Devoir de Philosophie

Comment penser l’humanisme à l’ère numérique ? L’exemple du smartphone

Publié le 23/02/2023

Extrait du document

« Comment penser l’humanisme à l’ère numérique ? L’exemple du smartphone L’ère digitale dans laquelle l'humanité est entrée depuis quelques décennies correspond à l’essor des technologies numériques créant un espace virtuel transnational et accélérant la globalisation.

Cette nouvelle technologie se réinvente et se perfectionne à une vitesse fulgurante.

Pour illustrer ce rythme, prenons le cas d’une des plus grandes marques de smartphone: l’iPhone.

Depuis son invention récente en 2007, il y a donc moins de deux décennies, il est sorti 29 modèles, chacun étant plus puissant et fonctionnel que le précédent.

Le smartphone est devenu le “super couteau suisse” de l’homo numericus [1]; multifonctionnel grâce à toutes les applications qu’il contient, il se présente comme un indispensable.

A ce sujet, une étude [2] aux USA concernant les "smartphone checking habits” montre que leurs utilisateurs les manipulent en moyenne 85 fois par jour pour une moyenne de deux à quatre heures par jour selon les différentes sources.

On remarque donc que proportionnellement au temps éveillé, cela représente une bonne partie de la journée d’un être humain, rendant le smartphone omniprésent dans nos vies.

D’ailleurs, Nicolas Nova, dans sa thèse “Figures mobiles: une anthropologie du smartphones" le surnomme “le smartphone-appendice”[3], comme s’il devenait le prolongement du corps humain, mais peut-être est-il devenu plus essentiel à l’humain que cet organe ? En effet, la technologie -et en particulier le smartphone- semble apparaître comme une solution globale aux maux de notre époque.

Pour donner un ordre de grandeur, son usage a été intensifié durant la pandémie du COVID-19, devenant à la fois une multi-ressource et de nombreux espaces virtuels.

En effet, grâce à de nombreuses applications, le smartphone s’est présenté d’une part, comme l’un des outils pour maintenir des contacts sociaux, tenir la population informée, lutter contre l’ennui et de l’autre, il est devenu un lieu de travail, de rencontres ou encore une salle de sport.

Il s’est avéré être un véritable allié durant cette pandémie, défendant ainsi un certain solutionnisme technologique.

Bidart et Al.

démontrent dans leur étude sur l’usage des réseaux sociaux que le confinement a été mieux vécu grâce aux TICs1 puisqu’ils permettent plus d’échanges expressifs (entendu selon eux comme un partage du vécu des bons et des mauvais moments) entre les individus [4].

En plus d’une augmentation de la fréquence de l’utilisation des TICs dans la communication, ces auteurs démontrent aussi que les appels vocaux et les messageries instantanées étaient les moyens de communications les plus fréquemment utilisés. Cependant, à y regarder de plus prêt, les solutions numériques apportées précipitamment durant cette pandémie sont également révélatrices et renforçatrices d’inégalités.

A commencer par les inégalités socio-économiques: tous les individus n’ont pas le même accès à la technologie, le même débit internet, ou encore la même formation numérique.

Ces inégalités numériques se transforment en inégalités d’informations -en temps de pandémie, les informations importantes passent par les TICsqui peuvent se répercuter sur la santé: les personnes mal approvisionnées numériquement sont d’une part coupées des informations et recommandations importantes quant aux comportements à adopter, symptômes à observer, ressources à trouver, les rendant indirectement plus vulnérable au COVID-19 et de l’autre sont privées de contacts sociaux affectant leur santé psychologique.

C’est particulièrement le cas des personnes âgées mal habituées à cette ère numérique aux progrès rapides où les acquis ne demeurent jamais bien longtemps.

Cette population est particulièrement vulnérable car au-delà de la question de l’accès aux TICs, elle fait également face à une “fracture numérique de second degré ” qui se traduit par des usages inégaux [5].

On constate que l’offre technologique ne leur convient pas: nombre de défauts de conception et la complexité des interfaces ne tiennent pas compte d’éventuels problèmes de vision, de cognition ou de motricité . En effet, la volonté de constamment perfectionner la technologie est à l’origine d’un rythme d'innovation effréné et constant.

L’humain doit constamment se reformer aux nouveaux changements 1 Technologies de l’information et de la communication 1 Université de Neuchâtel Communiquer à l’ère digitale 2021 Sous la direction de Jean-Henry Morin Cissé N'dèye Fatou, Fasel Félicia, Ineichen Thalia, Magalhaes Adam, Zampedri Jimmy technologiques; lui aussi est donc sujet à des mise-à-jour incessantes s’il ne veut pas devenir obsolète. Pour imager ce rythme, en reprenant l’exemple du smartphone, la société d’études marketing et d’opinion Kantar WorldPanel a montré que les français changent leur smartphone environ tous les 22 mois en moyenne [6].

