LA BOXE EN AMÉRIQUE de 1920 à 1929 : Histoire
Publié le 01/01/2019
Extrait du document
Aucun sport, à aucune époque, n'a connu une popularité aussi grande que la boxe dans les années vingt. Aucun sport ne s’est autant identifié à un pays que le «noble art» au Nouveau Monde en cette décennie. Aussi est-ce un combat de boxe aux Etats-Unis qui est à l'origine de la première grande manifestation sportive de l’immédiat après-guerre. Il en inaugure d’autres, plus importants encore, qui vont être les moments phares de la décennie sportive.
C'est vers l’immense amphithéâtre de Boyles Thirty Acres à Jersey City, en ce jour du 2 juillet 1921, que se dirige l'attention de tous les sportifs du monde entier pour connaître l’issue de ce qui sera la rencontre sportive du siècle, la plus célèbre de l’histoire du ring : le combat qui va opposer, pour le titre de champion du monde toutes catégories, l’Américain William Harrison, dit Jack Dempsey (27 ans, 85,274 kilos) et son challenger, le Français Georges Carpentier (29 ans, 78,017 kilos). Il doit être retransmis en direct par la télégraphie sans fil (TSF) — une première dans l'histoire du sport -, par toutes les agences.
Depuis plusieurs semaines, la presse américaine présente chaque jour ce combat — parfois sur trois pages — comme un choc entre deux continents, entre deux cultures. La comparaison n’est pas seulement d'ordre pugilistique et sportif : la puissance, l'efficacité et la maîtrise (Dempsey) contre la félinité, l'adresse et l'habileté (Carpentier). Il n'est pas de vedette du théâtre ou du cinéma — Mary Pickford, Charlie Chaplin, Douglas Fairbanks, Rudolph Valentino, Henry Ford et tant d’autres célébrités — dont on ne sollicite l’opinion et qui ne se range dans un camp. Selon Gaston Bénac, l’un des envoyés spéciaux de la presse française, seule l'héroïne des Mystères de New York, l’actrice Pearl White, ose afficher sa préférence pour Georges Carpentier.
Étrangement, la presse britannique prend fait et cause pour Carpentier, dont le style lui semble plus proche des canons du «noble art» - ce qui a valu au champion français le surnom de «The Orchid Man»; sans doute juge-t-elle la boxe américaine encore trop fruste, pas assez pénétrée de l'esprit des codifications instituées en 1891 par le marquis anglais de Queensberry et qui donnèrent naissance à la science pugilistique moderne.
En France, le match n’est pas seulement présenté comme une opposition entre la science et la force, mais aussi comme l'expédition d'un Carpentier héros de la guerre — qu'il a faite en aviateur — allant rosser le «rusé» Dempsey. On a même droit à l’image de
Georges, sorte de Bayard des temps modernes, s’en allant terrasser Jack, la «brute furieuse» sortie de la jungle des bas-fonds.
En attendant le jour du combat, le visiteur européen de New York ne peut manquer de remarquer un procédé de «réclame» inusité ailleurs et typiquement américain — autre signe de la popularité de la boxe outre-Atlantique : dans Times Square, à l’angle de Broadway et de la 5e Avenue, d'immenses écrans lumineux projettent quotidiennement les dernières nouvelles des deux boxeurs, de leur entraînement et surtout de la cote des paris. La veille de la confrontation, une pluie torrentielle endommage les écrans, faisant l’affaire des paris parallèles. Du coup, ce sont les bookmakers clandestins qui annoncent, le lendemain, la cote des paris — neuf contre un en faveur de Dempsey — aux premiers spectateurs qui, après avoir traversé en ferry-boat l’Hudson River, débarquent dès l’aube à Jersey City — face à New York et aux gratte-ciel de Manhattan.
Ils seront environ cent dix mille dès 10 heures, alors que le combat est prévu pour 15 heures, à fondre sur les gradins en bois de l'amphithéâtre de Jersey, qu’a fait construire en quelques semaines l’organisateur Tex Rickard, célèbre pour son âpreté au gain mais aussi pour sa redoutable efficacité. Les travaux lui auront coûté 100 000 dollars, et sa «superproduction» enregistrera la recette record de 1 800 000 dollars environ (21 millions de francs). Carpentier recevra 200 000 dollars, et Dempsey 300 000.
