Silvio Berlusconi a les coudées franches pour conduire ses réformes en Italie
Publié le 17/01/2022
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13 mai 2001
Lundi 14 mai au soir, au lendemain de sa victoire aux législatives, Silvio Berlusconi s'est adressé à la nation avec une solennité toute symbolique. Le magnat de la télévision est apparu sur la première chaîne publique, et non pas sur ses canaux de Mediaset, à l'émission de débat Porta a Porta, interviewé en différé de sa demeure d'Arcore, près de Milan.
Assis à son bureau, devant un magnifique tableau, il s'est adressé « à tous les Italiens » : « Laissons nos différences derrière nous puisque la campagne est finie, mon gouvernement travaillera dans l'intérêt de tous, y compris de ceux qui n'ont pas voté pour nous. » Il a rappelé le « contrat pour le changement » qu'il avait déclaré passer avec les électeurs avant le scrutin et qu'il entend respecter à la lettre. Sur le plateau de Rai Uno, quatre personnalités de la nouvelle opposition et trois pour la majorité ont commenté ou critiqué, mais avec une courtoisie très démocratique, les déclarations de celui qui va devenir le prochain président du Conseil. La scène tenait du théâtre classique et Silvio Berlusconi avait opté pour un style présidentiel. Le changement politique promis est déjà dans ce style.
Silvio Berlusconi va pouvoir diriger le pays avec une majorité confortable. Selon les résultats définitifs au Sénat, la Maison des libertés (CDL) a obtenu 177 des 315 sièges, l'Olivier n'en ayant que 128, Refondation communiste 3, Démocratie européenne (tendance démocrate-chrétienne) et le parti de l'ancien juge de Mani pulite Antonio Di Pietro, chacun un. Les résultats étaient également sans appel à la Chambre des députés. Sur 630 sièges, la CDL en remporte 368, la coalition de l'Olivier 242, et Refondation communiste 11. En nombre de voix, la différence est plus réduite mais le système électoral adopté en 1993, qui panache majoritaire uninominal et proportionnel, encourage le bipolarisme, « source de stabilité », comme l'espérait alors le législateur.
Dans ces législatives, les Italiens ont nettement choisi entre deux camps, abandonnant leurs amours passées pour les singularités des nombreuses petites listes, qui obtiennent cette fois de piètres résultats. Seule Refondation Communiste fait un bon score. Silvio Berlusconi s'est réjoui de la « maturité » de l'électorat ; un analyste de renom, Renato Mannheimer, l'a soulignée à sa façon, ajoutant qu' « en l'élisant, les Italiens ont montré qu'ils se foutent des ennuis judiciaires de M. Berlusconi, comme du problème de conflit d'intérêts ».
« PRÉSIDENT OUVRIER »
Le vainqueur de la Maison des libertés l'a emporté largement sur son nom et celui de sa formation, Forza Italia, devenu le premier parti. Il l'a emporté sur son image d'homme parti de rien et devenu l'entrepreneur le plus riche d'Italie, sur sa volonté d'être perçu comme un « président ouvrier » qui retrousse ses manches plutôt que de « perdre son temps » au débat politique ; il l'a emporté enfin après une très longue campagne pour laquelle il n'a pas lésiné sur les moyens.
Il a d'autre part habilement « cannibalisé » ses alliés. Alliance nationale garde une bonne position, mais en baisse par rapport aux législatives de 1996. La Ligue du Nord (xénophobe et fédéraliste) s'effondre, atteignant tout juste 3,9 % des voix à la Chambre, en dessous du quorum des 4 % donc. « C'est le prix atroce que nous payons à cette alliance », a commenté son bouillant leader, Umberto Bossi, qui brillait par son absence à l'émission de Porta a Porta lundi soir. Silvio Berlusconi devrait avoir les mains plus libres par rapport à cet encombrant allié, qui inquiétait beaucoup les chancelleries de l'Union européenne. Mais il a signé un pacte avec la Ligue, qui l'engageait à transférer à la Région le pouvoir de fixer des quotas d'immigration, et à accélérer le processus de transfert d'autres pouvoirs importants en matière de sécurité, de santé et de fisc. Que va- t-il honorer de ce pacte, et à quel rythme ?
Les premières réactions à sa victoire, jugée suffisamment large pour laisser augurer la stabilité, à Bruxelles comme dans les diverses capitales ont été prudentes. Dans son adresse télévisée, Il Cavaliere s'est efforcé de rassurer ses partenaires, « ses amis de l'Union Européenne » comme ceux des Etats-Unis. Pour les Italiens, il a largement développé le programme du premier conseil des ministres qu'il présidera et dont il a déjà élaboré l'ordre du jour (lire ci-dessous).
D'ici la fin du mois, le président de la République va convoquer le gagnant pour lui proposer la présidence du Conseil. « J'arriverai dès mon investiture, pour ne pas perdre de temps, avec une liste de noms de ministres que je soumettrai à approbation » a promis Silvio Berlusconi. Pour le moment semblent retenus Giulio Tremonti (déjà son ministre des finances en 1994) pour un grand ministère de l'économie, Antonio Marzano pour l'industrie et le commerce, Lucio Stanca (ex-IBM) pour l'informatique, Rocco Buttiglione (démocrate-chrétien) pour l'éducation. La famille pourrait être concédée à la Ligue. Intérieur, défense, affaires étrangères restent disputés parmi les alliés. Gianfranco Fini, président d'Alliance nationale (post-fasciste), et Pierferdinando Casini (centriste) auraient le titre de vice-premiers ministres.
Le 30 mai, ouverture officielle de la nouvelle législature, aura lieu un vote de confiance. Sur quoi le futur chef de gouvernement assoira-t-il sa stabilité ? Comment les difficiles négociations sociales en cours évolueront-elles ? Il ne suffit pas de gagner les élections...
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