Vous commenterez ce jugement d'un critique contemporain : « Le théâtre de Racine est le diamant de notre littérature. Car il n'est pas de théâtre, je pense, qui contienne à la fois plus d'ordre et de mouvement intérieur, plus de vérité psychologique et plus de poésie. »
Publié le 22/02/2012
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Pour discuter ce jugement, il y a lieu tout d'abord d'en donner une explication analytique. Il veut dire que le théâtre de Racine réunit des qualités en apparence opposées : il y a de l'ordre, une composition très sûre qui lui donnent la clarté, la simplicité. Mais l'ordre est quelque chose qui est facilement froid, qui manque de vie, la vie étant faite en partie de choses inattendues et complexes. Racine a malgré tout su donner à son ordre du mouvement, en peignant les mouvements naturels de la vie intérieure. Le théâtre de Racine est vrai en ce sens que les passions y sont peintes avec une admirable fidélité. Mais vérité et poésie sont en un certain sens contradictoires parce que la poésie est ce qui est en dehors de la réalité, au-dessus de ces vérités susceptibles d'observation; il y a pourtant dans le théâtre de Racine, par le style, par une sorte d'atmosphère, une véritable poésie.
Cette analyse nous conduit à approuver le jugement, niais non pas à l'approuver absolument. Car l'expression le diamant de notre littérature (et non pas l'un des diamants) signifie que c'est le plus admirable de nos chefs-d'oeuvre. Or il est évident que cela ne peut pas être démontré et qu'on peut fort bien préférer, par goût personnel, d'autres oeuvres et même les juger égales ou supérieures. Il y a du mouvement intérieur, certes, dans les tragédies de Racine, et l'on peut croire que c'est l'essentiel. Mais c'est un art en quelque mesure abstrait, d'où la vie extérieure est volontairement bannie ; pas de décors ; des costumes conventionnels ; tous les événements dramatiques sont rejetés dans la coulisse. Peu de personnages, pas de foules. Pas de couleur locale. Et la tragédie s'astreint à des conventions rigoureuses : confidents et confidentes, longs discours ordonnés, même lorsque les personnages sont bouleversés par des passions violentes. C'est une transposition esthétique de la vie : on peut admirer cette transposition; on peut lui préférer un art plus réaliste ou plus varié. Il est même presque inévitable qu'un élève jeune soit plus vivement attiré par Lorenzaccio ou On ne badine pas avec l'amour de Musset, ou bien, puisqu'il s'agit de toute la littérature, par la Légende des siècles ou par Madame Bovary; et il aura le droit de le dire.
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- « Le classicisme est une victoire sur le romantisme intérieur », a dit un critique contemporain. En prenant vos exemples dans le théâtre de Racine, montrez : 1° Comment sa tragédie peint fortement les passions et reste cependant « raisonnable », c'est-à-dire respecte la vérité psychologique et la vérité morale ; 2° Comment, dans le style, le sens de la mesure s'unit à l'énergie et à la splendeur de l'expression.
- Un critique contemporain définit ainsi la poésie d'Apollinaire : « [La poésie d'Apollinaire] opère un agencement sur le langage plutôt que sur les thèmes ; d'où une victoire sur la contingence et un espoir de faire du poème, plutôt qu'un reflet de l'âme, une sorte de mouvement perpétuel, source d'une énergie nouvelle, tremplin de sauts dans l'inconnu et d'un accroissement des pouvoirs de l'esprit. » Vous commenterez et discuterez ce jugement en l'appliquant au recueil Alcools
- « La vérité psychologique est le propre de l'observateur et du penseur: la vérité conventionnelle celui de l'homme de théâtre. Le théâtre est un art essentiellement de convention: il obéit à des lois particulières, toutes différentes de celles des autres genres littéraires. » A l'aide d'exemples précis choisis dans les pièces que vous connaissez, vous commenterez et discuterez au besoin ce jugement rapporté par Henry de Montherlant dans Notes sur mon théâtre.
- « La vérité psychologique est le propre de l'observateur et du penseur : la vérité conventionnelle celui de l'homme de théâtre. Le théâtre est un art essentiellement de convention : il obéit à des lois particulières, toutes différentes de celles des autres genres littéraires. » A l'aide d'exemples précis choisis dans les pièces que vous connaissez, vous commenterez et discuterez au besoin ce jugement rapporté par Henry de Montherlant dans Notes sur mon théâtre.
- Racine, au dire de son fils, avait soumis sa tragédie d'Alexandre au jugement de Corneille : celui-ci dit à l'auteur qu'il avait un grand talent pour la poésie, mais qu'il n'en avait pas pour le théâtre. Sainte-Beuve, dans son zèle romantique, formule un jugement semblable : « Si Racine fut dramatique de son temps, c'est que son temps n'était qu'à cette mesure du dramatique. Est-ce vouloir le renverser que de déclarer qu'on préfère chez lui la poésie pure au drame et qu'on est tenté de