Bernard Lahire Commentaire
Publié le 25/03/2024
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Commentaire de sociologie 2
Bernard Lahire, né en novembre 1963, est professeur de sociologie à l’École
normale supérieure de Lyon et membre senior de l’Institut Universitaire de France.
Ses
travaux ont porté successivement sur la production de l’échec scolaire à l’école primaire, les
modes populaires d’appropriation de l’écrit, les réussites scolaires en milieux populaires, les
différentes manières d’étudier dans l’espace de l’enseignement supérieur, l’histoire du
problème social appelé « illettrisme », les pratiques culturelles des Français, les conditions
de vie et de création des écrivains, l’œuvre de Franz Kafka, l’histoire des rapports entre art
et domination en Occident ou encore sur les rêves.
Son travail aboutit à une théorie de
l’action à la fois dispositionnaliste et contextualiste, une réflexion contribuant à spécifier et à
nuancer la théorie des champs et la théorie de l’habitus développée par Pierre Bourdieu à
partir du concept de « jeu social » et une réflexion épistémologique sur les sciences sociales
et leurs fonctions sociales.
Il a aussi formulé des propositions d’enseignement des sciences
du monde social dès l’école primaire (L’esprit sociologique, 2005).
Un questionnement dans un de ses plus grands ouvrages, Tableaux de Familles, Heurs et
malheurs scolaires en milieux populaires, paru en 1995, porte sur les différences qui
structurent les familles apparemment similaires, mais dans lesquelles les enfants
connaissent soit l’échec, soit la réussite scolaire.
Bernard Lahire, dans le chapitre 2 "Échec"
et "Réussite”, a réalisé 26 entretiens auprès d’enfants de CE2 scolarisés en groupes
scolaires de ZEP de la banlieue lyonnaise.
Les critères familiaux communs entre tous ces
élèves sont notamment le faible capital culturel (scolaire) et économique.
Le sociologue a
choisi de réaliser son étude au niveau scolaire du CE2, où a lieu le premier test de niveau
national permettant de situer les élèves par rapport aux acquis qu'ils sont censés avoir.
De
ce fait, ces enfants ont relativement réussi ou échoué à l’évaluation nationale démontrant
leur capacité à être en adéquation avec le système éducatif.
Ainsi, comment Bernard Lahire analyse-t-il les dynamiques complexes qui
influent sur le parcours éducatif des élèves issus des milieux populaires ?
Dans un premier temps, nous allons traiter des déterminants sociaux et familiaux des
parcours éducatifs, puis dans un second temps, nous allons évoquer les stratégies
individuelles face aux enjeux éducatifs.
I) Les déterminants sociaux et familiaux des parcours éducatifs
En premier lieu, d’après l’étude de Bernard Lahire, les conditions socio-économiques
ont une influence significative sur la réussite scolaire des enfants.
Tout d’abord, celui-ci met
en exergue le fait que les enfants issus de milieux socioéconomiques favorisés, ont la
plupart du temps, un capital culturel, social et économique plus développé leur permettant
d'être plus en adéquation avec les attentes scolaires.
Les familles modestes peuvent fournir
un environnement éducatif stimulant, favorisant ainsi le développement de compétences
linguistiques, cognitives et sociales dès le plus jeune âge.
Ces différents types de capitaux,
que les individus peuvent mobiliser au sein de la famille et qui favorisent leur réussite
scolaire, constituent des ressources familiales pour les élèves.
En outre, le capital culturel se définit comme l’ensemble des capacités cognitives et
intellectuelles détenues par un individu au niveau institutionnalisé, objectivé et incorporé.
Selon lui, l’enfant au cours de sa vie acquiert des connaissances, compétences et habitudes
culturelles.
L'importance de la culture de l'écrit au sein de la famille est soulignée comme un
facteur clé dans l'appropriation adéquate de l'univers scolaire par l'enfant.
De plus, Bernard
Lahire soutient l'idée que les inégalités de possession de biens culturels sont perceptibles
tôt dans l’enfance, avec des différences notables dans l'accès à des ressources éducatives
de qualité, telles que des livres, des activités extrascolaires etc.
D’autre part, le capital économique est également propice à la réussite.
Celui-ci se
définit comme l’ensemble des ressources matérielles facilement mobilisables.
Ainsi, les
conditions et les dispositions économiques des familles peuvent avoir un impact sur la
réussite scolaire des enfants comme le financement à des cours particuliers, à des séjours
linguistiques, à des activités culturelles etc.
Enfin, le capital social est aussi important selon Bernard Lahire dans le contexte de
la socialisation des enfants et de la réussite scolaire.
Le sociologue met en avant
l'importance des relations sociales et des formes de relations intra-familiales dans la
construction des schèmes cognitifs et évaluatifs des enfants.
Il souligne que les
comportements, les réactions et les schèmes des enfants sont indissociables des relations
sociales qui se tissent au sein de la famille.
Ainsi, Bernard Lahire met en exergue
l'importance des différents types de capitaux dans la socialisation et la réussite scolaire des
enfants.
En second lieu, les structures familiales influencent la manière dont les enfants
perçoivent, évaluent et réagissent aux exigences et aux injonctions scolaires.
