différence réelle entre les deux types de radios, gérées dans les deux cas par des amateurs passionnés; toutes vivent grâce à la «réclame» et font appel à des bénévoles pour nourrir leurs programmes. Le développement de la station dépend plus de l’énergie de ses promoteurs que de son statut légal. Celui-ci donne lieu du reste à de très nombreux débats à l’As-semblée nationale où s’opposent les monopolistes (partisans du monopole de l’Etat sur les communications) et les libéraux (qui souhaiteraient un allègement du contrôle de l’État).
À défaut de trouver un accord sur un statut définitif, les gouvernements successifs finissent par entériner le statu quo en interdisant simplement la création de nouvelles stations privées. À partir de 1928, une trentaine de stations coexistent sur le territoire français (publiques ou privées). Inégalement réparties, elles sont plus nombreuses dans le Sud, où la densité d'auditeurs est pourtant moindre.
Le développement
DES ÉMETTEURS ET DES RÉCEPTEURS
Au cours des années trente, les conditions techniques d’écoute de la radio s’améliorent. Les émetteurs, d’abord installés dans les villes, émigrent vers la campagne pour lutter contre les parasites. Jusque-là, l’auditeur était en effet à la merci du moindre ascenseur ou du plus petit aspirateur qui pouvaient transformer l'audition en une abominable cacophonie. La lutte contre ces parasites et l’augmentation de la puissance des émetteurs accroissent de façon notable le confort d’écoute. Les récepteurs, eux aussi, sont modifiés. Le poste à galène existe toujours mais les auditeurs lui préfèrent le poste à lampes, plus cher mais de meilleure qualité. Celui-ci se simplifie et surtout s’unifie: au lieu d'une accumulation de fils électriques, de boîtes de réception, de batteries, de grilles ou de lampes, l’auditeur possède désormais un seul appareil, souvent assorti aux meubles de son salon et qu’il écoute en tournant simplement un bouton.
Les amoureux de la technique sans-filiste forment le premier public de ces postes de radio dont l’audience se développera désormais grâce aux programmes. Le cercle des auditeurs s’étend ainsi rapidement : entre 1932 et 1937, leur nombre passe de un à cinq millions. À la veille de la guerre, plus de la moitié de la population a régulièrement accès à un récepteur. La radio est devenue un élément familier des foyers français.
«
LA T.S.F.
Le centre d'enregism·ment
de la rue François l" à Paris.
Enregistrement sur cire minet.
© René Dozy LA
T.S.F.
Err 1936, v oil ure de reportage
de la Voix de Paris, joumal parlé
de Radio-Cité.
Le vfhicu/e,
peint en rouge.
recherche
jour et nuit l'actualité
qui est enregistrée
sur disques souples
et auss itôt transmise à la station.
© Coll.
purticulièr<
en réalité, les responsables de la radio publique se battront, en vain,
durant les années trente, pour obtenir que leur pactole ne soit pas en
partie réinvesti dans le soutien au théâtre national, aux musées, etc.
Du ..:ôté des radios privées, la cote des stations, même les plus mo
destes, monte grâce à l'intérêt que manifestent les hommes d'affaires à
leur égard.
En 1935, Marcel Bleustein-Bianchet, le jeune patron de
l'agence Publicis, qui perd l'affermage de la publicité des postes pu
blics, rachète à Lucien Lévy, inventeur et industriel, sa station pour en
faire la populaire Radio-Cité.
Puis en 1937 le magnat de la presse
française, Jean Prouvost, obtiendra le transfert de Radio-Béziers à
Paris, où il créera Radio 37.
Quel avenir s'offre alors aux amateurs dont la passion fut à
l'origine des stations? Les décrets de 1933 marquent, en même temps
que la reconnaissance de ces radios, le chant du cygne des associations
qui avaient présidé à leur naissance et les animaient depuis lors.
Préoccupées par la reconnaissance officielle de leur statut, celles-ci ne
verront pas que ce� textes introduisent l'État (ici le ministère des PTT)
au cœur de leurs affaires.
En effet, à partir de 1935, le s stations
publiques sont gérées par des «conseils de gérance » où sont représen
tés des groupements d'intérêts culturels, sociaux, industriels, les pou
voirs publics et les représentants des auditeurs.
Ceux-ci sont élus à un
large suffrage par un vote auquel, précédent unique en 1935 et 1937,
les femmes, qui n'•Jnt pas encore acquis le droit de vote aux élections
politiques, sont admises à pa rticipe r.
Si les PTT gardent la haute main
sur les aspects techniques, ils se mêlent également des programmes,
mais aussi des informations, grâce au Radio-Journal de France re·
transmis par câble dans tous les postes régionaux.
L:intérêt de plus en plus marqué des hommes politiques
pour la radio finira par aboutir en juillet 1939 à la création de l'ad
ministration de la Radiodiffusion nationale placée sous l'autorité de la
présidence du Conseil et plus tard d'un Commissariat général à l'in
formation (qui constitue la première ébauche d'un ministère de l'In
formation).
LE LOISIR RADIOPHONIQUE
Les producteurs des années trente ne faisaient pas d'en
quête sur la durée d'écoute des postes.
On connaît donc de manière
indirecte les heures d'audience privilégiées.
Il semblerait que la radio
ait été écoutée en priorité le soir.
