Pourquoi étudier les oeuvres ?

Pourquoi étudier les oeuvres, les analyser, les dépiauter par¬fois pour en tirer la quintessence ? Un poème ne se suffit-il pas à lui-même ? Ne faut-il pas se contenter de l'effet pro¬duit sur nous par une pièce de théâtre ? De se laisser empor¬ter par un roman ? A quoi correspond cette manie d'ouvrir les plus belles poupées pour voir ce qu'elles ont dans le ventre ?

Faisons sa part au côté contagieux de l'enthousiasme. Un esprit généreux souhaite faire partager ses découvertes. On ne dira jamais assez de bien de la critique d'admiration. Malraux refusait d'en pratiquer une autre. Mais il existe aussi des commentateurs portés au dénigrement toujours soucieux de nous démontrer que nous avons tort d'aimer telle ou telle oeuvre.

Notre enseignement privilégie sans doute l'analyse au détri¬ment de la création. Pourtant la critique peut devenir un outil d'apprentissage. Les grands peintres ont tous com-mencé par analyser et copier longuement leurs prédéces-seurs. Etudier de près un texte littéraire permet de voir à l'oeuvre les multiples procédés susceptibles d'être aménagés ou réinvestis dans une autre perspective. Cela peut aussi conduire à comprendre ce qu'il faut éviter.

L'examen de ce domaine nous conduit à revenir sur la notion d'oeuvre ouverte. Une oeuvre riche n'a pas un seul sens. Une seule clef ne suffit pas à en rendre compte. Il faut, en particulier, se méfier de la critique trop étroitement bio¬graphique. Le bon critique entre dans l'oeuvre. Il nous aide à percevoir la richesse multiple et, quand il le fait bien, quand son sujet l'inspire, il lui arrive de devenir écrivain.

Évitons donc de considérer les critiques comme des indivi¬dus qui possèdent à fond le code de la route mais ne savent pas conduire. Ils sont des entremetteurs indispensables pour aider le lecteur à se frayer un chemin dans le monde proli¬férant de la création littéraire.