Roosevelt, l'artisan de la puissance américaine
Publié le 02/08/2006
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4 février 1945 - Washington, 4 mars 1933. Le nouveau président des Etats-Unis prête serment. Franklin Roosevelt succède à Herbert Hoover. Les élections de novembre lui ont donné une incontestable victoire : 23 millions de voix et 472 mandats électoraux contre 15 millions de voix et 59 mandats électoraux. Un triomphe ? Sans doute, mais aussi la mission de remettre sur pied un pays qui est au plus mal, avec ses 13 millions de chômeurs (un Américain sur quatre en âge de travailler), ses banques fermées, son agriculture en pleine crise, un produit national brut qui, en quatre ans, a chuté de 104,4 milliards de dollars à 74 milliards. Il faut tout l'optimiste de Roosevelt pour déclarer aux Américains : " La seule chose que nous ayons à craindre, c'est la crainte elle-même. " Redonner confiance, une tâche prioritaire qu'il ne cessera pas de remplir jusqu'à sa mort, au début de son quatrième mandat, le 12 avril 1945.
Roosevelt est né le 30 janvier 1882, à Hyde-Park (New-York)? Une famille riche, une mère attentionnée, une enfance choyée, et puis de prestigieux établissements scolaires et universitaires qui le conduisent à Harvard et à Columbia. Mais le jeune Franklin n'est pas un élève brillant. Il préfère les bateaux et les chevaux. En 1905, il épouse Eleanor, sa lointaine cousine qui est aussi la nièce du président Theodore Roosevelt, s'essaie à la profession d'avocat et, à partir de 1910, entre en politique pour n'en plus jamais sortir. En 1912, il a fait campagne pour le candidat démocrate, Woodrow Wilson, qui, une fois élu, le récompense en le nommant secrétaire adjoint à la marine. De 1913 à 1921, Roosevelt occupe ce poste qui le fait participer à des événements d'importance majeure : l'entrée des Etats-Unis dans la première guerre mondiale, la campagne d'opinion en faveur du traité de Versailles et du pacte de la SDN, la construction d'une flotte de premier ordre. Roosevelt est si apprécié par ses amis politiques que le Parti démocrate le choisit comme candidat à la vice-présidence des Etats-Unis pour les élections de 1920. La défaite des démocrates ne ternit pas son prestige.
En 1921, cet homme de trente-neuf ans est frappé par la poliomyélite.
Au terme de longues souffrances, il restera paralysé des deux jambes, quitte à se déplacer difficilement grâce à des appareils de prothèse.
Il ne renonce pourtant pas aux activités politiques. Son épouse le pousse à continuer. Et, en 1928, Roosevelt se fait élire gouverneur de l'Etat de New-York, et élire en 1930. C'est à ce poste qu'il fait l'expérience de la crise qui frappe le pays, qu'il applique une nouvelle politique sociale et qu'il impose peu à peu sa nouvelle image de marque. C'est bien pour cela que le Parti démocrate lui accorde sa confiance en 1932, et ses concitoyens le portent à la présidence.
N'empêche que le programme de Roosevelt est très vague. Mais il annonce une nouvelle donne, un new deal, qui devrait remonter le moral des ses concitoyens. Lui, l'infirme, incarne le goût de la vie, la cordialité, la confiance dans l'avenir.
Entouré de ses conseillers, qu'il baptise le brain trust, Roosevelt transforme la fonction présidentielle en centre moteur de la société.
Il informe ses concitoyens par ses causeries au coin du feu, accorde d'innombrables conférences de presse, étend considérablement les compétences du pouvoir exécutif, stimule les activités du Congrès.
Mais Roosevelt n'a rien d'un dictateur qui bâtirait un régime autoritaire. Il agit dans le cadre de la vieille Constitution de 1787, en l'adaptant, en associant au gouvernement fédéral les gouvernements des Etats. En ce sens, il fonde la présidence moderne, celle que tous ses successeurs, démocrates et républicains, ont à leur tour incarnée.
Roosevelt s'emploie à sortir le pays de la crise. Non point en recourant à des formules toutes faites, car il n'est pas doctrinaire et ne comprend guère les explications des experts. Pragmatique, il applique les solutions qui lui paraissent les plus adéquates. Tant pis si elles sont contradictoires ! Tant pis si ses conseillers appartiennent à des écoles de pensée qui s'opposent ! L'essentiel est de faire repartir l'économie nationale. La planification, comme dans le cas de la Tennessee Valley Authority, l'incitation donnée aux industriels pour qu'ils s'entendent, comme dans le cas du National Industrial Recovery Act, une politique qui vise à la destruction des récoltes excédentaires, tout est bon pourvu que les résultats soient satisfaisants. Peu importe les tendances inflationnistes, la dévaluation du dollar, l'essor des dépenses fédérales pour " réamorcer la pompe " que Keynes recommande sous la forme du déficit spending.
Roosevelt n'est pas un socialiste. Il souhaite moderniser le capitalisme et, dans un second temps, en partager équitablement les fruits. C'est pourquoi il n'a pas manqué d'ennemis ni à droite ni à gauche, les uns lui reprochant de détruire le système des valeurs américaines et de mettre sur pied un Etat-providence avec, par exemple, la loi sur la Sécurité sociale (1935), les autres lui faisant grief de s'arrêter en chemin et de ne pas aller jusqu'au bout de la logique dirigiste, tous s'accordant pour souligner que 9 millions de chômeurs en 1939 et un PNB qui n'a pas retrouvé le niveau de 1929 sont deux signes incontestables d'un échec. Ce ne fut pas l'avis d'une majorité d'Américains qui le réélurent en 1936 et, fait sans précédent dans l'histoire des Etats-Unis, en 1940 pour un troisième mandat.
