Epistémologie et sociologie: Popper
Publié le 02/11/2022
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«
Chapitre
II
L’épistémologie
objectiviste.
L’épistémologie objectiviste, s’intéresse
de la manière dont on écrit la science.
On la trouve d’abord chez Platon avec
sa théorie de la division, puis chez
Aristote
avec
ses
classifications
logiques, on la trouve aussi à l’école de
Francfort (Karl POPPER), dans la
logique avec (Wittgenstein), etc.
-
I – Platon.
A la fin de la période dite de « maturité », dans le
Théétète, Platon s’interroge à nouveau sur « qu’est-ce
que savoir ? » : comment distinguer le vrai du faux ?
Pratiquement le Théétète soulève toutes les difficultés
« techniques » de la théorie des idées (leur nature, leur
relation, le sens à donner au monde sensible, etc) ; en
fin de compte, ce sont les arguments de l’éclectisme sur
la pensée impossible du non-être qui sont la base de
cette critique.
Parvenu au sommet de sa pensée, avec un
rare courage intellectuel, Platon entreprend de tout
détruire et de tout reconsidérer
• Avant toute chose il y a, dans cette philosophie, une
revalorisation du sensible, concret qui n’est plus un
écho de la réalité, mais l’un des termes d’une relation
originelle qui peut se définir ainsi : à l’origine de toute
réalité, il y a l’action d’un principe actif (que Platon
appelle indifféremment l’un, le Bien ou l’Egal) sur un
principe passif (Multiple, l’indéterminé ou l’Inégal) et
cette action produit l’univers des idées.
L’action des
idées sur le principe passif produit alors l’univers
sensible.
Ainsi la réalité est un système de relations qui
sont décrites dans le Philèbe (les genres de l’être) et la
science consiste à découvrir ces relations dans le
sensible.
La dialectique ascendante de la première
philosophie doit donc être remplacée par
une méthode de description planificatrice
du réel, méthode d’où sortira la
classification aristotélicienne en genres et
espèces et la syllogistique, et que Platon
a appelée la division (la dichotomie).
Dans le timée il décrit à la fois l’univers
et les êtres qui le peuplent.
II - Aristote.
L’idéal d’Aristote est de classer tous les êtres de la
réalité en une série de genres et d’espèces sur lesquels
s’articulera la déduction syllogistique.
C’est l’idéal d’un
zoologiste classificateur : il n’y a plus aucune trace de
l’ordonnance mathématique de l’univers ou de théorie
des idées.
Le monde réel est tel que mes perceptions
me le présentent ; la nature est une combinaison de
forme
et
de
matière,
une
succession
hiérarchique d’êtres en puissance et d’êtres en acte
avec, séparé du monde et premier moteur du monde,
un être acte pur (Dieu).
Les théories des causes, du
mouvement, du vide, etc, ont été commentées pendant
tout le Moyen Age.
III - Karl Popper (1902-1994) et
le rationalisme critique.
Selon Karl Popper, une théorie scientifique forme un corps d’hypothèses
(ou de conjectures) dont la validité se mesure à sa capacité à résister à
des tests ou à des expériences cruciales qui pourraient l’infirmer, la
falsifier.
La science progresse par conjectures et par réfutations.
Pour
Popper, le propre de la science réside dans sa capacité à se corriger ellemême et non dans le fait de proposer des vérités définitives.
Très tôt Popper est amené à s’interroger sur la scientificité de certaines
de ces théories, notamment du marxisme auquel il adhérera un temps.
Enseignant les mathématiques et la physique dans les collèges, il
poursuit ses réflexions épistémologiques sur la nature de la science et
publie en 1934 sa logique de la découverte scientifique.
Né dans une
famille d’origine juive, l’arrivée du nazisme l’oblige à fuir en NouvelleZélande.
Après la guerre, il vient s’installer à Londres (grâce à
l’intervention de son ami l’économiste Friedrich A.
Von Hayek).
Il y fera
carrière comme enseignant de philosophie et de méthodologie
scientifique à la célèbre London School of Economics.
C’est là qu’il
publiera toute son œuvre
III – 1 - Le critère de
falsifiabilité.
« A quelle condition une théorie est-elle scientifique ? » Telle est la
question qui fonde toute l’œuvre de K.
Popper.
Son projet est de
distinguer la véritable démarche scientifique des spéculations
idéologiques ou métaphysiques.
Habituellement, on juge qu’une théorie est scientifique parce qu’elle est
vérifiable.
Or, pour Popper, ce qui définit la scientificité d’une
proposition, ce n’est pas la vérification, mais sa capacité à
affronter des tests qui pourraient l’infirmer, la rendre fausse ou
falsifiable.
