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Vukovar-Pristina : huit années de terreur

Publié le 17/01/2022

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23 mars 1999 Massacres, expulsions, déplacements de populations : au nom de la "purification ethnique", les nationalistes serbes, de l'ex- Yougoslavie ont multiplié depuis 1991 les crimes contre les civils croates et bosniaques. Cette politique a fait des émules chez les Croates, à un moindre degré. Les estimations les plus fiables font état de deux cent mille morts et plus de trois millions de personnes déplacées IL n'existe aucun bilan chiffré incontestable des morts qu'a provoquées la politique de "nettoyage ethnique" mise en oeuvre à partir de 1991 dans l'ex-Yougoslavie - en Croatie d'abord, puis en Bosnie -, avant de toucher le Kosovo. L'évaluation la plus couramment admise est de 200 000 morts. On dispose en revanche d'une masse considérable de documents décrivant les crimes commis au nom de cette politique qui, par définition, s'en prend aux civils. L'objectif étant d'éliminer une catégorie ethnique de tout un territoire, les moyens sont les exactions et la terreur pour la faire fuir, ou les massacres purs et simples ; dans les villes de Bosnie assiégées par les forces serbes et dont les habitants ne pouvaient par conséquent pas s'enfuir, des actes de violence sans aucune utilité militaire ont aussi été commis (obus tirés sur des groupes d'enfants, des marchés à Sarajevo, sur des terrasses de café à Tuzla). C'est en Croatie, dans les régions où résidait une forte minorité serbe qui ne voulait pas vivre dans une Croatie indépendante de Belgrade, que cette politique a été, pour la première fois, mise en oeuvre par l'armée fédérale yougoslave à dominante serbe, aidée par les milices. Les atrocités commises à Vukovar et Osijek, en Slavonie orientale, en marquèrent l'apogée à la fin de 1991. Le nettoyage ethnique allait ensuite être très systématiquement mis en place par les Serbes pendant trois ans et demi en Bosnie, d'abord dans la région de Prijedor (nord-ouest) et de Brcko (nord), puis dans de larges parties de tout le territoire bosniaque, jusqu'à l'attaque des enclaves musulmanes de Bosnie orientale et à la chute de Srebrenica en juillet 1995. Entre-temps, la politique du "nettoyage ethnique" avait fait des émules chez les Croates. A partir du début de 1993 et pendant plus d'un an, les forces croates s'y adonnèrent en Bosnie centrale contre les musulmans. En Croatie, lors de la reconquête de la Krajina en août 1995, des méthodes similaires furent utilisées par l'armée croate contre des civils serbes ; il y a deux semaines, des fuites émanant du Tribunal de La Haye annonçaient que trois généraux de l'armée croate, qui avaient commandé ces opérations de l'été 1995 en Krajina, allaient être prochainement inculpés. Mais ce qui ressort de tous les rapports officiels est que les actions criminelles n'ont pas été menées sur la même échelle par les Croates (et encore moins par les Bosniaques) et par les Serbes. Une énorme documentation Des documents officiels recensant les crimes commis ont assez vite été disponibles. Dès octobre 1992, le Polonais Tadeusz Mazowiecki, rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme de l'ONU, publiait le premier de ses rapports sur la Bosnie, dans lequel il dénonçait "le nettoyage ethnique comme but de guerre". En mai 1994, le Conseil de sécurité de l'ONU recevait les cinq imposants volumes de l'étude qu'il avait commandée à une commission d'experts dirigée par l'Egyptien Cherif Bassiouni. Le rapport, portant sur la Croatie et la Bosnie, concluait que "les actes de nettoyage ethnique n'ont pas été commis par des groupes isolés ou des bandes incontrôlées". Tout "concourt à révéler un dessein, une systématisation ainsi qu'une certaine planification et une coordination de la part des plus hautes autorités (...). Ces actes illégaux sont fréquemment vantés par leurs auteurs comme étant des tâches positives, patriotiques. Ces facteurs, ainsi que d'autres, montrent l'existence d'un élément de direction supérieure". Le rapport précisait que l'armée fédérale était directement impliquée dans la mise en oeuvre du "nettoyage ethnique" dans certaines régions. Devant l'ampleur des exactions, le Conseil de sécurité décida début 1993 de créer un Tribunal ad hoc pour l'ex- Yougoslavie (le TPI). Les enquêtes qu'il a menées constituent un recensement très précis, bien que non exhaustif, des crimes commis en Croatie et en Bosnie. L'acte d'accusation dressé, par exemple, contre l'ancien maire serbe de Vukovar, Slavko Dokmanovic (qui s'est suicidé dans sa cellule de Scheveningen aux Pays-Bas en juillet 1998), décrit dans le détail certains aspects du siège de la ville, particulièrement l'épisode de l'extermination des malades de l'hôpital. L'acte d'accusation contre le général Tihomir Blaskic, l'un des officiers qui commandaient les forces croates de Bosnie, éclaire sur les exactions commises dans la vallée de la Lasva, en Bosnie centrale, notamment "l'assassinat de femmes, d'enfants et de vieillards par les troupes de Blaskic, parfois à moins de 300 mètres de son quartier général". La déposition, en juillet 1996, du jeune Drazen Erdemovic, seul inculpé à avoir plaidé coupable à ce jour, confirme les méthodes des forces serbes en Bosnie. Il a raconté notamment avoir tué en une journée, le 16 juillet 1995, plusieurs dizaines de Musulmans (70 environ) faits prisonniers après la chute de l'enclave de Srebrenica. Des cars arrivaient, on en faisait descendre les hommes, désarmés, les mains liées dans le dos, par groupes de dix qu'on amenait à 20 mètres devant les soldats serbes et qui étaient exécutés à l'arme automatique. Quinze à vingt autobus sont arrivés dans la journée, a raconté Erdemovic, entre 1 000 et 1 200 Musulmans ont été liquidés ce jour-là à la ferme de Pilica, près de Srebrenica. Le TPI a enquêté sur le site de ce massacre et nombre d'autres charniers en Bosnie. Crimes contre l'humanité Ce ne sont que quelques exemples du travail effectué par le TPI. Le texte qui donne une idée globale de ce qui s'est passé en Bosnie est le premier acte d'accusation dressé contre Radovan Karadzic, chef politique des Serbes de Bosnie pendant la guerre, et contre Ratko Mladic qui commandait l'armée (le deuxième acte d'accusation contre les deux hommes porte exclusivement sur les événements de Srebrenica). Les deux hommes, en dépit de démêlés politiques avec Milosevic sur la fin, ont bénéficié, jusqu'en août 1995, du soutien militaire de Belgrade. Ils sont accusés de "génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre", notamment pour les faits suivants : Camps d'internement : le document, qui en donne une liste non limitative, indique que "des détenus ont à maintes reprises assisté et/ou fait l'objet d'actes inhumains, y compris les suivants : meurtre, viol, violences sexuelles, tortures, coups et blessures, vol, ainsi que d'autres formes d'atteinte à l'intégrité mentale et physique." Beaucoup ont disparu. Prise pour cibles de dirigeants politiques et d'intellectuels : le texte indique que des listes étaient fournies par le parti de Karadzic ; "sur la base de ces listes, des dirigeants musulmans et croates bosniaques ont été arrêtés, internés, ont fait l'objet de violences physiques et dans de nombreux cas ont été exécutés". Déportations : "Des milliers de Musulmans et de Croates bosniaques des régions de Vlasenica, Prijedor, Bosanski Samac, Brcko et Foca notamment, internés dans des camps, ont été expulsés et déportés. De plus, des civils - y compris des femmes, enfants et personnes âgées - ont été enlevés directement de leurs domiciles et utilisés dans le cadre d'échanges de prisonniers par les forces militaires et politiques serbes." Pilonnage de rassemblements de civils : la liste, non exhaustive, cite douze cas, dont le pilonnage d'un stade de football à Sarajevo lors d'un match (15 morts) et celui des terrasses de café de Tuzla (195 morts). Appropriation de biens , destructions : elles ont eu lieu, dit le texte, "sur une grande échelle, sans être justifiées par des raisons militaires". Les personnes expulsées ou détenues dans des camps devaient signer des documents par lesquels ils abandonnaient la propriété de leurs biens aux autorités serbes. "Les maisons et établissements industriels et commerciaux musulmans et croates ont été systématiquement détruits dans des zones où les hostilités avaient cessé ou qui avaient été épargnées par les combats. Le but était de s'assurer que les habitants ne pourraient pas rentrer." Les mosquées et églises catholiques ont été détruites "systématiquement et sur une grande échelle". CLAIRE TREAN Le Monde du 8 avril 1999

