Référendum et démocratie
Publié le 22/03/2014
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Référendum et démocratie
INTRODUCTION
Il y a démocratie lorsqu’il y a un Etat de droit avec des règles de droit formées pour limiter et encadrer le pouvoir. Il faut également une garantie des droits inscrite dans un bloc constitutionnel. Le référendum est une procédure électorale qui consiste à soumettre directement à l’approbation de tous les électeurs une mesure ou un projet de loi. La Constitution de 1793 a non seulement été adoptée par le peuple lui-même, mais prévoyait également la possibilité pour le peuple de s’opposer aux lois proposées par le corps législatif grâce au véto législatif. Alors un référendum était organisé. Le choix du référendum par les conventionnels s’établit sur la construction de la Constitution autour de la notion e souveraineté populaire et non nationale. Ce choix débouche inévitablement sur une démocratie peut-être pas directe mais au moins semi-directe car c’est le peuple qui est titulaire de la souveraineté. L’apparition du référendum dans les institutions apparaît alors comme un instrument de la démocratie semi-directe. En France, et malgré les tentatives de la période révolutionnaire, il faut attendre la Vème République et la volonté de contrôle du parlementarisme pour que le référendum soit consacré, non seulement pour trancher les questions où la souveraineté (le contrat social) est en jeu, mais aussi pour prendre les grandes décisions de la nation. Neuf référendums ont été organisés sous la Ve République depuis l’adoption de la Constitution de 1958, tous sur décision du chef de l’État et, pour la plupart, selon la procédure prévue à l’article 11 de la constitution. Seul le référendum de vote permettant de consulter directement les électeurs sur une question ou un texte, qui ne sera adopté qu’en cas de réponse positive du 24 septembre 2000 sur le quinquennat a été organisé en application de l’article 89 du texte constitutionnel. Le référendum apparaît comme naturellement démocratique étant caractérisé par une consultation grandeur nature, l’existence d’un code établi, un objet réel et non personnel et la participation du citoyen. Mais l’on peut se demander si le référendum est réellement démocratique ? « Référendum et démocratie : il s’agit ici de mettre en évidence le lien entre les deux notions et de comprendre en quoi elles se complètent. Après avoir présenté l’opposition entre démocratie directe et représentative, sujet déjà très polémique, nous montrerons les avantages du référendum pour les régimes modernes. Puis, nous verrons que le référendum engendre un nombre conséquent de difficultés pour la démocratie.
I - LE REFERENDUM COMME TECHNIQUE DEMOCRATIQUE
A travers l’histoire et les régimes politiques internationaux, les instruments de la démocratie sont nombreux tels que l’initiative populaire, la pétition, le référendum, le plébiscite ou les assemblées… La possibilité de recourir au référendum constitue une innovation absolue dans l’histoire constitutionnelle du XXe siècle en France. Elle donne en effet au chef de l’Etat, la possibilité de consulter le peuple afin de voter des lois.
A - Consécration de la légitimité du référendum par la Ve République
Le référendum, institué par la Constitution de 1958, permet à la souveraineté du peuple de s'exprimer directement. Le problème de La légitimité du référendum se confronte à deux problèmes : la souveraineté et la démocratie représentative.
1 - Démocratie représentative et démocratie directe
- La démocratie représentative est considérée comme une souveraineté nationale où les gouvernants appliquent le pouvoir en fonction de la Nation s’exprimant par un territoire, une population ou une revendication déterminée.
- Débat sur la souveraineté permettant le référendum : opposition entre la souveraineté nationale appartenant aux représentants de la nation autres que le peuple et la souveraineté populaire autorisant elle le recours à la démocratie semi-directe. Il a été en partie tranché par l'article 3 de la constitution.
- Le référendum est-il compatible avec un régime représentatif ? Le régime représentatif délègue la souveraineté à des représentants, sans que cela ne devienne une abdication, puisque la désignation est remise en cause périodiquement. Le référendum est donc un mode concurrent d'exercice de la souveraineté.
- Le référendum constitue ainsi un moyen de régénérer le régime parlementaire par la démocratie semi-directe. C'est dans cette voie que s'est engagée la Vème République, avec l'article 3.
