Vernant, Jean-Pierre

Vernant, Jean-Pierre (1914-2007), historien et philosophe français, spécialiste de la Grèce antique et de ses mythes, qu’il a abordés d’un point de vue anthropologique.

Né à Provins (Seine-et-Marne), au sein d’une famille républicaine, Jean-Pierre Vernant perd sa mère à l’âge de huit ans, et n’a jamais connu son père, mort sur le front en 1915 ; son frère aîné Jacques et ses cousins deviennent très vite les principaux repères de son enfance. Étudiant à la Sorbonne, il sort (comme son frère peu avant lui) major de l’agrégation de philosophie, en 1937.

Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, Jean-Pierre Vernant effectue son service militaire ; en juillet 1940, une fois démobilisé, le jeune sympathisant communiste, fondamentalement antifasciste, entre en résistance aux côtés de son frère — sans se soucier de la ligne du PCF (sous le joug du pacte germano-soviétique). Il rejoint en février 1942 le mouvement Libération-Sud (fondé par Emmanuel d’Astier de La Vigerie). Celui qui combat sous le pseudonyme de « colonel Berthier « termine la guerre en tant que chef départemental des FFI de Haute-Garonne, puis chef régional de la région Sud-Ouest.

Plus tard, Jean-Pierre Vernant s’engage de nouveau, mais cette fois contre le colonialisme, et lutte activement avec ses armes d’intellectuel contre la guerre d’Indochine, puis contre celle en Algérie en signant le Manifeste des 121 en 1960.

Après la Seconde Guerre mondiale, Jean-Pierre Vernant enseigne la philosophie à Toulouse puis à Paris jusqu’en 1948, date à laquelle il entame sa carrière de chercheur en intégrant le CNRS (1948-1957). Disciple du philologue Louis Gernet (spécialiste de l’anthropologie historique de la Grèce antique), il s’oriente vers l’anthropologie de la Grèce antique, et commence une brillante carrière d’historien : directeur d’études à l’École pratique des hautes études (EPHE) — devenue l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) — de 1957 à 1975, fondateur du Centre de recherches comparées sur les sociétés anciennes en 1964 (aujourd’hui centre Louis-Gernet), il reçoit en 1975 une chaire d’Étude comparée des religions antiques au Collège de France (1975-1984).

Historien de renommée internationale, Jean-Pierre Vernant a reçu de nombreuses distinctions, dont la Médaille d’or du CNRS (1984) ; il a également été nommé docteur honoris causa de prestigieuses universités étrangères (Chicago, Bristol, Naples, Oxford, Crète, etc.).

Initiateur d’une nouvelle utilisation des sources mythologiques en histoire ancienne, Jean-Pierre Vernant entre sur la scène intellectuelle avec la publication remarquée des Origines de la pensée grecque (1962), ouvrage qui fait de l’historien l’un des interprètes les plus novateurs de la mythologie grecque. Mythe et Pensée chez les Grecs (1965), Mythe et Tragédie en Grèce ancienne (1972 et 1986, en collaboration avec son ami Pierre Vidal-Naquet), Mythe et Société en Grèce ancienne (1974) ou encore Mythe et Religion en Grèce ancienne (1990) ont fondé l’interprétation de l’histoire de la Grèce antique sur de nouvelles bases, permettant en particulier de réévaluer l’histoire de la Grèce archaïque ; son approche originale de l’étude de la civilisation grecque a ainsi révolutionné la science historique de l’Antiquité, au même titre que l’avait fait le déchiffrement du Linéaire B par John Chadwick au début des années 1950.

Dans les mythes, Jean-Pierre Vernant distingue ce qui relève de la tradition, de l’histoire, et aussi des préoccupations politiques immédiates. Ils nous révèlent, dit-il, « l’alphabet dont les Grecs se sont servis pour épeler le monde «. Dans son sillage, l’étude des mythes romains et celle d’une partie des mythes fondateurs de la monarchie française ont pu être menées à bien au cours des années 1980 et 1990.

Mû par son ambition de revivifier et transmettre l’héritage grec, Jean-Pierre Vernant s’est aussi fait conteur dans l’Univers, les dieux, les hommes (1999, traduit en 32 langues), récit de quelques-uns des grands mythes de la Grèce antique. Enfin, comme son alter-ego Pierre Vidal-Naquet, il a établi de nombreux ponts entre la Grèce antique et la société contemporaine.