Prenons par exemple la formule «tous les cygnes sont blancs ».
Cette
proposition est une hypothèse tirée de l’expérience.
Elle ne peut pas être
prouvée.
En effet, il est matériellement impossible de vérifier que tous les
cygnes sont blancs.
L’hypothèse est en revanche falsifiable en principe
puisqu’il suffit de trouver un contre-exemple pour réfuter la théorie.
La
thèse « tous les cygnes sont blancs » n’est jamais prouvée mais
reste valide tant qu’on ne trouve pas de contre-exemple.
« J’en arrivais à cette conclusion que l’attitude
scientifique était l’attitude critique.
Elle ne recherchait
pas des vérifications mais des expériences cruciales.
Ces expériences pouvaient réfuter la théorie soumise
à l’examen, jamais elles ne pourraient l’établir.
» Tel
est le principe de « falsifiabilité ».
Or,
pour
Popper,
certaines
théories
pseudoscientifiques, comme, selon lui, le marxisme
ou la psychanalyse, trouvent toujours confirmation de
leurs thèses dans la réalité parce qu’elles sont ainsi
faites qu’elles peuvent intégrer un fait et son
contraire.
III – 2 - Conjecture et réfutation.
On ne prouve jamais la vérité absolue d’une
théorie mais on peut juger de sa plus ou moins
grande fiabilité face à des expériences critiques.
Une bonne théorie, comme l’est la théorie de la
relativité,
n’est
qu’une
hypothèse
(ou
« conjecture ») qui a su résister à certaines
expériences critiques.
Il n’y a pas de différences
de nature entre hypothèses et théorie ; la
science progresse par « essais et par erreurs »,
par
critiques
successives
des
théories
antérieures, par « conjectures et réfutations ».
III - 3 - Le rationalisme
critique.
Le « rationalisme critique », professé par K.
Popper, prend acte de la part d’indétermination
du réel, de l’imperfection de tout savoir, pour
prôner une attitude critique basée sur le
« possibilisme »,
l’ouverture,
la
libre
confrontation des idées.
Libéralismes politique
et idéologique vont donc de pair avec le progrès
du savoir.
Le totalitarisme implique une
fermeture théorique.
La recherche d’un monde
meilleur comme celle d’une connaissance vraie
resteront toujours une « quête inachevée ».
III – 4 - La logique des sciences
sociales
Première thèse : Nous savons une
foule de choses.
Non seulement
beaucoup de détails d’un intérêt
intellectuel douteux, mais des
choses
d’un
intérêt
pratique
considérable et qui, surtout, nous
fournissent
aussi
une
compréhension
théorique
profonde
et
une
intelligence
étonnante du monde.
Deuxième thèse.
Notre ignorance est illimitée et dégrisante.
C’est même
précisément ce progrès stupéfiant des sciences naturelles
(auquel fait allusion ma première thèse) qui nous ouvre sans
cesse les yeux sur notre propre ignorance et ce, dans le
domaine des sciences naturelles elles-mêmes.
L’idée
socratique du non-savoir a pris par là une toute autre
tournure.
A chaque pas en avant, à chaque problème que
nous résolvons, nous ne découvrons pas seulement des
problèmes nouveaux et non-résolus ; nous découvrons
également que, là même où nous nous imaginions fouler un
sol ferme et sûr, tout était en réalité instable et vacillant
Pour peu qu’on y réfléchisse un instant, il va presque de soi
que la logique de la connaissance doit avoir pour point
d’ancrage la tension entre savoir et non-savoir.
Troisième thèse.
Toute théorie de la connaissance a une
tâche d’une importance fondamentale,
qui en constitue peut-être même la
pierre de touche décisive : tenir
compte à la fois de nos deux
premières thèse en explicitant les
rapports entre notre étonnant
savoir, qui va sans cesse croissant,
et notre conscience sans cesse
croissante qu’en vérité nous ne
Quatrième thèse.
La connaissance ne commence pas par des perceptions ou
des observations, par une collection de données ou de faits,
mais bien de problèmes.
Pas de savoir sans problèmes
– mais aussi pas de problèmes sans savoir.
Ceci signifie
que la connaissance commence par la tension entre savoir et
non-savoir : pas de problème sans savoir – pas de
problème sans non-savoir.
Car tout problème surgit par la
découverte que quelque chose dans notre savoir
supposé n’est pas tout à fait en ordre ; ou encore, en
termes logiques, par la découverte d’une contradiction
interne entre notre savoir supposé et les faits ; ou,
exprimé d’une façon peut-être plus correcte encore, par la
découverte d’une contradiction apparente entre notre
savoir supposé et les faits supposés.
Cinquième thèse.
