TEXTE: MEDITATIONS METAPHYSIQUES, REPONSES DE L'AUTEUR AUX SECONDES OBJECTIONS. DESCARTES
Publié le 22/02/2012
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« Or, qu'il y ait en nous quelque idée d'un être souverainement puissant et parfait, et aussi que la réalité objective de cette idée nese trouve point en nous, ni formellement, ni éminemment, cela deviendra manifeste à ceux qui y penseront sérieusement, et quivoudront avec moi prendre la peine d'y méditer ; Et toutefois, en faveur de ceux dont la lumière naturelle est si faible qu'ils ne voient pas que c'est une première notion que toute laperfection qui est objectivement flans une idée doit être réellement dans quelqu'une de ces causes, je l'ai encore démontré d'unefaçon plus aisée à concevoir, en montrant que l'esprit qui a cette idée ne peut pas exister par soi-même ; Je ne vois pas aussi que vous prouviez rien contre moi en disant que j'ai peut-être reçu l'idée qui me représente Dieu des penséesque j'ai eues auparavant des enseignements des livres, des discours et entretiens de mes amis, etc. Car je veux bien ici avouer franchement que l'idée que nous avons, par exemple, de l'entendement divin ne me semble pointdifférer de celle que nous avons de notre propre entendement, sinon seulement comme l'idée d'un nombre infini diffère de l'idéedu nombre binaire ou du ternaire ; comme aussi nous connaissons que de plusieurs choses particulières qui n'ont point de fin, dont nous avons les idées, commed'une connaissance sans fin, d'une puissance, d'un nombre, d'une longueur, etc. , qui sont aussi sans fin, il y en a quelques-unes qui sont contenues formellement dans l'idée que nous avons de Dieu, comme laconnaissance et la puissance, et d'autres qui n'y sont qu'éminemment, comme le nombre et la longueur ; ce qui certes ne serait pas ainsi si cette idée n'était rien autre chose en nous qu'une fiction. car c'est une chose très remarquable que tout les métaphysiciens s'accordent unanimement dans la description qu'ils font desattributs de Dieu, au moins de ceux qui peuvent être connus par la seule raison humaine, en telle sorte qu'il n'y a aucune chosephysique ni sensible, aucune chose dont nous ayons une idée si expresse et si palpable, touchant la nature de laquelle il ne serencontre chez les philosophes une plus grande diversité d'opinions qu'il ne s'en rencontre touchant celle de Dieu. Et certes jamais les hommes ne pourraient s'éloigner de la vraie connaissance de cette nature divine s'ils voulaient seulementporter leur attention sur l'idée qu'ils ont de l'Etre souverainement parfait. Mais ceux qui mêlent quelques autres idées avec celle-là composent par ce moyen un Dieu chimérique, en la nature duquel il y ades choses qui se contrarient ; et, après l'avoir ainsi composé, ce n'est pas merveille, s'ils nient qu'un tel Dieu, qui leur est représenté par une fausse idée, existe. Ce que vous ajoutez de l'idée d'un ange, laquelle est plus parfaite que nous, à savoir, qu'il n'est pas besoin qu'elle ait été mise ennous par un ange, j'en demeure aisément d'accord ; car j'ai déjà dit moi-même, dans la troisième Méditation, qu'elle peut être composée des idées que nous avons de Dieu et del'homme. Quant à ceux qui nient d'avoir en eux l'idée de Dieu, et qui au lieu d'elle forgent quelque idole, etc. Car certainement je ne pense pas que cette idée soit de même nature que les images des choses matérielles dépeintes en lafantaisie ; Et il importe fort peu qu'on donne le nom d'idée à ce concept d'un nombre indéfini, ou qu'on ne le lui donne pas. Mais, pour entendre quel est cet être plus parfait que je ne suis, et si ce n'est point ce même nombre dont je ne puis trouver la fin,qui est réellement existant et infini, ou bien si c'est quelque autre chose, il faut considérer toutes les autres perfections, lesquelles,outre la puissance de me donner cette idée, peuvent être en la même chose en qui est cette puissance ; Et vous ne prouvez rien contre moi en disant que l'idée de l'unité de toutes les perfections qui sont en Dieu est formée de la mêmefaçon que l'unité générique et celle des autres universaux. Mais puisqu'il ne peut y avoir en nous rien de réel qui ne nous ait été donné par lui, comme il a été démontré en prouvant sonexistence, et puisque nous avons en nous une faculté réelle pour connaître le vrai et le distinguer d'avec le faux, comme on peutprouver de cela seul que nous avons en nous les idées du vrai et du faux, si cette faculté ne tendait au vrai, au moins lorsque nousnous en servons comme il faut, c'est-à-dire lorsque nous ne donnons notre consentement qu'aux choses que nous concevons. »
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