« Musulmans (70 environ) faits prisonniers après la chute de l'enclave de Srebrenica.

Des cars arrivaient, on en faisait descendreles hommes, désarmés, les mains liées dans le dos, par groupes de dix qu'on amenait à 20 mètres devant les soldats serbes et quiétaient exécutés à l'arme automatique.

Quinze à vingt autobus sont arrivés dans la journée, a raconté Erdemovic, entre 1 000 et1 200 Musulmans ont été liquidés ce jour-là à la ferme de Pilica, près de Srebrenica.

Le TPI a enquêté sur le site de ce massacreet nombre d'autres charniers en Bosnie. Crimes contre l'humanité Ce ne sont que quelques exemples du travail effectué par le TPI.

Le texte qui donne une idée globale de ce qui s'est passé enBosnie est le premier acte d'accusation dressé contre Radovan Karadzic, chef politique des Serbes de Bosnie pendant la guerre,et contre Ratko Mladic qui commandait l'armée (le deuxième acte d'accusation contre les deux hommes porte exclusivement surles événements de Srebrenica).

Les deux hommes, en dépit de démêlés politiques avec Milosevic sur la fin, ont bénéficié,jusqu'en août 1995, du soutien militaire de Belgrade. Ils sont accusés de "génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre", notamment pour les faits suivants : Camps d'internement : le document, qui en donne une liste non limitative, indique que "des détenus ont à maintes reprises assistéet/ou fait l'objet d'actes inhumains, y compris les suivants : meurtre, viol, violences sexuelles, tortures, coups et blessures, vol,ainsi que d'autres formes d'atteinte à l'intégrité mentale et physique." Beaucoup ont disparu. Prise pour cibles de dirigeants politiques et d'intellectuels : le texte indique que des listes étaient fournies par le parti deKaradzic ; "sur la base de ces listes, des dirigeants musulmans et croates bosniaques ont été arrêtés, internés, ont fait l'objet deviolences physiques et dans de nombreux cas ont été exécutés". Déportations : "Des milliers de Musulmans et de Croates bosniaques des régions de Vlasenica, Prijedor, Bosanski Samac,Brcko et Foca notamment, internés dans des camps, ont été expulsés et déportés.

De plus, des civils - y compris des femmes,enfants et personnes âgées - ont été enlevés directement de leurs domiciles et utilisés dans le cadre d'échanges de prisonniers parles forces militaires et politiques serbes." Pilonnage de rassemblements de civils : la liste, non exhaustive, cite douze cas, dont le pilonnage d'un stade de football àSarajevo lors d'un match (15 morts) et celui des terrasses de café de Tuzla (195 morts). Appropriation de biens , destructions : elles ont eu lieu, dit le texte, "sur une grande échelle, sans être justifiées par des raisonsmilitaires".

Les personnes expulsées ou détenues dans des camps devaient signer des documents par lesquels ils abandonnaient lapropriété de leurs biens aux autorités serbes.

"Les maisons et établissements industriels et commerciaux musulmans et croates ontété systématiquement détruits dans des zones où les hostilités avaient cessé ou qui avaient été épargnées par les combats.

Le butétait de s'assurer que les habitants ne pourraient pas rentrer." Les mosquées et églises catholiques ont été détruites"systématiquement et sur une grande échelle". CLAIRE TREAN Le Monde du 8 avril 1999 CD-ROM L'Histoire au jour le jour © 2002, coédition Le Monde, Emme et IDM - Tous droits réservés. »

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