Tout comme les autres sciences, les sciences sociales peuvent être fructueuses
ou infructueuses, intéressantes ou insipides, fécondes ou stériles, en raison
directe de l’importance ou de l’intérêt des problèmes traités et naturellement
aussi en raison directe de l’honnêteté, de la rectitude et de la simplicité avec
lesquelles ces problèmes sont abordés.
Dans tous les cas, sans exception, c’est le caractère et la qualité du problème –
en même temps, bien sûr, que la hardiesse et l’originalité de la solution proposée
–qui détermine la valeur ou l’absence de valeur d’une élaboration scientifique.
C’est donc toujours le problème qui est le point de départ.
L’observation
ne devient une sorte de point de départ que si elle révèle un problème ;
ou, en d’autres termes, que si elle nous surprend, si elle nous montre
que quelque chose dans notre savoir, dans nos attentes ou dans nos
théories n’est pas tout à fait en ordre.
Les observations ne conduisent donc à
des problèmes que si elles entrent en conflit avec certaines de nos attentes
conscientes ou inconscientes.
Ce qui dans ce cas constitue le point de départ du
travail scientifique, ce n’est pas tant l’observation pure et simple que
l’observation dans sa signification spécifique –c’est-à-dire précisément
l’observation qui crée un problème.
Sixième thèse (thèse principale) :
La méthode des sciences sociales aussi bien que des
sciences physiques et naturelles consiste à mettre à
l’épreuve des essais de solution de leurs problèmes, c’està-dire des problèmes qui constituent leur point de départ.
Des solutions sont proposées et critiquées.
Lorsqu’un essai
de solution n’est pas accessible à la critique factuelle, il est
éliminé du même coup comme non scientifique, même si
ce n’est peut-être que provisoire.
Lorsqu’il est accessible à une critique factuelle, nous
tentons de le réfuter ; car toute critique consiste en
tentatives de réfutation.
Lorsqu’un essai de solution est réfuté par notre critique,
nous faisons un autre essai.
Lorsqu’un essai de solution résiste à la critique, nous
l’acceptons provisoirement.
Nous l’acceptons surtout
comme méritant d’être discuté et critiqué plus avant.
La méthode de la science est donc une méthode dans
laquelle un essai (ou une idée) de solution mis en avant
sont contrôlés par la critique la plus impitoyable.
C’est une
mise en œuvre critique de la méthode par essais et erreurs
(« trial and error »).
Ce qu’on appelle objectivité de la science réside dans
l’objectivité de la méthode critique.
Ceci signifie avant
tout qu’aucune théorie n’est soustraite à la critique et que
les instruments logiques de la critique (la catégorie de la
contradiction logique) sont objectifs.
Septième thèse.
La tension entre savoir et non-savoir conduit à des problèmes et à
des essais de solution.
Mais cette tension n’est jamais
dépassée.
Car il apparaît que notre savoir ne consiste jamais
qu’en des suggestions provisoires de solution.
Il implique donc
principalement la possibilité de se révéler plus tard avoir été une
erreur, et donc une ignorance.
La seule forme de justification de notre savoir n’est à nouveau que
provisoire : elle consiste dans la critique, ou, plus précisément,
dans le fait que nos essais de solutions semblent jusqu’ici résister
à notre critique la plus impitoyable.
Car objectivité signifie absence de jugements de valeur, et
celui qui pratique les sciences sociales ne peut s’émanciper
que dans des cas rarissimes des valeurs de la couche
sociale à laquelle il appartient pour parvenir à un certain
degré de neutralité et d’objectivité.
Huitième thèse.
Alors qu’avant la deuxième guerre mondiale, la sociologie était encore
considérée comme une science théorique universelle (comparable peutêtre à la physique théorique) tandis que l’anthropologie sociale était
envisagée comme une sociologie appliquée à des sociétés particulières,
les sociétés primitives, ce rapport, de manière étonnante, s’est
complétement renversé aujourd’hui.
L’anthropologie sociale, appelée
aussi ethnologie, est devenue une science sociale universelle, et il semble
que la sociologie se résigne de plus en plus à devenir un petit secteur de
l’anthropologie sociale, à savoir une anthropologie sociale appliquée à une
forme de société particulière : l’anthropologie des sociétés hautement
industrialisées d’Europe occidentale.
Pour le redire en bref : le rapport entre
sociologie et anthropologie s’est complétement inversé.
L’anthropologie sociale est
passée du statut de science sociale appliquée à celui de science fondamentale, et
l’anthropologue, jadis homme de terrain modeste et quelque peu myope, est
devenu un théoricien social aux vues vastes et profondes, une sorte de
psychologue social des profondeurs.
