Les techniques d'impression (histoire de l'imprimerie)
Publié le 10/10/2018
Extrait du document
Du MANUSCRIT A L'IMPRIME
Vers l'Europe du XVe siècle convergent trois innovations techniques majeures, dans une large mesure fondatrices de notre modernité. Si la boussole et la poudre sont des héritages des civilisations chinoise et arabe, l'Europe, elle, fut le berceau d’une invention révolutionnaire : l’imprimerie. En permettant l'accumulation, la diffusion et avec elles, la confrontation et la validation des savoirs, elle allait favoriser d'autant le progrès et donner naissance à l'industrie du livre.
LES TECHNIQUES D'IMPRESSION EN RELIEF
Quelle commune mesure y a-t-il entre un moine copiste œuvrant patiemment à son manuscrit et une presse produisant dans le même temps plusieurs exemplaires du même ouvrage ? Entre cette œuvre unique et forcément imparfaite et un équivalent imprimé dont on pouvait conserver la composition et donc corriger les épreuves ? Gage de qualité mais aussi de pérennité, la multiplicité des exemplaires assure une diffusion et une uniformité des contenus garantes de l'intégrité de la pensée de l'auteur. Mais à une époque où les canons de l'écrit étaient le fait de traditions, la nouvelle invention ne pouvait faire l’économie d'une certaine esthétique. En effet, au risque de ne jamais trouver son public, elle se devait d'emprunter jusqu'à limitation le raffinement de l'écriture et des décors des manuscrits. La Bible latine imprimée par Gutenberg (v. 1395- 1468) en 1455 en est la parfaite illustration : tout, jusqu'aux caractères utilisés - le gothique - et à l'emploi de la couleur, évoque le prestigieux « aîné » médiéval. De son vrai nom Johannes Gensfleisch, notre inventeur put dès lors concentrer tous ses efforts sur les défis techniques d'une automatisation de la production.
Les tâtonnements
L'histoire des techniques d'impression débute avec la gravure sur bois ou xylographie (du grec xulon, « bois ») : sur une planche de bois parfaitement plane, le graveur procède au report à l'envers du motif à reproduire. Puis il effectue une taille dite d'épargne, c'est-à-dire en creux, tout autour du tracé des lettres ou du dessin. Une fois le relief épargné et encré, il n'y a plus qu'à y appliquer une feuille de papier avec ce qu'il faut de pression pour assurer le transfert - à l'endroit - du motif. Inconvénients : la planche ainsi gravée n'est pas modifiable et la question de la largeur des lettres reste sans réponse. Et c'est là un des apports essentiels du procédé mis au point par Gutenberg par rapport à celui développé dès le milieu du XIe siècle par les Chinois. Composée d'idéogrammes aux proportions régulières, qui plus est disposés à la verticale, la langue chinoise ne demandait du reste pas autant d'adaptations. La méthode, que l'on doit à un certain Pi-Cheng (990-v. 1051), consistait simplement à en reproduire les caractères en argile, à les cuire puis à les disposer pour l'impression. En Europe, le principe du caractère mobile était semble-t-il acquis dès les travaux sur bois de l'imprimeur hollandais Laurens Janszoon, dit Koster (v. 1370-v. 1440). Cependant, ce procédé présentait de nombreux inconvénients, notamment en termes d'usure des caractères et de qualité de l'imprimé.
Gutenberg : la révolution TYPOGRAPHIQUE
Fils du maître de la Monnaie de l'archevêque-électeur de Mayence, Gutenberg s'appuya pour sa part sur une technique éprouvée par son père : il fit graver la forme de chaque lettre sur un poinçon d'acier trempé, à l'aide duquel il pouvait ainsi frapper une matrice dans un métal plus tendre. C'est à ce niveau que l'innovation prend un tour proprement révolutionnaire. La matrice portant l'mpresion creuse du caractère est alors placée dans un « moule à main ». Dans ce moule, on coule un alliage en fusion. On obtient ainsi en relief la forme du caractère initialement découpé sur le poinçon. Dans un souci de gain de temps, on optait pour un alliage à solifification rapide.Le texte est ensuite composé lettre à lettre et justifié dans un composteur. L’impression reprend en tous points le principe de la xylographie, à ceci près que la pression n'est plus exercée à la seule force des bras, mais à l'aide d'un outil connu depuis
.../...