Ainsi une question se pose: peut-on parler d’un assujettissement de l’humain face à la technologie ? Dans cette optique, il est intéressant d’aborder le courant de pensée du déterminisme technologique qui, selon la définition de Wyatt [7] se synthétise en deux grands principes.

Tout d’abord, Wyatt explique que le développement technologique n’est pas directement lié aux forces sociales, économiques ou politiques et suit par conséquent une logique interne qui le rend indépendant de ces forces.

D’autre part, il indique que le développement technologique cause le changement social.

Pour illustrer ce courant de pensée, prenons comme exemple la production effrénée des smartphones qui se veulent toujours plus performants dans leur gamme (plus d’espace de stockage, meilleurs appareils photos, écrans tactiles plus réactifs, etc…).

Étant plus performants, et devenant un outil indispensable à l’Homme qui, s’il veut rester compétitif, doit se calquer sur ce rythme et maîtriser les dernières technologies qui viennent influencer la société en impactant les méthodes de travail, de communication, l’économie et même le droit.

Parfois, même le changement n’est même pas d’ordre technique mais simplement dans le design (prenons pour exemple le passage de l’iPhone 4S à l’iPhone 5 qui, bien que représentant un faible pas en avant au niveau technologique, a su motiver l’achat par un changement de design) créant ainsi un assujettissement du consommateur.

Dans cette perspective, c’est donc l’humain qui doit s’adapter aux technologies qui sont indépendantes du fait qu’elles sont leur propre moteur [8].

D'après ce constat, ne serait-il pas légitime de devenir technophobe afin de lutter contre un certain déterminisme technologique ? Pour Andrew Feenberg [9], la réponse semble être non.

Selon lui, le déterminisme technologique est originaire du début du XXème siècle où une élite conservatrice appliquant une politique de droite, traumatisée par la modernisation, considère la technologie comme destructrice de la culture et de l’individualité.

Nous pouvons donc nous questionner quant au réel motif de leur peur: ne craignaient-ils pas pour leur pouvoir hégémonique? Dans tous les cas, pour Feenberg, la technologie ne possède pas sa propre énergie mais s’apparente à d'innombrables éléments différents apportant des réponses à des intérêts distincts. Dans le prolongement de cette réflexion, l’approche de Doueihi [10], rejetant également le déterminisme technologique, est particulièrement intéressante; elle évite d'appréhender la technique comme s’opposant à l’Homme, mais au contraire, fait état d’une convergence entre culture et technique, considérant ainsi le numérique comme une culture à part entière et est donc pensée comme une dimension de l’être-humain.

Ainsi, il tente de penser une nouvelle humanité à partir du changement radical qu’est la numérisation.

Il se réapproprie d’ailleurs la thèse de Tim Bray qui explique que nous ne sommes plus des utilisateurs mais des humains, dans le sens que l’utilisation des technologies constitue désormais en partie l’humain.

Pour illustrer ces propos, il suffit de taper dans un moteur de recherche “smartphones sciences sociales” et compter le nombre faramineux d’études dans ce champ de recherche portant sur l’utilisation que fait l’Homme des smartphones et ses impacts: le smartphone semble être une dimension à part entière des êtres de notre temps.

Adoptant une approche semblable, Jean-Michel Besnier explique que les technologies ont permis en partie d’inventer l’humain dans la mesure où l’invention de nouvelles technologies permet de développer une pensée conceptuelle qui ne lui était pas accessible auparavant.

L’Homme est donc en partie construit par les outils qu’il a créés et auxquels il doit s’adapter.

Par ailleurs, Jean-Michel Besnier rejette cette idée de déterminisme qui tracerait une trajectoire linéaire selon lui impropre à définir l’hominisation (processus évolutif ayant fait passer l’Homme du primate à l'humain) [11].

Comme l’Homme invente des technologies auxquelles il doit ensuite s’adapter, une sorte de coévolution semble plus adaptée pour définir cette situation où l’humain comme la technologie s’influencent mutuellement.

Ainsi, en restant fidèle aux exemples précédents, l’Homme a inventé le smartphone qui, lui-même, réinvente l’Homme et ainsi de suite [12]. 2 Université de Neuchâtel Communiquer à l’ère digitale 2021 Sous la direction de Jean-Henry Morin Cissé N'dèye Fatou, Fasel Félicia, Ineichen Thalia, Magalhaes Adam, Zampedri Jimmy Bien qu’antagonistes, tant les approches déterministes que constructivistes s’accordent sur l’influence profonde que la technologie exerce dans la société et de ce fait les représentations qui s’y rattachent [13].

Donc pour penser l'humain à l’ère digitale, il est nécessaire de déconstruire les représentations à son sujet pour les adapter à cette nouvelle culture du numérique et permettre une coévolution et cohabitation éthique de l’être humain et de la technologie.

Dans cette optique,.... »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles