Dans le langage courant, l’expression «théorie de la relativité» désigne un ensemble de deux théories qui ont en commun d’avoir été établies par le même auteur, Albert Einstein, dans les premières années du siècle. Pourtant, ce n’est pas Einstein, mais Galilée le «père» de la physique moderne, qui le premier a énoncé ce qu’il est convenu d’appeler un «principe de relativité». L’essence de ce principe se comprend bien si on l’exprime dans les termes concrets dont Galilée s’est lui-même servi: des papillons embarqués à bord d’un navire volettent alentour de la même façon que le navire soit immobile dans le port de Venise, ou voguant, toutes voiles dehors, sur la mer Méditerranée. Soit, en termes plus savants: les lois de la nature (censées décrire la manière dont les choses se passent — et en particulier le vol des papillons) sont les mêmes dans un référentiel (on désigne ainsi le cadre par rapport auquel on «observe» les événements — le référentiel est dans le cas des papillons de Galilée constitué par le navire) immobile (navire à quai) et dans un référentiel en mouvement (navire voguant sur les flots). D’où il résulte a contrario que le seul examen de la manière dont les choses se passent à l’intérieur du navire ne permet pas de décider si ce dernier est en mouvement ou pas. Impression bien connue des passagers aériens qui souvent ont l’impression d’être immobiles, puisque aussi bien dans la cabine de l’avion tout se passe exactement de la même façon qu’au sol.
Tel est le principe de relativité, énoncé dans toute sa généralité. On s’intéresse souvent à une forme restreinte de ce principe; restreinte, elle l’est en ce sens que la validité du principe est limitée au cas où les deux référentiels considérés sont non pas en mouvement quelconque l’un par rapport à l’autre, mais en translation uniforme (c’est-à-dire en mouvement sans rotation accompli à vitesse constante). C’est sur ce principe de relativité restreinte qu’a été bâtie la théorie classique (c’est-à-dire, précisément, préeinsteinicnne) du mouvement, théorie élaborée par Galilée, puis par Newton aux xvnc et xvme siècles, et que l’on désigne quelquefois du nom de «théorie galiléenne de la relativité restreinte».
Ces quelques repères historiques et précisions de vocabulaire étant posés, la contribution d’Einstein peut être décrite comme un double élargissement :
1. Élargissement, réalisé en 1905, de la validité du principe de relativité restreinte (validité initialement postulée pour l’étude du mouvement des seuls corps matériels) au cas du rayonnement, et en particulier du rayonnement lumineux, autrement dit de la lumière (dont la théorie, l’optique, s’était jusqu’alors développée indépendamment sans référence au principe de relativité) ; cette théorie porte le nom de «théorie (einsteinienne) de la relativité restreinte».
2. Élargissement, accompli entre 1907 et 1916, au cas des référentiels en mouvement quelconque l’un par rapport à l’autre (et non pas seulement en translation uniforme) - du moins à relativement petite échelle. Cette dernière précision est importante car, comme on va le voir, la théorie correspondante, dite «théorie de la
relativité générale», est en réalité une théorie locale de la gravitation, c’est-à-dire des effets que produit localement la matière sur l’espace et le temps du fait de sa seule présence.
Le SOUCI D’EINSTEIN:
UNE «VÉRITABLE THÉORIE
DE LA GRAVITATION»
Einstein a commencé à rechercher une théorie de la gravitation satisfaisante dès 1907. Il n’était évidemment pas seul à s’intéresser à la question (comme on le verra, la théorie en vigueur à l’époque, celle de Newton, était loin d’être parfaite et demandait à être modifiée). Mais Einstein est le seul, parmi ses collègues, à avoir pressenti que la solution tenait dans un élargissement, dans une généralisation de sa théorie de la relativité restreinte, théorie dont la formulation n’avait pourtant à première vue rien à voir avec la gravitation.