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Un proche du président Bouteflika a été nommé premier ministre en Algérie

Publié le 17/01/2022

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26 août 2000 En Algérie, depuis le début des années 1990, la durée de vie moyenne des gouvernements est brève : de l'ordre de dix-huit mois. Celui d'Ahmed Benbitour n'aura pas échappé à la règle puisque huit mois après sa nomination, le premier ministre a présenté sa démission au chef de l'Etat qui, samedi 26 août, l'a acceptée. Exit donc M. Benbitour, cinquante-quatre ans, un économiste de formation dépourvu d'assise politique, au profit du directeur de cabinet du chef de l'Etat, Ali Benflis, cinquante-six ans, qui, quelques heures à peine après sa nomination, annonçait la composition du nouveau gouvernement. Il est vrai que la nouvelle équipe diffère peu de la précédente. La plupart des ministres ont conservé leur portefeuille. Le seul changement d'envergure concerne la diplomatie qui échoit à Abdelaziz Belkadem, un homme de conviction, un peu rapidement catalogué comme étant un "islamo-conservateur". DÉMISSION ATTENDUE La démission de M. Benbitour était attendue depuis le début de l'été. Les relations entre le chef de l'Etat et son premier ministre étaient mauvaises, de notoriété publique. A plusieurs reprises, le premier ministre avait d'ailleurs présenté sa démission. Et pour cause : homme de dialogue d'un naturel effacé, grand serviteur de l'Etat mais peu préparé au combat politique, M. Benbitour n'a jamais réussi à s'imposer face à un président Bouteflika omniprésent et peu partageux de son pouvoir. S'il ne consultait guère son premier ministre, le chef de l'Etat ne se privait pas de critiquer en public l'immobilisme de l'équipe gouvernementale dont, pourtant, il avait choisi personnellement les principaux "poids lourds". Les discussions entre les deux hommes se limitaient le plus souvent à des monologues téléphoniques interminables au cours desquels M. Benbitour devait se contenter d'écouter. A ces différences de caractère sont venues s'ajouter des divergences de fond en particulier sur la politique économique. Partisan d'une démarche prudente en matière de privatisation des entreprises publiques pour ne pas aggraver les tensions sociales, M. Benbitour n'avait pas réussi à convaincre le président Bouteflika de se hâter lentement. Le communiqué publié samedi par le premier ministre sortant témoigne de toutes ces divergences. Ma "démission, explique M. Benbitour, est motivée essentiellement par une lecture et une compréhension non partagée des dispositions constitutionnelles relatives à la fonction et aux missions du chef du gouvernement, d'une part, et par une approche différente de la gestion des capitaux marchands de l'Etat [les entreprises publiques]". Pour remplacer M. Benbitour, le président algérien a choisi un homme du premier cercle, un fidèle d'entre les fidèles, M. Benflis. Ancien directeur de cabinet du chef de l'Etat, le nouveau premier ministre va, estime-t-on, accentuer dans la pratique la présidentialisation du régime que son prédécesseur n'a pas acceptée. En revanche, l'équipe gouvernementale demeure inchangée pour l'essentiel puisque, sur les trente-quatre ministres de la nouvelle équipe, on ne compte que quatre nouveaux venus. La nomination la plus spectaculaire est sans conteste celle d'Abdelaziz Belkadem à la tête de la diplomatie algérienne (en remplacement de Youcef Yousfi rétrogadé avec le titre de ministre délégué auprès du chef du gouvernement). Le nouveau chef de la diplomatie algérienne est d'abord un homme de conviction. Député FLN, l'ancien parti unique, à l'âge de trente ans en 1977, puis président de l'assemblée nationale en 1990, M. Belkadem est devenu l'une des bêtes noires des "éradicateurs" depuis qu'il a condamné l'interruption des élections législatives de décembre 1991 qui allaient donner la victoire aux islamistes du FIS. Depuis, cet intellectuel courtois et discret, faisant plus jeune que son âge, n'a pas varié. Evincé de la direction du FLN, artisan du contrat de Sant'Egidio - une tentative politique pour sortir de la crise en 1995 - M. Belkadem n'a cessé de militer, avec quelques amis "réformateurs" au sein du Mouvement pour la paix. Favorable à la démarche réconciliatrice du président Boutefika, qui le consulte régulièrement, M. Belkadem s'était attiré il y a quelques mois les foudres d'une partie de la presse algérienne francophone en prenant position contre la venue dans son pays du chanteur Enrico Maccias, et contre la normalisation des relations avec l'Etat d'Israël. De là l'étiquette d' "islamo-conservateur" qui est accolée à ce francophone fin connaisseur du Proche-Orient. En dehors de l'arrivée de M. Belkadem, les surprises sont rares au sein de la nouvelle équipe. L'une d'entre elles concerne le retour en grâce de Cherif Rahmani, l'ancien super- préfet du "grand Alger". Violemment critiqué par le chef de l'Etat pour sa gestion controversée, écarté du pouvoir au printemps, cet homme flamboyant qui avait toujours rang de ministre se retrouve en charge de l'aménagement du territoire. C'est une résurrection politique à laquelle bien peu s'attendaient. JEAN-PIERRE TUQUOI Le Monde du 29 août 2000

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