Querelle des rites
Publié le 09/02/2013
Extrait du document
1 | PRÉSENTATION |
Querelle des rites, controverse portant sur la tolérance par les jésuites (au sein de la communauté chinoise catholique) des rites ancestraux et confucéens n’ayant pas un caractère idolâtrique.
2 | LES PRÉMICES DE LA QUERELLE |
La Querelle des rites chinois débute au lendemain de la mort (1610) du premier supérieur de la Mission de Chine, le père Matteo Ricci, alors même que les méthodes missionnaires et les principes d’évangélisation préconisés par Ricci (s’apparentant à ce que l’on nomme aujourd’hui « inculturation «, c’est-à-dire s’acclimatant au contexte culturel [missions], linguistique et social de la Chine et prenant en compte les rites canoniques des Chinois) sont de plus en plus fortement contestés. Cette contestation voit notamment le jour chez les dominicains, les franciscains, les augustins (jansénistes), les Missions étrangères de Paris et la Sacrée Congrégation pour la propagation de la foi (Sacra Congregatio De propaganda fide), congrégation de la curie romaine en charge des missions, fondée en 1599 par Clément VIII, puis réorganisée le 22 juin 1622 par Grégoire XV (constitution Incrustabili).
À dire vrai, les méthodes de Ricci font même l’objet de quelques contestations au cœur de la communauté jésuite sise au collège Madre de Deus de Macao, notamment de la part du successeur même de Ricci, le père Niccolò Longobardi (1565-1655), particulièrement dans son ouvrage Annotationes contra usum nominis Xam-ti. Cet ouvrage (un témoignage à charge qui s’avérera lourd dans la Querelle des rites) — dont le père jésuite Schall avait pourtant ordonné en son temps la destruction — circule sous le manteau dans la traduction en espagnol qu’en a effectuée le père dominicain Domingo Navarrete. Il sera tardivement et opportunément traduit par les Missions étrangères de Paris (1701), puis publié à Paris dans la foulée sous le titre Traité sur quelques points de la religion des Chinois.
3 | LES MANDEMENTS DE MGR MAIGROT ET DE MGR TOURNON |
Le 12 septembre 1645, le pape Innocent X adresse une mise en garde par décret aux jésuites de Chine. Celle-ci fait suite à une visite à Rome du père dominicain Juan Bautista de Moralez (1597-1664), venu plaider directement sa cause auprès du pape, en l’absence de réponse à un mémorandum portant sur les rites chinois qu’il avait adressé au visiteur de la mission jésuite en Chine. Le père jésuite Martino Martini (1614-1661) est à son tour dépêché à Rome par la communauté jésuite de Chine et obtient du pape Alexandre VII qu’il infirme la décision d’Innocent X (par un décret du 23 mars 1656). Suit un nouveau mémorandum (1661) de Moralez auprès de la Sacrée Congrégation, auquel fait suite un décret de Clément IX condamnant les pratiques des jésuites (20 novembre 1669).
Le 26 mars 1693, malgré les deux édits de tolérance en faveur du catholicisme — un appui pourtant déterminant pour l’implantation du christianisme en Chine — qui viennent d’être promulgués (1692) par l’empereur Kangxi, la tradition de Ricci est condamnée par un mandement de Mgr Charles Maigrot (1652-1730), missionnaire des Missions étrangères de Paris et vicaire apostolique du Fujian. La pratique des rites chinois est à nouveau condamnée par la Sorbonne en 1700 — en même temps qu’un ouvrage, tenu pour séditieux (les Nouveaux Mémoires) du père jésuite Louis Le Comte —, puis par un décret du Saint-Office du 20 novembre 1704. Clément XI nomme alors légat pontifical (legatus a latere) le Piémontais Mgr Carlo Tommaso Maillard de Tournon, patriarche d’Antioche, et le charge expressément d’informer les missions jésuites du contenu de ce décret. Le 31 décembre 1705, le prélat est reçu par l’empereur Kangxi, mais attend le 25 janvier 1707 pour notifier officiellement la décision du pape par un mandement écrit à Nanjing (Nankin). Tournon est aussitôt relégué (tout comme Mgr Maigrot) par l’empereur à Macao. Il est retenu prisonnier par les jésuites (forts d’un édit de l’empereur en date du 7 janvier 1708), dans une résidence sous la garde de militaires portugais. Le 8 juin 1710, il meurt à Macao dans des conditions non élucidées, peu après avoir reçu la barrette cardinalice des mains d’un des envoyés du pape, le père lazariste Teodorico Pedrini, qui venait d’arriver en Chine.
4 | LA PROHIBITION DÉFINITIVE DES RITES PAR BENOÎT XIV |
Une nouvelle sommation papale (bulle Ex illa die du 19 mars 1715) confirme le mandement de Mgr de Tournon. Un second légat pontifical, Mgr Giovanni Ambrogio Mezzabarba (mort en 1729), patriarche d’Alexandrie, est alors mandé en Chine et parvient à Macao le 26 septembre 1720. Reçu par l’empereur en décembre 1720, il concède huit « permissions « (ou allégements de la bulle), mais les remet en question juste avant son départ de Macao, le 9 décembre 1721.
Le 11 juillet 1742, la prohibition définitive des rites est prononcée par Benoît XIV (bulle Ex quo singulari providentia). Il est désormais interdit aux missionnaires de baptiser les Chinois qui n’ont pas renoncé au culte de leurs ancêtres et il leur est parallèlement demandé un serment de soumission. Entre-temps, l’empereur Yongzheng a proscrit le christianisme dans la totalité de l’Empire et relégué à Canton tous les missionnaires de Chine (hors ceux de Pékin) par un édit du 11 janvier 1724. L’empereur Qianlong a, quant à lui, interdit aux Chinois, aux Mandchous ou aux Mongols enrôlés dans les troupes mandchoues (les « Bannière «), par un édit ratifié le 24 avril 1736, de se convertir au christianisme et même de pratiquer la religion chrétienne, interdiction qui s’applique pareillement à l’ensemble du peuple chinois.
Il faut attendre le 8 décembre 1939 pour que la Sacrée Congrégation (sous Pie XII) autorise à nouveau les chrétiens de Chine à pratiquer les rites ancestraux (Instructio circa quasdam Cæremonias et iuramentum super ritibus sinensibus, « Instruction sur les cérémonies et rites chinois «).
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