Slobodan Milosevic devant la justice internationale
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
«
Réduire le TPI à une marionnette des Américains, c'est par trop méconnaître ce que ce tribunal a dores et déjà réalisé.
D'abordla condamnation de quelques grands orchestrateurs de l'ignominie, moins connus que Milosevic, comme avant-hier celle de Krsticà la perpétuité.
Ensuite, la documentation des crimes commis, pas seulement par des Serbes.
Qui, quelle pseudo-missionparlementaire, quel rapport de l'ONU, pourrait par exemple rassembler sur ce qui s'est passé à Srebrenica en juillet 1995 ce quele TPI a publiquement produit comme témoignages, comme éléments d'enquête, comme images filmées sur le vif pendantl'accomplissement du crime, et comme documents des services de renseignements occidentaux ? Qui pourrait recueillir parexemple les aveux d'un Drazen Erdemovic, jeune repenti racontant longuement en tremblant comment il en était venu un jour àabattre soixante-dix hommes qui avaient les mains liées dans le dos, pendant qu'une excavatrice, à côté, leur creusait une fossedans un champ ?
Le TPI, plus que « le tribunal des Américains », est devenu avant tout le tribunal des victimes : celui de femmes et d'hommesbrisés qui, malgré la rudesse des procédures d'interrogatoire en vigueur à La Haye, malgré la précarité des protections qu'on leuroffre, et en dehors de toute perspective de « réparations », ont la force de venir témoigner de ce qu'ils ont subi.
Réduire le TPI à une marionnette, c'est enfin méconnaître ce qu'il a engendré, contre toute prévision de ceux qui l'avaient missur pieds : un mouvement sans frontières contre l'impunité - un mouvement d'opinion, d'ONG, n'en déplaise à certains - qui allaitrapidement acquérir la vigueur suffisante pour obliger les gouvernements à transformer l'essai et à jeter les bases d'une futureCour pénale internationale (CPI) qui ne sera plus limitée à tel ou tel conflit, à telle ou telle partie du monde (Le traité sur la CPI aété voté par cent-vingt Etats en juillet 1996 ; il pourrait dans quelques mois réunir les soixante ratifications nécessaires à laconstitution de la Cour).
Un mouvement contre l'impunité qui a déjà produit aussi quelques heureuses surprises, dont la plusspectaculaire fut l'arrestation de Pinochet à Londres, en octobre 1998, et les évolutions qu'elle entraîna au Chili.
Il ne faut pas rêver : la real-politik, les rapports de forces, ne cèderont pas demain devant l'avènement de la Cour pénaleinternationale.
La première puissance mondiale, alliée en l'occurrence avec les pires « Etats-voyous » de la terre, la récuse ; unebonne partie des autres ne l'accepte que dans l'hypocrisie.
Les tentatives de manipulation, les sabotages, les mauvais coupsn'auront de cesse contre elle.
Mais la graine est semée.
Le procès de Milosevic sera pour la CPI une référence majeure : leprécédent qui prouve que la contrainte peut s'exercer, au nom de la communauté internationale, contre les plus hautsresponsables de crimes qui, par leur gravité, la concernent tout entière et pulvérisent toute notion de « souveraineté nationale ».
On aurait préféré, évidemment, que Milosevic fût envoyé au TPI de plein gré par une Serbie démocratique, consciente descrimes qui furent perpétrés en son nom.
Ce n'est pas le cas.
Si cela l'était, la Serbie serait en état de le juger elle-même.Aujourd'hui elle ne l'est pas ; la découverte des charniers de Belgrade n'y suffit pas, il lui reste beaucoup à apprendre du procèsde Milosevic à La Haye.
CLAIRE TREAN Le Monde du 30 juin 2001
CD-ROM L'Histoire au jour le jour © 2002, coédition Le Monde, Emme et IDM - Tous droits réservés.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Cour internationale de justice des Nations unies (cours de droit international).
- Cour internationale de justice des Nations unies (cours de droit).
- Milosevic Slobodan Homme d'Etat serbe
- Milosevic Slobodan
- Vers une justice pénale internationale ?