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TEXTE: LE MONDE OU TRAITÉ DE LA LUMIERE, CHAPITRE V, Du nombre des éléments et de leurs qualités. DESCARTES

Publié le 22/02/2012

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descartes
Et ainsi je me persuade que ce second élément ne peut être si pur en aucun endroit du monde, qu'il n'y ait toujours avec lui quelque peu de la matière du premier. Que si vous trouvez étrange que, pour expliquer ces éléments, je ne me serve point des qualités qu'on nomme chaleur, froideur, humidité, et sécheresse, ainsi que font les philosophes, je vous dirai que ces qualités me semblent avoir elles-mêmes besoin d'explication, et que, si je ne me trompe, non seulement ces quatre qualités, mais aussi toutes les autres, et même toutes les formes des corps inanimés peuvent être expliquées, sans qu'il soit besoin de supposer pour cet effet aucune autre chose en leur matière, que le mouvement, la grosseur, la figure, et l'arrangement de ses parties. Examinez, tant qu'il vous plaira, toutes les formes que les divers mouvements, les diverses figures et grosseurs, et le différent arrangement des parties de la matière peuvent donner aux corps mêlés, et je m'assure que vous n'en trouverez aucune qui n'ait en soi des qualités qui tendent à faire qu'elle se change et, en se changeant, qu'elle se réduise à quelqu'une de celles des éléments. Mais au contraire, puisque chaque partie de la matière tend toujours à se réduire à quelques-unes de leurs formes, et qu'y étant une fois réduite elle ne tend jamais à la quitter : car, les éléments étant de nature fort contraire, il ne se peut faire que deux d'entre eux s'entre-touchent, sans qu'ils agissent contre les superficies l'un de l'autre, et donnent ainsi à la matière qui y est les diverses formes de ces corps mêlés. Je joins aussi le Soleil avec les Étoiles fixes, et leur attribue une nature toute contraire à celle de la terre, car la seule action de leur lumière me fait assez connaître que leurs corps sont d'une matière fort subtile et fort agitée. Enfin nous n'apercevons point de corps mêlés en aucun autre lieu que sur la superficie de la terre, et si nous considérons que tout l'espace qui les contient, savoir tout celui qui est depuis les nuées les plus hautes, jusques aux fosses les plus profondes que l'avarice des hommes ait jamais creusées pour en tirer les métaux, est extrêmement petit à comparaison de la terre et des immenses étendues du ciel, nous pourrons facilement nous imaginer que ces corps mêlés ne sont tous ensemble que comme une écorce qui s'est engendrée au-dessus de la terre, par l'agitation et le mélange de la matière du ciel qui l'environne.

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