Texte: LES METEORES, DISCOURS CINQUIEME, Des nues. DESCARTES
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
Après avoir considéré, comment les vapeurs en se dilatant causent les vents, il faut voir comment en se condensant et resserrant elles composent les nues et les brouillards.
Et pour les gouttes d'eau elles se forment, lorsque la matière subtile qui est autour des petites parties des vapeurs, n'ayant plus assez de force pour faire qu'elles s'étendent et se chassent les unes les autres, en a encore assez pour faire qu'elles se plient, et en suite que toutes celles qui se rencontrent se joignent et s'accumulent ensemble en une boule.
Pour ce qui est de leur grosseur, elle dépend de ce que les parties de la vapeur sont plus ou moins proches les unes des autres lorsqu'elles commencent à les composer, et aussi de ce qu'elles sont par après plus ou moins agitées, et de la quantité des autres vapeurs qui peuvent venir se joindre à elles.
Car chacune d'abord ne se compose que de deux ou trois des petites parties de la vapeur qui s'entrerencontrent, mais aussi tôt après si cette vapeur a été un peu épaisse, deux ou trois des gouttes qui s'en sont formées, en se rencontrant se joignent en une, et derechef deux ou trois de celles ci encore en une et ainsi de suite, jusques à ce qu'elles ne se puissent plus rencontrer.
Et pendant qu'elles se soutiennent en l'air, il peut aussi venir d'autres vapeurs se joindre à elles, et les grossir, jusques à ce qu'enfin leur pesanteur les fasse tomber en pluie ou en rosée.
Pour les petites parcelles de glace, elles se forment lorsque le froid est si grand que les parties de la vapeur ne peuvent être pliées par la matière subtile qui est parmi elles.
Et au contraire s'il survient dès auparavant qu'elles aient commencé à se former, les parties de la vapeur ne se joignent qu'en long, et ne composent que des filets de glace fort déliés.
Mais si le froid survient entre ces deux temps, ce qui est le plus ordinaire, il gèle les parties de la vapeur à mesure qu'elles se plient et s'entassent plusieurs ensemble, sans leur donner le loisir de s'unir assez parfaitement pour former des gouttes :
et ces noeuds sont comme velus ou couverts de poil tout alentour, à cause qu'il y a toujours plusieurs parties de la vapeur qui ne pouvant se plier et s'entasser sitôt que les autres, s'appliquent toutes droites contre eux, et composent les petits poils qui les couvrent :
et selon que ce froid vient plus lentement ou plus à coup, et que la vapeur est plus épaisse ou plus rare, ces noeuds se forment plus gros ou plus petits ;
Et vous pouvez voir de ceci qu'il y a toujours deux choses qui sont requises pour convertir les vapeurs en eau ou en glace, à savoir que leurs parties soient assez proches pour s'entretoucher, et qu'il y ait autour d'elles assez de froideur pour faire qu'en s'entretouchant elles se joignent et s'arrêtent les unes aux autres.
et il est requis de plus, qu'un vent occidental, s'opposant au cours ordinaire des vapeurs, les assemble et les condense aux endroits où il se termine ;
ni en été, encore que les vapeurs y soient assez abondantes ;
mais seulement lorsque la froideur de l'air et l'abondance des vapeurs concourent ensemble.
Et plus aussi aux lieux marécageux ou maritimes que sur les terres qui sont loin des eaux, ni sur les eaux qui sont loin des terres, à cause que l'eau perdant plus tôt sa chaleur que la terre, y refroidit l'air, dans lequel se condensent les vapeurs que les terres humides et chaudes produisent en abondance.
Car ces vents chassent vers ces lieux là plusieurs vapeurs qui s'y épaississent, ou en brouillards, si l'air proche de la terre est fort froid ;
Remarqués aussi touchant les nues, qu'elles peuvent être produites à diverses distances de la terre, selon que les vapeurs ont loisir de monter plus ou moins haut, avant que être assez condensées pour les composer.
Et ceci arrive principalement aux pays de montagnes, à cause que la chaleur qui élève les vapeurs y agit plus inégalement qu'aux autres lieux.
Et parce que plus les vapeurs s'élèvent haut, plus elles y trouvent de froid qui les gèle, et moins elles y peuvent être pressées par les vents.
et que ces deux vents se sont arrêtés au commencement l'un l'autre, environ l'espace FGP, où ils ont condensé quelques vapeurs, dont ils ont fait une masse confuse, pendant que leurs forces se balançant et se trouvant égales en cet endroit, ils y ont laissé l'air calme et tranquille.
car si, pendant qu'elle demeure suspendue en l'espace G, il sort quelques vapeurs des endroits de la terre qui sont vers A, lesquelles se refroidissant en l'air peu à peu se convertissent en petits noeuds de glace que le vent chasse vers L, il n'y a point de doute que ces noeuds s'y doivent arranger en telle sorte que chacun d'eux soit environné de six autres qui le pressent également, et soient en même plan ;
Et encore que je n'aie ici parlé que des parcelles de glace qui sont entassées en forme de petits noeuds ou pelotons, le même se peut aisément aussi entendre des gouttes d'eau, pourvu que le vent ne soit point assez fort pour faire qu'elles s'entre-poussent, ou bien qu'il y ait autour d'elles quelques exhalaisons, ou comme il arrive souvent quelques vapeurs non encore disposées à prendre la forme de l'eau qui les séparent.
Car il se trouve quelquefois si grande abondance de vapeurs en l'endroit où deux ou plusieurs vents se rencontrent, qu'elles contraignent ces vents de tournoyer autour d'elles au lieu de passer au dessus ou au dessous, et ainsi qu'elles forment une nue extraordinairement grande qui étant également pressée de tous cotés par ces vents, devient toute ronde et fort unie en son circuit.
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