Voltaire, Oedipe
Publié le 13/07/2010
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LE GRAND-PRÊTRE Ma vie est entre vos mains, vous en êtes le maître : Profitez des moments que vous avez à l'être. Aujourd'hui votre arrêt vous sera prononcé. Tremblez, malheureux Roi, votre règne est passé ; Une invisible main suspend sur votre tête Le glaive menaçant que la vengeance apprête. Bientôt de vos forfaits vous-même épouvanté, Fuyant loin de ce Trône où vous êtes monté, Privé des feux sacrés et des eaux salutaires, Remplissant de vos cris les antres solitaires, Par tout d'un Dieu vengeur vous sentirez les coups : Vous chercherez la mort, la mort fuira de vous. Le Ciel, ce Ciel témoin de tant d'objets funèbres, N'aura plus pour vos yeux que d'horribles ténèbres. Au crime, au châtiment malgré vous destiné, Vous seriez trop heureux de n'être jamais né. ŒDIPE J'ai forcé jusqu'ici ma colère à t'entendre; Si ton sang méritait qu'on daignât le répandre, De ton juste trépas mes regards satisfaits, Correspondances De ta prédiction préviendraient les effets. Va, fuis, n'excite plus le transport qui m'agite, Et respecte un courroux que ta présence irrite ; Fuis, d'un mensonge indigne abominable auteur. LE GRAND-PRÊTRE Vous me traitez toujours de traître et d'imposteur, Votre père autrefois me croyait plus sincère. ŒDIPE Arrête, que dis-tu ? qui ! Polibe mon père ! LE GRAND-PRÊTRE Vous apprendrez trop tôt votre funeste sort; Ce jour va vous donner la naissance et la mort. Vos destins sont comblés, vous allez vous connaître ; Malheureux, savez-vous quel sang vous donna l'être ? Entouré de forfaits à vous seul réservés, Savez-vous seulement avec qui vous vivez ? Ô Corinthe ! ô Phocide ! exécrable hyménée ! Je vois naître une race, impie, infortunée, Digne de sa naissance et de qui la fureur Remplira l'univers d'épouvante et d'horreur.«
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