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Percevoir et concevoir

Publié le 30/03/2014

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a) Perception et science : La connaissance proprement dite est d'un tout autre ordre que la perception. Elle consiste dans la détermination des rapports constants et permanents des choses par la mesure des phénomènes. L'acte de mesurer est plus que l'acte de percevoir. Cette connaissance par la mesure nous conduit à une conception des rapports des choses qui n'a plus qu'un rapport lointain avec la perception [...]. C'est donc seulement dans la connaissance scientifique, expérimentale et rationnelle, que peut s'opérer cet accord des esprits, qui ne se réalise jamais même dans la perception la plus parfaite. La science n'a pas pour objet de faire concevoir une manière de percevoir idéale, mais un ordre permanent des phénomènes, par lequel s'expliquent la diversité et la mobilité indéfinie de nos perceptions. Si la connaissance vraie consiste à construire la chose telle qu'elle doit s'imposer à tout esprit, il ne peut y avoir de vérité de la connaissance sensible. La représentation, en effet, consiste toujours à déterminer la nature de la chose, non pas telle qu'elle doit être pensée par tout. esprit, mais telle qu'elle doit être représentée à notre esprit, et sentie par nous. Percevoir un objet selon sa vérité implique une contradiction.

J. Lagneau, Célèbres Leçons, Cours sur la perception, Perception et science, PUF, 1964.

b) Jugement de perception et jugement d'expérience (ici, expérience renvoie à expérience scientifique) : Il nous faudra donc analyser l'expérien¬ce en général pour voir ce que contient ce produit des sens et de l'entendement et comment le jugement d'expérience est lui-même possible. Il y a à la base l'in¬tuition dont j'ai conscience, c'est-à-dire une perception (perceptio) qui n'appar¬tient qu'aux sens. Mais en second lieu, il faut ajouter aussi le jugement (qui ne revient qu'à l'entendement). Or ce jugement peut être de deux sortes : d'abord je peux me borner à comparer les perceptions et à les unir dans une conscience de mon état, ou bien je les unis, c'est le second cas, dans une conscience en général. Le premier de ces jugements n'est qu'un jugement de perception et n'a dans cette mesure qu'une validité subjective, étant une simple liaison des per-ceptions dans mon état d'esprit, sans rapport à l'objet. Il ne suffit donc pas, pour l'expérience, comme on se l'imagine communément, de comparer des percep¬tions et de les lier en une conscience au moyen du jugement ; de là ne résulte ni cette universelle validité, ni cette nécessité du jugement qui, seules, peuvent le rendre objectivement valable et en faire une expérience.

E. Kant, Prolégomènes à toute métaphysique future qui pourra se présenter comme science, § 20, Vrin, 1974.

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