Vous discuterez cette boutade de Beaumarchais sur la tragédie classique : « Que me font à moi les révolutions d'Athènes et de Rome ? Il n'y a dans cela rien à voir pour moi, aucune moralité qui me concerne.»
Publié le 22/02/2012
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Le mot de boutade indique bien qu'il y a à prendre et à laisser dans ce jugement de Beaumarchais. Faisons donc la part de ce qui le justifie et de ce qui le contredit. — Il est justifié surtout par les tragédies qui nous font l'histoire de révolutions d'Athènes et de Rome, de politiques, d'ambitieux d'autrefois, par l'Héraclius, l'Othon, l'Agésilas, etc., de Corneille, surtout par les mauvaises tragédies classiques du XVIIIe siècle, celles de Crébillon le père, la Mort de César, la Sémiramis de Voltaire. Il est exact que toute cette tragédie antique du XVIIe siècle est parfaitement ennuyeuse parce qu'elle se passe moins dans l'antiquité que dans un monde conventionnel et scolaire. Il est même exact que toutes les formes littéraires doivent évoluer et que même si, après Corneille et Racine, Voltaire avait écrit de belles tragédies antiques, on n'aurait pas pu continuer indéfiniment à composer des Oedipe, des Brutus ou des Agésilas. Voltaire lui-même l'avait compris en écrivant des tragédies exotiques et nationales (Zaïre, Tancrède, Adélaïde du Guesclin, etc.). — Il est injustifié parce que les hommes ont toujours été capables de revivre par l'imagination les grands événements de l'histoire de leur passé; il existe un intérêt historique. Surtout il est évident qu'Athènes et Rome ne sont pour les écrivains classiques et particulièrement pour Racine qu'un décor. Il s'agit de peindre l'homme de tous les temps. Comment prétendre qu'il n'y a dans Andromaque, ou Bérénice, ou Phèdre, ou même dans Cinna, Polyeucte ou Britannicus, aucune moralité qui concerne un contemporain de Beaumarchais. Les drames de la jalousie, de l'amour maternel, de la passion coupable ou même ceux de la vengeance, de la cruauté, du sacrifice au devoir sont de tous les temps. Et c'est expressément parce qu'ils sont de tous les temps que l'esprit classique s'est intéressé à eux.
Notons qu'il ne sera pas inutile, après avoir discuté, d'expliquer pourquoi Beaumarchais a ainsi méconnu la tragédie classique. L'explication est donnée par son caractère, actif et réaliste, avide de nouveautés et peu curieux du passé; et par les idées de beaucoup d'écrivains de son temps qui veulent un renouvellement du théâtre et écrivent des « drames ».
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- Beaumarchais écrivait à propos de la tragédie classique : Que me font à moi, sujet paisible d'un Etat monarchique au XVIIIe siècle, les révolutions d'Athènes et de Rome ? Quel véritable intérêt puis-je prendre à la mort d'un tyran du Péloponnèse, au sacrifice d'une jeune personne en Aulide? Il n'y a, dans tout cela, rien à voir, pour moi, aucune moralité qui me convienne. Expliquez et appréciez ce jugement.
- RACINE: Que me font, à moi, sujet paisible d'un État monarchique du XVIIIe siècle, les révolutions d'Athènes et de Rome? Quel véritable intérêt puis-je prendre à la mort d'un tyran du Péloponèse, au sacrifice d'une jeune princesse en Aulide? Il n'y a dans tout cela rien à voir pour moi, aucune moralité qui me convienne. (Essai sur le genre dramatique sérieux.) Beaumarchais.
- Expliquez et appréciez cette opinion de Beaumarchais : « Que me font à moi, paisible sujet d'un état monarchique, les révolutions de Rome et d'Athènes, le meurtre d'un tyran du Péloponèse, l'immolation d'une jeune personne en Aulide ? Il n'y a rien là pour moi, aucune moralité qui ne convienne. » ?
- « La politique de la littérature n'est pas la politique des écrivains. Elle ne concerne pas leurs engagements personnels dans les luttes politiques et sociales de leur temps. Elle ne concerne pas non plus la manière dont ils représentent dans leurs livres les structures sociales, les mouvements politiques ou les identités diverses. L'expression « politique de la littérature » implique que la littérature fait de la politique en tant que littérature. Elle suppose qu'il n'y a pas à se dem
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