La politique étrangère ne préoccupait pas les Etats-Unis.
Lorsqu'ils sentirent que les périls s'accroissaient en Europe, ils préférèrent se réfugier dans l'isolationnisme. Roosevelt se résigna longtemps à la passivité. Toutefois, dès 1937, il manifeste son inquiétude à l'égard de l'expansion japonaise en Extrême-Orient et à l'égard du militarisme hitlérien. C'est à partir de 1939 que les affaires internationales font l'objet d'une attention constante.
Roosevelt ne cache pas ses sympathies pour les démocraties occidentales. Après la défaite de la France, il renforce la défense nationale, commence à aider la Grande-Bretagne et promet, en décembre 1940, que les Etats-Unis seront " le grand arsenal de la démocratie. " En mars 1941, le Congrès adopte la loi du prêt-bail qui autorise le président à fournir une aide matérielle aux Anglais, puis aux Soviétiques et aux Chinois. La mobilisation économique commence à prendre forme. Churchill et Roosevelt se rencontrent au cours de l'été 1941 et signent la charte de l'Atlantique. Lorsque les japonais attaquent la base de Pearl-Harbor (7 décembre 1941), les Etats-Unis sont prêts à affronter l'épreuve. Dès lors, Roosevelt devient le chef d'un immense et puissant pays qui jette dans la balance ses forces humaines et économiques, l'un des principaux dirigeants d'une vaste coalition, celle des nations unies, qui se donne pour but d'abattre l'ennemi et de reconstruire le monde sur la base de nouveaux rapports internationaux. Il croit à la nécessaire coopération entre les grandes puissances, pourvu qu'elles reconnaissent quelques principes fondamentaux. Il estime que, avec la Grande-Bretagne et peut-être la Chine, Américains et Soviétiques assureront la paix sur terre, que le rôle des Etats-Unis, c'est de sauvegarder la justice et la liberté. Il ne doute pas un seul instant que, par son charme, par son goût des compromis et des contacts personnels, il parviendra à convaincre les esprits les plus endurcis, y compris Staline qu'il rencontre une première fois à Téhéran (1943), une seconde fois à Yalta (février 1945). L'attitude de de Gaulle, qu'il ne comprend pas, le déçoit profondément. Bref, celui que ses compatriotes appelaient familièrement " docteur New Deal " est maintenant " docteur Gagne-la-Guerre ". Lorsqu'il meurt, épuisé, trois semaines avant l'armistice de Reims, quelques mois avant que les Japonais ne déposent les armes, Franklin Roosevelt laisse aux Américains un double héritage : le pays est devenu le plus puissant du monde, le véritable vainqueur du conflit mondial; une mission lui incombe désormais, à laquelle il ne saurait échapper, celle d'assurer la défense de la démocratie dans un monde où s'annonce déjà la guerre froide.
ANDRE KASPI 1985
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un troisième mandat.
La politique étrangère ne préoccupait pas les Etats-Unis.
Lorsqu'ils sentirent que les périls s'accroissaient en Europe, ils préférèrent se réfugier dans l'isolationnisme.
Roosevelt se résignalongtemps à la passivité.
Toutefois, dès 1937, il manifeste son inquiétude à l'égard de l'expansion japonaise en Extrême-Orient età l'égard du militarisme hitlérien.
C'est à partir de 1939 que les affaires internationales font l'objet d'une attention constante.
Roosevelt ne cache pas ses sympathies pour les démocraties occidentales.
Après la défaite de la France, il renforce la défensenationale, commence à aider la Grande-Bretagne et promet, en décembre 1940, que les Etats-Unis seront " le grand arsenal de ladémocratie.
" En mars 1941, le Congrès adopte la loi du prêt-bail qui autorise le président à fournir une aide matérielle auxAnglais, puis aux Soviétiques et aux Chinois.
La mobilisation économique commence à prendre forme.
Churchill et Roosevelt serencontrent au cours de l'été 1941 et signent la charte de l'Atlantique.
Lorsque les japonais attaquent la base de Pearl-Harbor (7décembre 1941), les Etats-Unis sont prêts à affronter l'épreuve.
Dès lors, Roosevelt devient le chef d'un immense et puissantpays qui jette dans la balance ses forces humaines et économiques, l'un des principaux dirigeants d'une vaste coalition, celle desnations unies, qui se donne pour but d'abattre l'ennemi et de reconstruire le monde sur la base de nouveaux rapportsinternationaux.
Il croit à la nécessaire coopération entre les grandes puissances, pourvu qu'elles reconnaissent quelques principesfondamentaux.
Il estime que, avec la Grande-Bretagne et peut-être la Chine, Américains et Soviétiques assureront la paix surterre, que le rôle des Etats-Unis, c'est de sauvegarder la justice et la liberté.
Il ne doute pas un seul instant que, par son charme,par son goût des compromis et des contacts personnels, il parviendra à convaincre les esprits les plus endurcis, y compris Stalinequ'il rencontre une première fois à Téhéran (1943), une seconde fois à Yalta (février 1945).
L'attitude de de Gaulle, qu'il necomprend pas, le déçoit profondément.
Bref, celui que ses compatriotes appelaient familièrement " docteur New Deal " estmaintenant " docteur Gagne-la-Guerre ".
Lorsqu'il meurt, épuisé, trois semaines avant l'armistice de Reims, quelques mois avantque les Japonais ne déposent les armes, Franklin Roosevelt laisse aux Américains un double héritage : le pays est devenu le pluspuissant du monde, le véritable vainqueur du conflit mondial; une mission lui incombe désormais, à laquelle il ne saurait échapper,celle d'assurer la défense de la démocratie dans un monde où s'annonce déjà la guerre froide.
ANDRE KASPI 1985
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