En effet, le
rôle des structures familiales dans la construction du rapport à l'école est important afin de
permettre aux enfants de réussir.
D’une part, selon Bernard Lahire, les valeurs morales et
les règles familiales jouent un rôle dans les parcours éducatifs des enfants.
D’autre part, la
forme d'exercice de l'autorité familiale, c'est-à-dire la manière dont l'autorité est exercée au
sein de la famille, peut influencer les parcours éducatifs des enfants.
L'investissement des
parents dans la scolarité des enfants est également un déterminant clé.
Enfin, les
configurations familiales impactent également la réussite des enfants.
En effet, plus la fratrie
est grande et moins le niveau scolaire des enfants sera élevé.
La situation conjugale des
parents est tout aussi importante dans la réussite scolaire des enfants, qui peut être
influencée par une mauvaise ambiance dans le foyer, des conflits intra-familiaux, une
moindre disponibilité parentale, une famille monoparentale ou recomposée, l’ensemble de
ces éléments accentuant la réduction des chances scolaires.
Par ailleurs, Bernard Lahire
vient dans son ouvrage reprendre la notion d’habitus, initialement développé par Bourdieu
dans plusieurs de ces ouvrages, Les Héritiers, publié en 1964 et La Reproduction, publié en
1970 écrits avec Jean-Claude Passeron.
L’habitus relève d’une prédisposition à agir qui
influence les pratiques des individus au quotidien.
Ces prédispositions sont intériorisées
inconsciemment durant la phase de socialisation, pendant laquelle l’individu s’adapte et
s’intègre à un environnement social.
Ainsi, durant l’enfance, certains individus dispose d’une
socialisation qui ne se conforme pas aux attentes scolaires.
En dernier lieu, “Contrairement aux élèves issus des classes moyennes et
supérieures, ces enfants n’ont pas intériorisé les normes de comportement qui sont la base
de la socialisation scolaire”.
Bernard Lahire souligne que certains élèves ne sont pas
scolairement conformes.
En effet, dès leur enfance ils n’ont pas intériorisé les normes
nécessaires à l’entrée à l’école qui découlent d’un capital culturel, économique et social fort
ainsi que d’une structure familiale favorable à la réussite scolaire de ces élèves.
“Ces
normes qui vont de soi, et qui vont d’autant plus de soi qu’elles s’appliquent à des publics
enfantins socialement préparés à les recevoir, sont largement remises en cause par les
enfants de milieux populaires qui sont comme porteurs, au sein de l’ordre scolaire, de
normes [...] incompatibles avec les normes spécifiquement scolaires”.
Par exemple, “Les
élèves qui ont bénéficié d’une plus longue scolarisation en maternelle obtiennent de
meilleurs résultats scolaires en fin de cours préparatoire”.
Bernard Lahire souligne que l'âge
d'entrée à l'école maternelle peut servir d'indicateur quant au rapport des parents avec
l'institution scolaire, signalant que leurs méthodes de socialisation sont déjà influencées par
leur préoccupation envers l'éducation.
En conséquence, la fréquentation de l'école
maternelle pendant au moins deux années offre à l'enfant l'opportunité d’acquérir des
normes de comportement, d'appréhender une politique disciplinaire, de développer des
compétences linguistiques, et surtout, de s'initier aux coutumes scolaires afin d'éviter de le
faire au niveau de l'école élémentaire.
Ainsi, l’intériorisation par l'enfant de procédés, de
capacités de raisonnement, d’analyse peut parfois faire écho à une invisibilité de
l'apprentissage, certains enfants sont très tôt autonomes.
Cette intériorisation est possible,
car dans l’enfance, l’élève à été rapidement sensibilisé aux normes et aux compétences
scolairement adéquates grâce à l' apprentissage des parents.
Nous avons traité, dans un premier temps, des facteurs importants dans les parcours
éducatifs, à savoir les conditions économiques et culturelles de la famille, la configuration
familiale ainsi que de la mauvaise conformité de certains élèves aux normes scolaires.
A
présent, nous aborderons dans une seconde partie, les modalités de l’élaboration de
l’autonomie afin de faire face à la demande scolaire.
II) Les stratégies individuelles face aux enjeu éducatifs
Tout d’abord, dans cette étude, l’autonomie correspondant à l’autodiscipline
corporelle et mentale, elle est très valorisée du point de vue scolaire.
“La tendance scolaire
générale est d’aller vers des formes d'organisation qui accordent à l'autodiscipline corporelle
et mentale une place centrale“.
Il s'agit de la capacité des élèves à être autonomes dans
l'appropriation des savoirs, à comprendre et à utiliser des dispositifs de savoirs objectivés,
tels que les consignes écrites, les règles de vie, les affichages didactiques, les ressources
pédagogiques, etc.
Cela implique également la capacité de lire silencieusement, de
comprendre les consignes avec précision et rigueur, et de résoudre des problèmes de
manière autonome.
L’élève autonome est celui qui a intériorisé “ des schèmes mentaux et
comportementaux sous la conduite de l'adulte”.
L’autonomie est donc bien une compétence
à....
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