2 - Le référendum et la Constitution de 1958
- Le référendum apparaît comme légitime dans les domaines les plus directement liés à la souveraineté tels que l'adoption d'une constitution ou le principe de l'autodétermination.
- Il est réhabilité par la Constitution de 1958 : un passage obligé de toute cession ou annexion de territoire (art 53) et une voie importante de révision de la constitution (art 89).
- Le recours au référendum est légitimité pour certaines grandes questions nationales par la Constitution du 4 octobre 1958 : l'article 11 ouvre le champ du référendum aux projets de lois susceptibles de concerner des problèmes politiques ou institutionnels sensibles.
- La Ve République a fait du référendum un moyen de rapprocher la décision du détenteur de la souveraineté en dernier ressort ; c’est-à-dire du peuple.
Aujourd’hui, le référendum fait toujours débat d’un point de vue aussi bien d’utilité que légitimement. Il a été conçu comme un tempérament au régime représentatif permettant ainsi la mise en place d’une démocratie semi-directe. Il apparaît dorénavant souvent comme un instrument de la présidence .
B - Le référendum, une modération du régime représentatif pour plus de démocratie
Le référendum a été perçu comme une restauration des plébiscites napoléoniens par certains et par d’autres comme un moyen de donner la parole au peuple. Le référendum comme technique apparemment démocratique tend vers la démocratie semi-directe.
1 - Le choix du référendum comme marque d’une volonté de démocratisation du régime
- Le référendum est un palliatif à certaines limites de la démocratie représentative
- Le référendum est un vote direct par lequel les citoyens se prononcent sur une proposition de loi, référendum dit législatif, ou de constitution, référendum dit constituant, et apparu en France avec la République : c’est un appel au peuple.
- Le référendum est un moyen des gouvernants de faire participer plus activement le peuple à la démocratie en lui donnant les moyens de s’immiscer dans la vie politique de façon directe
- L’usage du référendum est conforté par une évolution juridictionnelle et institutionnelle
- La légitimé du référendum en tant qu'acte politique majeur et le poids de celui-ci sont confortés par :
. L'arrêt du Conseil d'Etat du 13 décembre 1960, considérant la décision de recourir au référendum comme un acte de gouvernement,
. Le refus du Conseil d’Etat de contrôler la publication au JO de la loi référendaire de crainte de porter une appréciation sur elle (CE, 27 octobre 1961, Regroupement national), tout comme le Conseil Constitutionnel (jurisprudence du 6 novembre 1962 confirmée par la décision du 23 septembre 1992).
- Le refus de contrôle de la part des juridictions confirme et renforce le rôle du référendum.
- Une extension du champ du référendum :
. Loi constitutionnelle du 4 août 1995 : élargissement du champ de l'article 11
. Loi ATR du 6 février 1992 : possibilité de référendums locaux (municipaux)
2 - Le référendum : une arme absolue en politique à ne pas placer dans n’importe quelles mains
- Le référendum peut devenir anti-démocratique et ainsi contre le progrès démocratique.
- Le référendum doit être utilisé avec une grande prudence si l’on veut qu’il soit un instrument de progrès démocratique.
- Le référendum peut être une pratique très dangereuse. À cause de l’ampleur de l’action des gouvernants.
- Malgré la confortation institutionnelle et juridictionnelle du référendum comme élément de démocratisation du régime parlementaire, il reste une pratique encadrée et finalement assez limitée.
Le référendum est avant tout un réel progrès démocratique. Mais certains voient, malgré son importance, dans le référendum un moyen détourné pour le gouvernement de contrôler le peuple en se cachant derrière un prétexte démocratique.
II - LE REFERENDUM, UNE PRATIQUE DISCUTABLE ET DANGEREUSE
Le référendum est aussi perçue comme une pratique effective illusoire avec ses limites et ses risque de déviance vers le plébiscite. Il a longtemps été considéré avec méfiance pour deux raisons : un risque plébiscitaire inhérent et sa légitimité dans les régimes représentatifs
A - Un référendum encadré
Le référendum est cependant encadré et sa pratique limitée.