«
Tethniques
d'impression à plat
l'offset Papier
davantage -est décliné en autant de
dispositifs qu'il y a de supports
d'impression.
Et ceux-ci se sont en effet
diversifiés : papier cadeau, étiquettes
autocollantes, feuilles d'aluminium,
films plastiques, capsules, etc.
La
relative simplicité du procédé lui attire
d'ailleurs les faveurs de certains
secteurs de la presse et de l'édition, en
particulier pour les papiers de faible
gram mage.
LES TECHNIQUES
D 'IMPRESSION EN CREUX
l'impression typographique, dont la
domination -longtemps sans partage -
a perduré jusque dans les années
cinquante, n'a cessé de perdre du
terrain depuis, ne représentant plus
que 2,4 % du chiffre d'affaires du
secteur aujourd'hui.
De nouvelles
techniques concurrentes ont émergé,
dont les techniques d'impression en
creux.
l'une d'elle, l'héliogravure, est
d'ailleurs la lointaine héritière de la
gravure sur cuivre, la taille-douce,
connue dès le.
milieu du w siècle.
LA TAILLE-DOUCE
Ce n'est toutefois qu'à la fin du siècle
suivant que la taille-douce s'impose à la
fois comme mode d'expression
artistique à part entière et comme
procédé d'impression des illustrations
pour ouvrages.
La technique consiste à
graver un dessin sur une plaque -de
cuivre rouge, le plus souvent-, à
l'encrer intégralement avant de
l'essuyer en surface.
Ainsi, à l'issue de
cette dernière étape caractéristique, il
ne subsiste d'encre que dans les creux
du tracé, lequel peut ainsi être
reproduit par simple pression sur le
support choisi.
l'inconvénient réside
dans l'impossibilité d'imprimer en
même temps les illustrations, ainsi
gravées en creux, et le texte,
composé lui en relief.
Les éditeurs
étaient alors contraints de les
intercaler comme hors-texte ou de les
réunir en fin de volume.
Un moyen
- encore en usage -de contourner la
difficulté a été de soumettre
successivement les feuilles aux deux
types d'impression :gravure d'abord,
presse typographique ensuite.
Il faut La
lithographie
attendre le XIX' siècle pour voir le
principe élargi à d'autres usages.
t'HÉLIOGRAVURE
Connue dès le début du même siècle
dans l'industrie textile, elle permettait
l'impression en continu de bobines de
tissu.
C'est grâce à une série de
découvertes que l'héliogravure put
pénétrer le marché de l'imprimerie :
fabrication du papier en bobines,
perfectionnement des procédés
photographiques, introduction du
tramage dans la reproduction des
images.
Le principe en est le même que
pour l'impression de tissus : pour mieux
en pénétrer les creux, les cylindres
gravés, en rotation, baignent en partie
dans des bacs d'encre liquide ou
encriers -un par couleur donc.
La
partie émergeante ainsi chargée
d'encre est essuyée en surface au
moyen d'une racle afin d'en
débarrasser les parties non
imprimantes.
Dans le même temps, un
autre cylindre, de pression celui-là,
vient appliquer le papier sur la partie
imprimante dont les alvéoles retiennent
l'encre par attraction électrostatique.
La
création d'un champ électromagnétique
permet dès lors d'en optimiser le
transfert sur le papier.
Ces encres
fluides, de même nature que celles
utilisées en flexographie, sont de fait
également adaptées aux supports du
secteur de l'emballage.
l'éditeur
parisien Auguste Godchaux fut le
premier, en 1865, à mettre au point
une presse de ce type vraiment
rentable : son prototype permettait en
effet d'imprimer simultanément les
deux faces du papier, en bobine ou à
la feuille.
Cependant la gravure de telles surfaces
implique une logistique à la démesure
des laizes (largeur de bande d'une
bobine de papier) -certaines
dépassent les trois mètres -et de
l'usinage des cylindres porteurs:
précision des circonférences et longueur
d'impression
correspondantes, cuivrage par
électrolyse, polissage, etc., sont autant
d'étapes aussi délicates que nécessaires
dont le surcoût global ne rend le
procédé véritablement compétitif que
pour des tirages supérieurs à plusieurs
centaines de milliers d'exemplaires.