Les images de familles réunies à la
nuit tombée autour du poste de TSF sont bien connues et corres
pondent sans nul doute aux pratiques des auditeurs.
C'est ensuite
l'heure du déjeuner qui est la plus prisée.
La radio ne s'impose que
très lentement le matin et, jusqu'à la guerre, une importante station
privée comme Radio-Toulouse ne commence ses programmes que
vers midi.
Peu
à peu les émissions tissent de nouveaux liens avec les
auditeurs et la technique sans-fi liste passe au second plan.
C'est par les
jeux, les cadeaux.
les rem ise s dans les magasins, le s émissions pu
bliques que les producteurs cherchent à attirer l'attention de leurs
auditeurs.
Le présentateur cesse d'être anonyme.
les vedettes du mi·
c ro se mu ltip lient: après Radiolo, Jean Toscane, Saint-Granier, Louis
Merlin deviennent très populaires.
Les émissions ne sont plus seule
ment diffusées en soirée.
Désormais, les audiences se diversifient;
certes, il y a la fam ill e du soir mais «il faut aussi penser aux blessés,
aux vieillards, aux malades et à ceux qui disposent de loisirs pour
d es émissions en après-midi ..
, explique en l931 1e responsable d'un e
station.
Les auditeurs manifestent leurs goûts; ils aiment particuliè
rement ce qu'on appelle alors la musique légère (les chansons, les airs
enlevés, les opérettes), les comédies, les amuseurs (comme Bach ct
Laverne).
Mais surtout la radio ouvre à un publi c encore peu accoutu·
mé aux disques l'univers des vedettes de la chanson: Maurice Cheva
lier et Édith Piaf en seront les illustres bénéficiaires ·.
Le goût des auditeurs se porte également sur les informa
tions, mais dans une moindre mesu re .
Les journaux d'information
diffusés une ou deux fois par jour sur chaque sta tio n font la part belle
aux commentaires plus qu'à l'événement; le ton est celui de la cause
rie ou de l'éditorial.
La plupart des journalistes radiophoniques tra
vaiUent en même temps dans la presse écrite.
Ils font le matin un
article pour leur quotidien et passent le soir à la radio où ils lisent -
ou font lire par un •speaker» -un papier plus général, qui ne prend
pas nécessairement en compte les dernières nouvelles.
D'autre part,
les radios ne sont qu'exceptionnellement abonnées aux services de
l'Agence Havas (la future Agence France-Presse).
Pourtant, à la fin des années trente, l'actualité qui était
jusque-là le domaine réservé de la presse trouvera place à la radio.
Mais les nouvelles proviennent en priorité de la presse, qui finit par
s'agacer de ce pillage, d'autant plus qu'elle commence à craindre cette
concurrente qu'elle a d'abord dédaignée: elle oblige alors les radios à
signer un accord stipulant que la durée de leurs informations devra
être limitée.
Accord qui ne sera jamais respecté.
C'est qu'entre-temps
la radio a mis au point de nouvelles techniques d'enregistrement su r
disque, elle s'est équipée de cars de reportage et n'entend pas y
renoncer.
L:information prend le pas sur les autres émissions et elle
peut même les interrompre.
Ainsi, lors de l'occupation de la Tchéco
slovaquie et de la signature des accords de Munich, les hommes de
radio-vont se découvrir un rôle nouveau.
L Es HOMMEs POLITIQUES
ET LA RADIO
Dès le début de la décennie, inspirés peut-être par des
exemples étrangers, les hommes politiques ont commencé à s'intéres
ser à la radiodiffusion comme moyen de se faire entendre de leurs
électeurs.
Leur intérêt ne se manifeste d'abord que par des inter
ventions au Parlement ou des projets de statut déposés à la Chambre.
Ils se mettent à l'écoute des informations; ils espèrent qu'elles in
fluenceront les opinions des auditeurs-électeurs, ou le craignent lors
qu'ils sont dans l'opposition.
Très vite, les hommes politiques
cherchent à utili ser à leur avantage les nouvelles do nn ées par la radio
diffusion.
Jusq u'e n 1939, le gouvernement n'a pas directement de
pouvoir sur les postes privés, mais il use d'une C:pée de Damoclès qui
leur interdit polémiques ou critiques: leurs autorisations d'émettre
sont provisoires et révocables à chaque instant.
Sur les postes d'État.
la censure est presque plus complexe à manier que l'autocensure des
concurrents privés.
Les journalistes, surtout en prov in ce , ne dé·
pendent pas directement de la puissance publique et c'est surtout
l'arsenal classique des pressions que les hommes politiques doivent
mobiliser.
Le plus souvent, ces pres�ions sont ignorées du grand pu
blic.
Dans quelques cas, elles lui sont connues et provoquent des
réactions dans la presse d'opinion.
Ainsi, lors des affrontements du
6 février 1934, le grand public apprend que le ministre des PTT a dicté
son papier au journaliste: celui-ci a été chargé de rendre compte des
manifestations en perdant de réputation les manifestants, dans un
discours mâtiné en outre de xénophobie.
Le chroniqueur a en effet
attribué l'événement «à des repris de justice et à des étrangers».
La
presse fait, pour la première fois, mais non la demière, scandale
autour de cette ingérence gouvernementale.
C'est que le micro n'est alors ouvert qu'aux hommes du
gouvernement.
En 1932, pour la première fois, un discours électoral.
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