Sénèque, Oedipe
Publié le 13/07/2010
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Chez Sénèque, c'est Créon qui raconte à Œdipe le sacrifice au cours duquel Tirésias découvre la vérité. Ce sacrifice de Tirésias est un motif inventé par Sénèque. L'accent est mis ici sur la violence, la monstruosité et le sang et surtout le caractère contre nature des actes commis par Œdipe sans le savoir. L'ensemble du texte obéit à une rhétorique de la fureur. Antonin Artaud voyait dans le théâtre de Sénèque le prototype du théâtre de la cruauté.
«CRÉON: (...) Enfin après des évocations réitérées, une ombre sort, le front voilé de honte : elle s'écarte de la foule et cherche à se cacher ; mais le vieux prêtre insiste, redouble ses conjurations infernales, et la force de se découvrir : c'est Laïus. Ce que j'ai à dire m'épouvante. Il se dresse devant moi, tout sanglant et les cheveux souillés d'une affreuse poussière ; il ouvre la bouche avec colère et dit : «Ô famille de Cadmus, toujours cruelle et toujours altérée de son propre sang ! arme-toi plutôt du thyrse homicide et déchire les membres de tes enfants dans la fureur de Bacchus. Le plus grand crime de Thèbes, c'est l'amour d'une mère pour son fils! Ô ma patrie! Ce n'est point le courroux des dieux, c'est un forfait qui te perd. Ce n'est point le souffle empoisonné de l'Auster, ni la sécheresse de la terre, dont la pluie du ciel ne vient plus tempérer l'ardeur brûlante, que tu dois accuser de tes malheurs ; mais c'est ce roi couvert de sang, qui a reçu, pour le prix d'un meurtre abominable, le sceptre et l'épouse de son père ; enfant dénaturé (mais moins encore que sa mère, deux fois malheureuse par sa fécondité), qui, remontant au source de son être, a fait rentrer la vie par les entrailles qui l'ont porté, et, par un crime qui n'a pas d'exemple parmi les animaux, s'est engendré lui-même des soeurs et des frères, assemblages monstrueux, et plus incompréhensible que le Sphynx, qu'il a vaincu ! Ô toi qui porte le sceptre d'une main sanglante, moi ton père, je poursuivrai contre ta ville et contre toi la vengeance qui m'est due. J'amènerai les Furies pour présider à ton hymen, elles viendront avec leurs fouets retentissants. Je détruirai ta famille incestueuse ; j'écraserai ton palais sous le poids d'une guerre impie. Hâtez-vous de chasser du trône et de voire pays ce roi maudit. Toute terre dont il aura retiré son pieds funeste se couvrira de fleurs et de verdure, au retour du printemps ; l'air redeviendra pur ; les bois retrouveront la beauté de leur feuillage ; la mort, la peste, la destruction, la maladie, la corruption, la douleur, digne cortège qui l'accompagne, disparaîtront avec lui. Lui-même voudra précipiter sa fuite ; mais je saurai bien semer des obstacles sur sa route et le retenir. On le verra se traîner à pas lents, incertain de sa voie, et chercher tristement son chemin avec un bâton, comme un vieillard. Ôtez-lui la terre et moi, son père, je lui retirerai le ciel.«
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