Dans le cas des tirages très importants
où l'héliographie n'a d'ailleurs pas de
concurrent cette technique devient
même très avantageuse : sa simplicité
mécanique garantit
une meilleure
fiabilité à grande
vitesse, le
chromage (ou
polissage) des
cylindres une
qualité constante
d'impression.
Aussi
l'héliographie est-elle devenue dans
une assez large mesure le domaine
des rotllfives.
LES TECHNIQUES
D 'IMPRESSION À PLAT
Le principe de l'impression offset,
dominante aujourd'hui, a son origine
dans celui de la lithographie.
Technique
dite à plat (ni en relief ni en creux), elle
est apparue à la fin du XVIII' siècle et a
été très rapidement adoptée par les
artistes : Daumier et Picasso, par
exemple, en furent de fidèles adeptes.
Elle demeure encore aujourd'hui un
mode de création artistique original.
LA LITHOGRAPHIE
Découverte par hasard par le Bavarois
Aloys Senefelder {1771-1834}, la
lithographie (du
grec lithos,
"pierre») utilise la
répulsion naturelle
entre l'eau et les
corps gras pour
différencier les
parties de la
surface impri
mante retenant l'encre d'impression de
celles la repoussant.
Sauf à utiliser une
encre et un papier spéciaux dits " à
report"· le dessin s'effectue en général
à l'envers au crayon gras ou à l'encre
grasse sur un support calcaire
préalablement passé à l'eau.
Une fois
badigeonnée de gomme arabique
acidulée, la pierre devient plus
hydrophile encore.
On procède alors à
l'« enlevage >>, c'est-à-dire au nettoyage
du dessin à l'essence de térébenthine
pour en éliminer l'excès de gras et lui
ôter sa pigmentation.
Ce qui n'empêche
pas le trait de repousser l'eau au
passage du rouleau mouilleur, quand
les parties vierges de la pierre
l'absorbent.
Le scénario inverse est
observé lorsque celle-ci est passée au
rouleau encreur.
Placée ensuite sur le
chariot d'une presse, elle est mouillée
et encrée autant de fois qu'il y a
d'épreuves, lesquelles sont imprimées à
mesure que la pierre de tirage passe
sous le" râteau >>ou le cylindre
presseur de la feuille de papier.
Si l'on
travaille en polychromie, chaque
couleur fera l'objet d'une lithographie,
le motif final étant imprimé en
repérage.
Cependant, la multiplication
des inconvénients du support -poids,
fragilité relative, encombrement
amena Senefelder lui-même à chercher un
matériau de substitution.
Le zinc
s'avéra le plus prometteur et les
imprimeurs surent très vite en exploiter
les possibilités : contrairement à la
pierre, le métal pouvait être enroulé
autour d'un cylindre, permettant un
mouvement cylindre contre cylindre à
l'origine des grandes vitesses atteintes
sur les premières presses dites " roto
directes >>.
!:'IMPRESSION OFFSn
C'est très probablement pour améliorer
le transfert de l'encre sur certains
supports plus difficiles à imprimer
directement -carton, papier à grain,
etc.
-que fut adjoint au dispositif un
troisième cylindre : le blanchet.
Porteur d'une toile caoutchoutée, ses
propriétés élastiques amélioraient
significativement le procédé sur ce
point.
Dans un premier temps appelées
" roto-calco >>, ces nouvelles presses
furent ensuite dites offset, par allusion
au report (« offset», en anglais) des
éléments imprimants sur un cylindre
intermédiaire assurant le transfert sur le
papier, feuille ou bobine.
Ce report
s'effectue selon le même principe de
répulsion entre les encres grasses et
l'eau à la surface de la plaque
imprimante du cylindre porteur.
l'introduction d'une étape
intermédiaire implique cependant que
cette image " originale >> soit à l'endroit,
le blanchet en recevant ensuite
l'empreinte inversée avant de la
restituer sur le support à imprimer.
Généralement en aluminium, ces
plaques sont en réalité de minces
feuilles.
