LA DANSE ET LES LOISIRS
Publié le 04/11/2011
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Parler de danse et de loisirs ouvre un champ de réflexion qui se rattache autant à l'histoire de la société qu'à celle de l'art chorégraphique. Qui dit loisirs dit temps libre, disponibilité, distractions. Nous sommes entrés dans la civilisation des loisirs et les perspectives sont si vastes - avec notamment la réduction du temps de travail, la préretraite, l'allongement de la durée d~ vie- qu'on en est venu un peu partout à envisager d'organiser ces plages de temps libre. En 1936, la création d'un sous-secrétariat aux Loisirs et aux Sports officialisait la notion de loisir. Il s'agissait d'abord d'en définir les besoins : détente, jeux, évasion. Puis intervint une nouvelle donnée : celle de créativité et non plus seulement de divertissement.
«
En France d'ailleurs Maurice Béjart est celui
qui a le plus contribué à ce phénomène.
Il y a bien sfir une part de mode dans cet engouement mais il y a bien plus, l'actuel essor de la danse est un phé
nomène de société.
A la différence du théâtre parlé qui connaît
actuellement une crise, la danse
se voit ouvert un
champ illimité : c'est une activité professionnelle
(danse de théâtre), une activité de société (danses
de salons, bals), une activité sportive, une théra
peutique.
C'est aussi une méditation, un moyen
de connaissance, bref une des rares activités
humaines où l'individu
se trouve engagé totale
ment : corps, cœur et esprit.
La danse est un langage.
Depuis 1968les jeunes
ont redécouvert son pouvoir de communication.
A travers elle
ils ont entrevu une autre façon de
vivre leur relation au monde.
Pour eux, elle est le symbole du retour aux sources, le regard jeté vers
d'autres civilisations, le refus des codes et par
là-même le refus de l'ordre établi et des conven
tions sociales.
Elle est aussi une forme de création
directe, une manière d'interroger l'époque et de
s'y projeter :
« Son audace, son ambition cosmi
que ne sont pas moins grandes que celles des
autres arts, constate Jacques Rigaud, mais
ce qu'il y a de pathétique en elle c'est qu'elle est
indissolublement solidaire de la fragile figure
humaine,
si méprisée, si oubliée par les peintres et les sculpteurs de notre temps ».
On comprend mieux dès lors pourquoi cette
danse est redevenue l'objet de l'attention des pouvoirs publics.
Organiser, subventionner
(même petitement), c'est contrôler.
De leur côté
les entreprises commerciales y trouvent une nou
velle demande à satisfaire si bien que la danse,
retrouvée, réinventée, court le risque d'une édul
coration, d'une récupération permanente.
A LA RECHERCHE
DE L'UNITE PERDUE _____ _
Une nouvelle manière de danser s'esquisse dans les années 68 et pas seulement en France, dans
tout le monde occidental.
Ce n'est plus une sim
ple querelle de génération entre les classiques et les modernes, c'est l'indice d'une crise de civilisa
tion, l'amorce d'un phénomène essentiel, la réap
propriation du corps.
Le public qui communie à
la Messe pour un temps présent de Béjart ou se perd dans la transe collective de W oodstock a
retrouvé spontanément la potentialité cosmique
de la danse.
Dès 1933l'ethnologue allemand Curt Sachs fai
sait remarquer que l'homme, avant de confier
ses émotions à la prière, au verbe, au son, s'était servi
de son propre corps pour organiser l'espace et
rythmer
le temps :
« La danse, écrit-il, est le premier né des arts.
Cependant on hésite à prononcer le mot art.
Sa
signification actuelle, à la fois exagérée et limitée,
s'applique mal à la plénitude jaillissante de la
danse.
Celle-ci en effet efface
les limites entre le corps et l'âme, entre l'expression désintéressée des sentiments et l'acte utilitaire, entre la sociabi
lité et le développement de la personnalité.
Elle
confond le jeu, le culte, la scène et la lutte, tous les éléments enfin que l'humanité a dissociés au
cours de son évolution.
La danse emplit d'un souffle surhumain le corps harassé et confère à
l'âme une félicité divine.
L'homme doit danser
parce qu'une joie de vivre débordante, irrésisti
ble, arrache
ses membres à leur torpeur; il veut
danser parce qu'il sent naître en lui une force
magique qui donne la vie, la santé, la victoire.
Un même transport mystique peut incorporer le dan
seur dans la communauté et l'enlever dans la soli
tude du moi
».
Ainsi au fur et à mesure de l'évolution des civi
lisations et plus particulièrement de la civilisation
occidentale, la danse a perdu son unité première
dans
des réductions successives.
Tout d'abord elle se défait de son caractère sacré; elle devient un
spectacle et agit sur les humains et non plus sur les dieux.
Puis les jeux, les exercices physiques, se détachent d'elle.
Elle reste cependant ritualisée
jusqu'au jour où la tragédie à son tour va renier
ses origines chorégraphiques.
A l'aube de notre
civilisation actuelle elle fait encore partie de
l'existence quotidienne des populations.
La reli
gion chrétienne
va accélérer sa réduction car non
seulement elle disjoint le corps de l'âme, mais elle
instaure le mépris du corps (notion de péché).
A
la Renaissance il ne lui reste plus que deux
alternatives, le divertissement de société et la
représentation.
Le jour où le roi Louis XIV cessera de danser
dans les ballets de cour et ou des danseurs profes
sionnels vont monter sur une scène surélevée la
rupture est consommée.
Les pas de danse eux
mêmes sont classés, stylisés.
La danse classique
théâtrale codifiée constitue la mise en ordre du
geste.
Elle
va régner sur le monde occidental jus
qu'au XX• siècle.
Belle, oh combien! elle va
s'épanouir surtout dans l'Europe, une proportion
réduite du monde où
les peuples ont perdu le sens de la danse.
Danse de représentation
et danse de société
Ces deux formes de pratique qui entrent dans la
notion de divertissement, donc de loisir, ont tou
jours tenu une grande place dans notre société.
Elles
se confondent plus ou moins jusqu'au.
»
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