République démocratique allemande [RDA]
Publié le 05/04/2013
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1 | PRÉSENTATION |
République démocratique allemande [RDA], (Deutsche Demokratische Republik, DDR), nom officiel de l'Allemagne de l'Est, créée le 7 octobre 1949 (avec pour capitale Berlin-Est), après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Elle a cessé d'exister après sa réunification avec la République fédérale d'Allemagne (RFA) — Allemagne de l'Ouest —, le 3 octobre 1990, pour former l'actuelle Allemagne. À l'époque de la réunification, la République démocratique allemande comptait environ 16 millions d'habitants, pour une superficie de 108 178 km2.
2 | L'APRÈS-GUERRE |
2.1 | La zone d'occupation soviétique |
Le territoire de l'Allemagne de l'Est est occupé dès la fin de la Seconde Guerre mondiale par les Soviétiques. Ils entreprennent alors de procéder à des démontages et des transferts d'usines au titre des réparations. De 1945 à juin 1948, ils démontent ainsi 1 372 usines, réduisant le potentiel industriel de leur zone de près de la moitié.
Surtout, les Soviétiques imposent les bases d'un État socialiste. Ils nationalisent les banques et une partie importante de l'industrie. Dans ce domaine, la part du secteur privé tombe à moins de 40 p. 100 en trois ans. Une réforme agraire est également entreprise, qui prive de leurs terres et sans indemnités tous les propriétaires de surfaces supérieures à 100 hectares. Ces terres, qui représentent au total près de 2 millions d'hectares, sont peu après redistribuées à plus de 500 000 paysans.
Dans le même temps, les Soviétiques favorisent le renforcement du poids et du rôle du Parti communiste allemand (Kommunistische Partei Deutschlands, KPD). Les sociaux-démocrates du Parti social-démocrate (Sozialdemokratische Partei Deutschlands, SPD) fusionnent ainsi avec les communistes, dans la zone d'occupation soviétique, en avril 1946. Ils fondent le Parti socialiste unifié (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands, SED), présidé conjointement par le communiste Wilhelm Pieck et le socialiste Otto Grotewohl tandis que le communiste Walter Ulbricht en devient le secrétaire général, demeurant à ce poste jusqu'à sa retraite en 1971. Le SED devient la première force politique d'Allemagne de l'Est, remportant 47,5 p. 100 des voix, lors des élections municipales et régionales de septembre 1946, le dernier scrutin à peu près libre.
2.2 | Vers la division de l'Allemagne |
Les divergences croissantes entre les vainqueurs de l'Allemagne nazie deviennent, en 1946-1947, toujours plus importantes. Américains, Anglais et Français fusionnent leurs zones d'occupation et tentent d'organiser le redressement économique de l'Allemagne de l'Ouest pour éviter toute propagation du communisme en Europe. Dès lors le sort de l'Allemagne devient l'un des grands enjeux de la guerre froide. En réponse à la réforme monétaire de l'Allemagne de l'Ouest conduite le 18 juin 1948 par les Alliés et qui donne naissance à un nouveau mark, les Soviétiques entreprennent également une réforme monétaire dans leur zone d'occupation, puis décident d'instaurer un blocus total de Berlin du 24 juin 1948 au 12 mai 1949.
Dès lors, la voie vers l'instauration de deux États allemands est ouverte.
Dans la partie orientale, le rôle prépondérant du SED, soutenu par les Soviétiques (lesquels, dès 1948, confient de plus en plus de responsabilités administratives, politiques et économiques aux membres du SED), aboutit le 30 mai 1949 à la proclamation, à l'issue d'un « congrès du Peuple « organisé par le SED, d'une Constitution établissant une république de nature identique aux démocraties populaires de l'Europe de l'Est. Il est précisé que « l'Allemagne est une République démocratique indivisible «. Les six Länder existant sont maintenus mais n'ont aucun pouvoir, à la différence de l'Allemagne de l'Ouest. Ils seront même remplacés en 1952 par des districts. Sur le plan des institutions, le gouvernement est responsable devant la Chambre du peuple (Volkskammer) mais de fait la réalité du pouvoir appartient au SED. Dès lors, un régime de parti unique s'installe, prenant le contrôle de l'opinion par une police politique, la Stasi, et opprimant la population.