Le combat conclu en douze reprises, avec des gants de huit onces, démarre à 15 heures 18 (20 heures 18 à Paris) et cessera au quatrième round : Carpentier, un pouce brisé à la suite d’un coup net qui ébranle au deuxième round son adversaire, est mis knock-out. Le soir du match, des avions survolent Paris et lancent des carrés en papier sur une foule innombrable et déçue, pour annoncer la défaite du Français. Mais tous les sportifs qui ont suivi le match à la TSF apprennent la nouvelle deux minutes seulement après la fin du combat. Pour Léon Bailby, de F Intransigeant, la France a d’autres motifs d’être fière de l'issue de ce match : « La journée d’hier a été bonne pour nous : elle nous a permis de fêter une gloire française incontestable, celle du grand et modeste savant : Branly. Quand le résultat du match Carpentier-Dempsey a mis un peu moins de 120 secondes à voler entre New Jersey et Paris, nous avons réalisé sans doute pour la première fois l'admirable invention qu’Édouard Branly a créée et que Marconi a mise au point.» Un bienveillant lecteur américain de cet article y verrait, une fois de plus, un trait d’élégance du comportement français, mais l’événement historique, outre la victoire de Dempsey, fut également sans conteste, le même jour, la prise de connaissance de la TSF par un large public. (Ce jour-là eut lieu le premier radio-reportage sportif réalisé par deux reporters américains de la station Westinghouse de Pittsburgh: Andrew White et J.O. Smith).
«
Le
combat entre Dempsey et Carpentier a été le révélateur
de l'essor sans précédent qu'a connu la boxe au lendemain de la
guerre.
Dès la fin de celle-ci, Je sport de compétition connaît un regain
exceptionnel.
Déjà, à la veille du conflit mondial, la quasi-totalité des
disciplines sportives se sont dotées de règles et codifications universel
lement adoptées, garanties par des fédérations internationales puis
santes et respectées.
S'affranchissant ainsi de leur matrice aristocra
tique, confidentielle et restrictive, les compétitions sportives
s'internationalisent.
Le sport touche désormais un plus large public, notamment
celui des faubourgs des grandes métropoles industrielles.
Après les
sombres années et la reconstruction économique à marche forcée qui
s'ensuit, les hommes de la campagne qui sont sortis indemnes de la
tourmente ne limitent pas leur rêve de liberté au fait d'aller vendre
leur force de travail aux portes des usines, mêmes les plus lointaines.
Les prairies irlandaises ou les mines galloises ruinées, les Pouilles
italiennes, les ghettos de l'Europe de l'Est ne produisent pas seule
ment des migrants prolétaires.
Les bras et les jambes peuvent servir
autrement, pour sc faire une place au soleil ou, plutôt, pour recouvrer
la dignité perdue ...
La foule d'apprentis sportifs ainsi libérée va trouver des
terrains, des salles d'entraînement, des 3Ssociations d'un type nou
veau.
Plusieurs gloires du sport d'avant-guerre se reconvertissent en
entraineurs, managers, maîtres, parfois même en organisateurs, et
transmettent aux nouveaux venus, non un savoir académique tel qu'il
était dispensé dans les clubs, mais leur propre expérience.
Véritables
laboratoires de style, où se décident, voire sc confirment, parfois
vocations et carrières, ces lieux d'apprentissage jouent, plus que
d'autres, telles l'école, l'armée, l'église ou la bourse du travail, un rôle
d'intégration sociale.
De cette recrudescence de la pratique sportive, jointe au
renouvellement des méthodes d'entraînement, résulte une élévation
du niveau moyen du sport.
Désormais, pour se hisser au sommet, il ne
suffit plus d'«avoir du muscle» -ils sont plusieurs à en avoir -, ni
seulement la «rage de vaincre» -tous veulent la victoire.
Aussi, les
élites se dégageant plus difficilement et pour moins longtemps, les
grandes figures du sport des années vingt n'en auront-elles que plus de
mérite à s'extraire de la masse.
Ainsi la longévité, en boxe, du règne
de Jack Dempsey -détenteur du titre mondial toutes catégories de
juillet 1919 à la fin septembre 1926, soit sept ans et demi -prend un
relief exceptionnel.
Ou celle, en athlétisme, du coureur finlandais
Paavo Nurmi -qui récolta neuf médailles d'or et trois d'argent en
trois Olympiades (il s'apprêtait à en gagner d'autres quand il fut
disqualifié pour «faits de professionnalisme» aux Jeux de 1932)..
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