Elles recevaient du moins
avant l'avènement de la publication
assistée par ordinateur (PAO), les
éléments imprimants par copie :
photocomposition pour les textes,
photogravure pour les illustrations.
Réalisée soit manuellement, soit par
voie photographique, l'intégration
texte-image donne lieu à un film positif,
le « négatif >> des pages.
Son insolation
sous une source de lumière riche en
ultraviolets permet la copie sur la
plaque, préalablement recouverte
d'une couche photosensible, des seuls
éléments opaques.
Les parties non
imprimantes, rendues solubles par cette
exposition, sont ensuite éliminées au
cours de la dernière phase, celle du
développement.
La plupart de ces
opérations de copie sont aujourd'hui
automatisées, certains matériels les
regroupant même en une seule.
l'informatisation permet du reste de
produire directement le film à partir des
données numériques (flashage}, voire
d'éviter l'étape du film : c'est ce que
l'on nomme actuellement le GP ou
Computer to plate (de l'ordinateur à la
plaque).
l'insolation sous un film
négatif n'est pas propre à l'offset : elle
est aussi la marque d'une autre
technique d'impression à plat, la
phototypie.
LA PHOTOTYPIE
Le procédé doit d'ailleurs beaucoup à
l'invention de la photo.
Apparu au
milieu du XIX' siècle, le principe en est
ainsi fortement imprégné : il consiste
dans le report et le développement
d'une photo sur une dalle de verre
recouverte d'une couche de gélatine
chromate {70 % de glycérine, le reste
d'eau).
Le cliché ainsi obtenu réagit à
l'encrage comme la litho au contact de l'eau.
l'impression s'effectue sur des
presses du type " litho-plates >>.
Peu
répandue en raison de sa lenteur mais
connue pour la qualité de ses
monochromes, la phototypie est encore
aujourd'h ui utilisée pour les
reproductions de luxe.
LA SÉRIGRAPHIE
Plus couramment utilisée, elle permet
égalemen t des applications
particulières, mais à plus grande
échelle.
Héritier de celui du pochoir, le
procédé consiste à transférer l'encre sur
le support à imprimer au travers du
cliché d'impression.
De soie à l'origine,
cet écran est le plus souvent en
polyester de nos jours.
Tendu sur un
cadre, il est obturé -par insolation à
travers un film positif- dans les parties
non imprimantes de sa trame.
Une fois
le support d'impression placé sous le
cadre, le seul passage d'une raclette sur
celui-ci permet à l'encre de le traverser
en quanti té par les mailles épargnées
par l'exposition et figurant les éléments
à imprimer.
Simple, la technique
permet pourtant des effets qu'il semble
assez difficile d'obtenir autrement
d'autant qu'elle se prête à l'utilisation
des encres les plus diverses.
Le
mouvement Pop Art.
et notamment
--...-::::-'..,._• Andy Warhol,
s'empara justement de
cette technique
pour l'impres
sion sur toile.
Souple, elle
peut en outre
être adaptée
aux supports de toutes sortes, plats ou
en volume : vêtements, récipients,
ampoules, circuits imprimés, etc.
Cette
diversité d'usages et de machines rend
le marché {1,5% du secteur) très
hétérogène :de l'amateur à l'industriel
en passant par l'artisan.
LA NUMÉR ISATION
Avec le développement de
l'informatique est apparue la
numérisation de la chaine graphique.
On distingue actuellement deux filières
principales dans l'impression
numérique : le Computer-ta-press
(GPress) et le Computer-to-print
(GPrint).
Le CTPress
Le GPress (de l'ordinateur à la presse)
désigne la chaine graphique dans
laquelle les plaques sont directement
gravées sur la presse.
Elle permet
notamment l'impression de courts
tirages (quelques centaines ou milliers
d'exemplaires) à des prix compétitifs.
Le CTPrint
Le GPrint (de l'ordinateur à l'imprimé)
englobe deux grandes technologies : le
jet d'encre couleur et les procédés
électrophotographiques.
Ces derniers
sont plus connus sous le terme de
xérographie (du grecxêros : sec).
C'est
la technique qu'utilisent les copieurs
laser en couleur..
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