Se donnant pour mission « d'établir et d'entretenir des relations normales et de parvenir à la coopération des deux États allemands sur la base de l'égalité «, la RDA souhaite « le rapprochement progressif des deux États allemands jusqu'à leur union sur la base de la démocratie et du socialisme «.
3 | LES ANNÉES ULBRICHT |
À la création officielle de la RDA, le 7 octobre 1949, Wilhelm Pieck devient président de la République, Otto Grotewohl Premier ministre et Walter Ulbricht, Premier ministre adjoint.
3.1 | Une situation économique difficile |
Sur le plan intérieur, le gouvernement doit faire face à une situation économique très inquiétante, aggravée par le versement de réparations de guerre exigées par l'URSS jusqu'en 1953. Avec la perte des industries silésiennes, appartenant désormais à la Pologne, et le transfert d'usines vers l'Union soviétique, l'Allemagne de l'Est ne possède plus alors qu'un quart de ses ressources et de son potentiel industriel d'avant-guerre. Ulbricht impose une discipline de fer. L'État, afin notamment de satisfaire les exigences soviétiques, a bientôt la mainmise sur l'ensemble des industries lourdes, mais ces dernières apparaissent bien moins modernes que celles de l'Ouest. La politique économique très centralisée entraîne également des erreurs dans la planification, qui se révèlent très préjudiciable au redressement de l'économie est-allemande. À partir de 1952, l'État entame la collectivisation des campagnes. Huit ans plus tard, tous les paysans travaillent dans les fermes collectives, ou LPG, mais les rendements demeurent faibles, inférieurs selon les régions de 20 à 40 p. 100 à ceux de l'Ouest.
3.2 | La tutelle de Moscou |
De fait, dans les premières années d'existence de la RDA, le nouvel État apparaît entièrement soumis, tant sur le plan de l'organisation économique que politique, aux directives de Moscou. Ainsi en 1953, lorsque l'augmentation des quotas de production de 10 p. 100 (pour satisfaire les demandes soviétiques) et la pénurie de vivres, qui sont à l'origine d'un exode massif des paysans vers la RFA, entraînent des révoltes ouvrières dans plusieurs grandes villes d'Allemagne de l'Est (Berlin, Magdebourg, Leipzig), le gouvernement demande aux troupes soviétiques d'intervenir et de réprimer sévèrement ces mouvements.
L'importance de ces révoltes contraint cependant les Soviétiques et les dirigeants est-allemands à céder du lest. Ces derniers, reconnaissant que « l'avant-garde de la classe ouvrière — le Parti — s'était détachée des masses «, annulent l'augmentation des quotas. Dans le même temps, l'URSS se décide à donner, du moins en apparence, une plus grande indépendance à son allié. Moscou donne ainsi en mars 1954 à la RDA sa pleine souveraineté, y compris en ce qui concerne les relations avec la RFA. En septembre 1955, l'URSS et la RDA signent un traité réglant les relations entre les deux pays sur la base de la « pleine égalité, du respect mutuel de la souveraineté et de la non-intervention dans les affaires intérieures «. Enfin en 1956, craignant que la RDA ne suive l'exemple de la Hongrie ou de la Pologne, l'URSS accepte de réduire de 50 p. 100 les frais de stationnement des troupes soviétiques en RDA.
Cependant, le flot d'émigration vers l'ouest qui se poursuit, touchant principalement les jeunes, les techniciens et les cadres, appauvrit fortement l'économie est-allemande. Ce sont près de 3 millions d'Allemands de l'Est qui, de 1949 à 1961, passent à l'Ouest. Le gouvernement met alors en place une ligne bien gardée le long de la frontière ouest-allemande. Finalement, sous l'injonction de l'URSS, il ordonne, en 1961, la construction du mur de Berlin, un mur en ciment fortifié séparant Berlin-Est de Berlin-Ouest, surnommé en Occident, le « mur de la honte «.
3.3 | Une difficile reconnaissance diplomatique |
Le traité de 1955 entre l'URSS et la RDA vise également à donner l'impression aux Occidentaux que la RDA, loin d'être la simple zone d'occupation soviétique, est désormais un État à part entière. En effet, non reconnue par les pays occidentaux, mise en quarantaine par la RFA, qui refuse de la considérer comme un État souverain, la RDA peine à obtenir une large reconnaissance internationale. Ce sera l'un des objectifs prioritaires de la politique étrangère de la RDA, ainsi que le développement de son influence dans le tiers-monde et le renforcement de sa position au sein du bloc communiste. Aussi les dirigeants de la RDA développent des relations économiques et politiques avec les démocraties populaires de l'Est. En 1950 la RDA signe un traité avec la Pologne pour ratifier la frontière Oder-Neisse et rejoint les autres pays communistes dans le Conseil d'assistance économique mutuelle (CAEM). En mai 1955, l'Allemagne de l'Est devient membre fondateur du pacte de Varsovie, réponse soviétique à l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN). Dès 1956, la RDA se voit autorisée à se doter d'une armée nationale populaire (NVA), qui compte six divisions, formées à l'origine de volontaires issues des jeunesses communistes. Dès 1962, le service militaire devient obligatoire. Un accord de commerce est signé avec l'URSS en 1965, en contrepartie d'un soutien politique, ce qui oblige Ulbricht à envoyer des troupes pour aider les Soviétiques à écraser la révolte de 1968 en Tchécoslovaquie.
Durant cette période, les relations avec l'autre Allemagne demeurent très tendues. A l'ancrage communiste de la RDA, répond en effet l'ancrage libéral et occidental de la RFA. Leurs rapports évoluent en fonction des périodes de tensions ou de détente entre les deux blocs. La notion de coexistence pacifique mise en avant par Khrouchtchev à partir de 1956 favorise un certain dégel. La RDA propose ainsi à la RFA, en juillet 1957, la formation d'une Confédération regroupant les deux États allemands, sur la base d'une égalité de droit, chacun conservant sa souveraineté intérieure. Mais la RFA refuse cette solution, et ce d'autant plus que le but poursuivi par la RDA, avec le soutien de Moscou, est avant tout d'obtenir la reconnaissance par l'Occident de l'Allemagne de l'Est.
4 | L'ESSOR ÉCONOMIQUE ET LE GOUVERNEMENT SOCIALISTE |
L'arrêt de l'exode à l'ouest, obtenu par la frontière infranchissable du mur de Berlin, est le point de départ, en 1963, de nouvelle méthodes de planification, caractérisées par une décentralisation partielle. L'essor économique est-allemand est dès lors très rapide : à la fin des années 1960, la production industrielle se situe au 5e rang européen et au 9e rang mondial. Pourtant, la priorité donnée à l'industrialisation aux dépens des biens de consommation, en raison de la division du travail entre chaque membre du CAEM (la RDA devant exporter des produits finis vers l'URSS et les pays du bloc socialiste : machines, produits chimiques, textiles, meubles…), condamne la population de la RDA à un très faible niveau de vie.
Sur le plan politique, la RDA reste à l'écart des mouvements de contestation qui touchent, à la même époque, les autres démocraties populaires (Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie). Ses dirigeants s'opposent à toute libéralisation du régime. En 1971, Ulbricht est remplacé à la tête de la RDA, par Erich Honecker, considéré comme plus souple par les Soviétiques qui veulent relancer les relations du bloc socialiste avec la RFA. Dès l'année suivante, le 21 décembre 1972, les deux Allemagnes signent un « traité fondamental « qui établit des relations entre les deux États, sur un pied d'égalité, la RFA reconnaissant de facto (et non pas de jure) la RDA. Dans le même temps, le chancelier de la RFA, Willy Brandt, et le Premier ministre est-allemand, Willi Stoph, se mettent d'accord pour assouplir le contrôle des allées et venues entre Berlin-Est et Berlin-Ouest. De nouveaux accords de commerce, d'assistance et de libre-circulation sont signés par les deux pays en 1984. Près de 20 commissions intergouvernementales sont créées pour traiter de nombreux problèmes entre les deux pays, tels que la question de l'environnement, les relations économiques ou les échanges culturels. Trois ans plus tard, Honecker est le premier président est-allemand à se rendre officiellement en RFA, tandis que Bonn multiplie l'octroi de crédits en faveur de la RDA, en échange d'une augmentation du nombre d'autorisations de départ pour les nombreux candidats est-allemands décidés à quitter la RDA.
Outre ses relations avec l'Allemagne de l'Ouest, la RDA développe aussi ses échanges avec les pays du tiers-monde, apportant son aide tant politique, économique que militaire à certains pays d'Afrique, comme l'Angola, le Mozambique, l'Éthiopie et la Libye. En revanche, ses relations avec les pays occidentaux demeurent très faibles et placés uniquement sur le terrain économique, où la RDA voit croître sa dette extérieure.
5 | LA RÉUNIFICATION |
L'accroissement des échanges avec la RFA favorise une certaine ouverture du pays sur l'extérieur dans les années 1980, tandis que la dégradation de l'économie est-allemande, en raison de l'augmentation des demandes soviétiques, entraîne un mécontentement grandissant. Enfin, à partir de 1981, la résurgence des tensions entre l'URSS et les États-Unis, qui marque le début de la seconde guerre froide, place les deux Allemagnes, au centre des enjeux et favorise, de part et d'autre, l'essor du mouvement pacifiste. Alors que ceux de l'Ouest s'opposent à l'installation des fusées Pershing sur leur territoire, les pacifistes de l'Allemagne de l'Est, qui s'organisent autour de l'Église protestante, dont l'influence est demeurée forte en RDA, étendent leur revendication aux questions d'environnement et plus encore des droits de l'homme. Malgré l'évolution de la politique soviétique avec l'arrivée de Mikhaïl Gorbatchev au pouvoir en 1985 et les débuts de la glasnost, les dirigeants est-allemands s'opposent à toute réforme et répriment brutalement les manifestations pacifistes.
Cependant, les bouleversements politiques ébranlant la Hongrie en 1989 provoquent une recrudescence de l'émigration. 100 000 Allemands de l'Est réussissent à passer à l'Ouest (où ils obtiennent l'asile politique) par les frontières tchèque puis hongroise. Cette situation relance, à l'intérieur de la RDA, le mouvement des opposants qui se structure en créant en septembre, le Nouveau Forum (Neues Forum), le premier parti d'opposition au SED et au régime. Dès le mois suivant, le malaise social, parti de Leipzig avec les « manifestations du lundi « (chaque lundi des dizaines de milliers de manifestants viennent prier et scander des slogans hostiles au gouvernement), s'étend à la plupart des grandes villes, dont Berlin, et aboutit le 18 octobre à la suspension de toutes ses fonctions d'Erich Honecker et à son remplacement par Egon Krenz. Puis les événements se précipitent : le 7 novembre, l'ensemble du gouvernement démissionne sous la pression de la rue ; le 9, le mur de Berlin est détruit, la libre circulation entre les deux Allemagnes autorisée, des élections libres annoncées pour l'année suivante, tandis que des révélations sur la corruption des hauts dirigeants sous l'ère Honecker bouleversent le SED et poussent Egon Krenz à la démission.
Les premières élections libres de mars 1990 remportées par les chrétiens-démocrates (CDU) de Lothar de Maizière, aboutissent à la constitution d'une Chambre de 400 députés, corps de transition qui travaille à mettre en place les dispositions constitutionnelles menant à la réunification des deux Allemagnes. L'union monétaire est proclamée le 1er juillet 1990 et la réunification politique prononcée le 3 octobre 1990. La coalition des chrétiens-démocrates et des libéraux, présidée par le chancelier ouest-allemand Helmut Kohl, obtient la majorité aux élections de décembre 1990 et Kohl devient chancelier de la nouvelle Allemagne unifiée. Berlin est proclamée capitale le 20 juin 1991.
Sur le plan de la politique étrangère, la réunification se matérialise le 12 septembre 1990, lorsque les puissances victorieuses de la Seconde Guerre mondiale reconnaissent l'entière souveraineté de la nouvelle Allemagne et planifient l'évacuation des troupes d'occupation alliées (qui devait se poursuivre jusqu'en 1994).
Cependant, sur le plan intérieur, la réunification s'avère très difficile. Tandis que l'économie prospère dans l'ancienne Allemagne de l'Ouest, il est vite décidé d'investir et de mettre en place des programmes sociaux dans l'ex-RDA ; pour cela, le gouvernement augmente les impôts, ce qui provoque un fort mécontentement chez les habitants de l'Ouest, n'appréciant pas de devoir aider les Allemands de l'Est. De même, les habitants de l'ex-RDA, appelés les Ossis, peu préparés à cette situation économique, marquée par les fermetures d'usines et le chômage, ont des difficultés à s'adapter. Les premières années après la réunification voient ainsi se développer, chez une partie de la population est-allemande, un sentiment de nostalgie par rapport à l'ancienne RDA, baptisée « Ostalgie «, ce dont profitent les ex-communistes qui ont conservé une certaine implantation dans les Länder de l'Est, ainsi que l'extrême droite, qui se développe sur fond de xénophobie.
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