1 - Une initiative restreinte
- La responsabilité du référendum appartient au président mais il décide en dernier ressort, après l'initiative du gouvernement ou du parlement, sur proposition conjointe des deux assemblées. Aussi la technique du référendum est bloquée lors d’une période de cohabitation si le président ne parvient pas à s'entendre avec la majorité parlementaire qui lui est opposée. Le président décide mais ne prend pas l'initiative.
- En réalité, le référendum a été victime de la logique majoritaire qui s’est mise en place avec la transformation du système de partis. Dans ce cadre le référendum peut au mieux servir à faire approuver des grands choix qui transcendent les clivages partisans comme les questions européennes, mais en prenant le risque d’un échec (51% pour Maastricht en 1992) ou celui de la démotivation (63% d’abstention lors du référendum sur la Nouvelle-Calédonie).
- L'initiative du référendum est encadrée par certaines conditions :
. Un référendum ne peut être proposé que pendant une session,
. Une proposition de référendum de la part du gouvernement doit faire l'objet d'une déclaration du gouvernement et d'un débat devant les assemblées depuis la réforme de 1995,
. Le référendum ne peut être organisé en cas de vacance ou d'empêchement du président, en vertu de l'article 7 de la Constitution.
- Le référendum suscite également une crainte d’excès de populisme.
2 - Un domaine limité
- En 1958, Michel Debré souhaitait que tout projet rejeté par le parlement pourrait être soumis au peuple. Mais face à l'opposition, l’objet du référendum a été limité à " l'organisation des pouvoirs publics " et à la ratification d'un traité ayant des incidences sur le fonctionnement des institutions.
- La champ du référendum a néanmoins été étendu lors de la révision du 4 août 1995 aux réformes relatives à la politique économique et sociale de la nation et aux services publics y concourant.
- Les domaines exclus du champ du référendum sont donc la politique étrangère, le droit pénal et civil malgré ce que souhaitait François Mitterrand lors du projet de réforme de 1984 et de 1993, projets prévoyant d'inclure les garanties fondamentales des libertés publiques.
Les causes d'une utilisation modérée du référendum sont plus à rechercher du côté de la pratique que du côté d'éventuels obstacles juridiques.
B - Le référendum : instrument dangereux pour le régime démocratique
La pratique du référendum demeure néanmoins limitée dans sa pratique d’une part par l’ombre du plébiscite et d’autre part par les réticences de la classe politique.
1 - Réticences de la classe politique
- La proposition de référendum est aussi limitée dans le temps puisqu’elle ne peut être faite que pendant les sessions parlementaires. Cette limitation n’est pas très sévère, c’est plutôt la possibilité pour le Parlement d’agir qui constitue une limite.
- L’intervention du peuple dans le champ législatif est bien limitée par l’action des différents pouvoirs constitués : l’élite politique redoute le référendum, instrument imprévisible qui transfère le pouvoir de décision des partis vers le peuple, dépersonnalise les débats et laisse s’exprimer les clivages de l’opinion.
- Le référendum est malaimé des pouvoirs politiques car il est révélateur de leur incapacité à trancher ou à gérer de manière unilatérale un conflit ou crise grave :
. Un moyen de régler une crise politique grave : Algérie, lancement de l'idée en 1968 et en 1984,
. Utile en cas de conflit entre les pouvoirs comme en 1962 ou 1969.
2 - Risque de déviance vers le plébiscite
- « Le plébiscite, c’est un référendum d’initiative non populaire détourné de son but, organisé par un homme pour conserver ou amplifier le pouvoir qu’il détient. « affirme Jacques Cadart montrant ainsi la controverse sur le caractère réellement démocratique du référendum et le risque d’aller vers une dérive plébiscitaire.
- Le référendum présenterait un certain intérêt dans le cadre d’une logique de rassemblement (le Président de la République pourrait être alors amené progressivement à s’appuyer sur des forces diverses qu’il réunirait derrière lui par le biais du référendum) mais alors, poindrait le danger soit d’un principat plébiscitaire, comme ce fut le cas avec le général de GAULLE, soit d’un populisme racoleur.
- La voie est étroite et on est au cœur de l’ambivalence de l’institution référendaire : faute d’être pleinement un instrument de démocratie semi-directe, le référendum dérive en plébiscite et c’est pour cela qu’il cesse d’être ce tempérament au caractère représentatif du régime.
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