Quant au sociologue théoricien de jadis, il peut
s’estimer heureux de trouver à se recaser comme homme de terrain et spécialiste
chargé d’observer et de décrire les totems et tabous des indigènes de race blanche
d’Europe occidentale et des Etats-Unis.
Neuvième thèse.
Ce qu’on appelle discipline scientifique
n’est rien d’autre qu’un conglomérat
de problèmes et d’essais de solution,
qui a été délimité et construit
artificiellement.
Seuls
existent
réellement
les
problèmes
et
solutions
et
les
traditions
scientifiques.
Dixième thèse.
La victoire de l’anthropologie est la
victoire d’une méthode soi-disant
observatrice, soi-disant descriptive,
soi-disant plus objective, et donc
conforme en apparence à la méthode
des sciences naturelles.
C’est une
victoire à la Pyrrhus ; encore une
victoire de ce genre et nous sommes
perdus, anthropologues aussi bien que
sociologues.
Onzième thèse.
Il est totalement erroné de
supposer que l’objectivité de la
science dépend de l’objectivité de
l’homme de science.
Et il est
totalement erroné de croire que
celui qui pratique les sciences de
la nature serait plus objectif que
celui qui pratique les sciences
sociales.
Treizième thèse.
Ce qu’on appelle la sociologie de la connaissance, qui fait reposer
l’objectivité de la science sur le comportement des hommes de
science pris individuellement et qui explique la non-objectivité par la
position sociale des scientifiques, a complétement marqué ce point
décisif à savoir que l’objectivité repose uniquement et exclusivement
sur la critique.
Ce qui échappe à la sociologie de la connaissance, ce
n’est rien d’autre que la sociologie de la connaissance, c’est
précisément l’aspect social de l’objectivité scientifique et sa
théorisation.
L’objectivité ne peut être expliquée que par des
notions sociales telles que la compétition (aussi bien des
hommes de science entre eux que des différentes écoles), la
tradition (à savoir la tradition critique), l’institution sociale (par
exemple, les publications dans différentes revues concurrentes et par
différents éditeurs concurrents, les discussions lors de congrès), le
pouvoir de l’Etat (le fait que la discussion libre soit politiquement
tolérée).
Quatorzième thèse.
Dans la discussion critique, nous pouvons distinguer
des questions telles que :
1) La question de la vérité d’une affirmation ; la
question de sa pertinence, de son intérêt et de sa
signification par rapport aux problèmes que nous
sommes en train de traiter.
2) La question de sa pertinence, de son intérêt et de
sa signification par rapport à divers problèmes
extrascientifiques, celui, par exemple, du bien-être
humain, ceux, tout différents, de la défense nationale,
d’une politique nationale agressive, du développement
industriel ou de l’enrichissement personnel.
Il existe des valeurs et des non-valeurs purement
scientifiques, et des valeurs et des non-valeurs
extrascientifiques.
Et encore qu’il soit impossible de
soustraire le travail scientifique aux applications et évaluations
extrascientifiques, l’une des tâches de la critique et de la
discussion scientifiques est de combattre la confusion
des sphères de valeurs, en particulier en éliminant les
évaluations extrascientifiques des questions de vérité.
Ceci ne peut évidemment pas être réalisé une fois pour toutes
par décret ; cela restera une des tâches permanentes de la
critique scientifique mutuelle.
Nous ne pouvons pas enlever l’homme de science sa
partialité sans lui enlever du même coup son humanité.
La question n’est donc pas simplement que l’objectivité et
l’absence de jugement de valeur sont pratiquement hors de
portée de l’homme de science isolé, mais que l’objectivité et
l’absence de jugement de valeur est en elle-même une valeur,
l’exigence d’une absence absolue de jugement de
valeur est un paradoxe.
Quoique cette objection ne soit
pas tellement importante, il faut tout de même remarquer
que le paradoxe disparaît entièrement de lui-même si nous
remplaçons l’exigence d’absence de jugement de valeur par
cette exigence selon laquelle l’une des tâches de la
critique scientifique doit être de mettre à jour les
confusions de valeur et de séparer les questions
purement scientifiques : vérité, pertinence, simplicité,
etc., des questions de valeur extra-scientifique.
Quinzième thèse.
La fonction la plus importante de la
logique déductive pure est celle d’un
organon de la critique.
Seizième thèse.
La logique déductive est la théorie de la validité
des déductions logiques ou des enchaînements
logiques.
La validité d’une inférence logique a une
condition nécessaire et décisive qui peut être
formulée comme suit : si les prémisses d’une
déduction valable sont vraies, la conclusion
doit aussi être vraie.
Ce qui peut aussi s’exprimer ainsi : la logique
déductive est la théorie de la transmission
de la vérité des prémisses à la conclusion.
Dix-septième thèse.
Si....
»
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