Devoir de Philosophie

William Shakespeare - TROÏLUS ET CRESSIDA: Acte I, Scène III

Publié le 16/03/2010

Extrait du document

shakespeare

 

[...] NESTOR. ­ Ulysse vient de découvrir sagement la fièvre dont toute notre armée est atteinte. AGAMEMNON. ­ La nature du mal étant trouvée, Ulysse, quel est le remède ? ULYSSE. ­ Le grand Achille, que l'opinion sacre le nerf et le bras droit de notre armée, ayant l'oreille rassasiée de sa renommée aérienne, devient difficile pour son mérite et reste dans sa tente à narguer nos desseins. Près de lui, Patrocle, couché sur un lit de paresse, éclate toute la journée en moqueuses saillies, et, par une pantomime ridicule et grotesque, qu'il appelle imitation, le calomniateur ! il nous parodie tous ! Parfois, grand Agamemnon, il revêt ton mandat suprême ; et, se carrant comme un acteur dont tout le talent est dans le jarret, et qui trouve sublime d'entamer un dialogue avec les planches en faisant résonner le tréteau sous l'effort de son pied, c'est par des contorsions pitoyables qu'il représente ta majesté. Et quand il parle, il est comme un carillon en réparation ; ses expressions sont si forcées que, dans la bouche même de Typhon rugissant, elles paraîtraient hyperboliques. À cette bouffonnerie rance, le large Achille, s'étalant sur son lit pressé, rit à gorge déployée un bruyant applaudissement : Excellent ! s'écrie-t-il, c'est juste Agamemnon ! A présent, joue-moi Nestor ; fais “ hem ” et caresse ta barbe, comme quand il se prépare à quelque harangue. La chose une fois faite (et l'imitation et la réalité sont aussi voisines que les deux bouts d'une parallèle, aussi semblables que Vulcain et sa femme !), le bon Achille s'écrie toujours : Excellent ! c'est exactement Nestor ! Maintenant, Patrocle, représente-le-moi s'armant pour repousser une attaque de nuit. Alors, ma foi ! il faut que les faiblesses de l'âge deviennent une scène comique : Patrocle de tousser, de cracher et de secouer en tremblant son hausse-col, qu'il ne fait qu'accrocher et décrocher ! A ce spectacle notre Sire la Valeur se meurt ! Oh ! crie-t-il, assez, Patrocle ! Arrête, ou donne-moi des côtes d'acier, car ma rate désopilée va rompre les miennes. C'est ainsi que tous nos talents, nos qualités, nos caractères, nos tournures, nos mérites pris en détail ou en général, nos actes, nos stratagèmes, nos ordres, nos précautions, nos harangues belliqueuses ou nos plaidoyers pour la trêve, nos succès ou nos revers, le vrai ou le faux, servent de glose à ces deux hommes pour faire leurs paradoxes. NESTOR. ­ Et puis l'exemple de ces deux personnages que, comme a dit Ulysse, l'opinion sacre de son impérial suffrage en pervertit bien d'autres. Ajax est devenu égoïste, et porte la tête aussi haut et dans une attitude aussi fière que l'insolent Achille. Comme lui, il garde sa tente. Il fait de factieuses orgies, il raille notre position militaire avec la hardiesse d'un oracle, et il provoque Thersite, un misérable dont le fiel bat monnaie de calomnie, à nous jeter la boue de ses comparaisons, au risque d'affaiblir et de discréditer notre situation, quels que soient les périls qui nous entourent. ULYSSE. ­ Ils blâment notre politique et la taxent de couardise, ils regardent la sagesse comme étrangère à la guerre, dédaignent la prévoyance et n'estiment d'autre action que celle du bras. Quant aux facultés paisibles de l'intelligence, qui règle le nombre des bras appelés à frapper quand viendra l'occasion, et qui prend, à l'aide d'une vigilante observation, la mesure des masses ennemies, eh bien, elles n'ont pas pour eux la valeur d'un simple doigt. Travail d'alcôve, disent-ils, fatras de géographie, guerre de cabinet que tout cela ! Le bélier qui abat la muraille par la puissante vacillation et par la violence de son poids, ils en font plus de cas que de la main qui a construit l'engin lui-même ou que des esprits ingénieux qui en règlent l'emploi d'après la raison. NESTOR. ­ Si l'on admet ce qu'ils disent, le cheval d'Achille vaut plusieurs fois le fils de Thétis. (On entend une fanfare.) AGAMEMNON. ­ Quelle est cette trompette ? Voyez, Ménélas. Arrive Enée. MÉNÉLAS. ­ Quelqu'un de Troie. AGAMEMNON, à Énée. ­ Que venez-vous faire devant notre tente ? ÉNÉE. ­ Est-ce là la tente du grand Agamemnon, Je vous prie ? AGAMEMNON. ­ Celle-là même.

[...]

 

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles