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Panamá, affaire de

Publié le 11/02/2013

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1   PRÉSENTATION

Panamá, affaire de, scandale politico-financier de la IIIe République qui a éclaté en septembre 1892.

2   DES POTS DE VIN POUR UN CANAL

En mai 1879, Ferdinand de Lesseps, concepteur du canal de Suez, obtient la direction du percement de l'isthme de Panamá. Or, très vite, les travaux prennent du retard et les difficultés inhérentes au milieu dépassent de beaucoup les prévisions de Lesseps. Refusant de se rendre à cette évidence, ce dernier fait appel aux capitaux des petits épargnants (le fameux « bas de laine «), par l'intermédiaire d'hommes d'affaires, tels le baron de Reinach (beau-père du « gambettiste « Joseph Reinach) et Cornelius Herz. Ces derniers orchestrent la promotion de l'investissement en subventionnant largement la presse. C’est ainsi que Georges Clemenceau fonde son journal, la Justice, et que la plupart des grands quotidiens — dont le Temps, le Petit Journal et le Figaro — vantent les mérites des obligations remboursables de la Compagnie universelle du Canal interocéanique. Au total, quelque douze millions de francs sont distribués aux journaux.

Pour augmenter les afflux de capitaux, Lesseps sollicite ensuite le Parlement. Par deux fois, celui-ci refuse de voter les subventions, consécutivement au rapport d'ingénieurs envoyés sur place en mission. Le baron de Reinach lance alors un système de corruption systématique des parlementaires pour obtenir le déblocage de fonds publics. Le ministre des Travaux publics, Baïhaut, reçoit une promesse d'un million de francs. D'autres députés, sénateurs et ministres sont également impliqués, même si la plupart d’entre eux refusent l'offre. Mais l’orchestration d’une campagne de presse accusant le gouvernement et le Parlement de refuser aux petits épargnants un investissement « juteux « et la pression consécutive de l'opinion publique contraignent les parlementaires à voter la loi attendue par de Lesseps. En mai 1888, les fonds sont débloqués sous forme d'un emprunt.

Cependant, dès janvier 1889, la faillite de l'entreprise est décrétée, ruinant les espoirs de 85 000 souscripteurs. Quoique les plaintes affluent, deux ans sont nécessaires à l’ouverture d’une instruction contre de Lesseps, sur l’accusation d’abus de confiance. Le scandale de Panamá éclabousse bientôt toute la classe politique.

3   LA RÉVÉLATION DE L’AFFAIRE ET SES CONSÉQUENCES

Loin de tomber dans l’oubli, l’affaire est ressortie en septembre 1892 par Édouard Drumont qui, dans le but de lancer une campagne antisémite et antiparlementaire, révèle le scandale et en démonte le mécanisme dans la Libre Parole (organe de la Ligue antisémitique). Ses révélations font grand bruit. Le baron de Reinach est retrouvé mort. Cornelius Herz s'enfuit en Angleterre et publie une liste de cent quarante députés « chéquards «.

Les anciens boulangistes et la droite nationaliste se lancent alors dans une campagne polémique extrêmement virulente. Au lendemain de la découverte du corps de Reinach, Jules Delahaye attaque « tout un syndicat politique sur qui pèse l'opprobre de la vénalité «. Le scandale éclatant au grand jour, le Parlement ouvre une enquête pour découvrir l'étendue de la corruption. Hostile à l'autopsie de Reinach, le président du Conseil Émile Loubet est accusé de vouloir étouffer l’affaire, et son gouvernement chute le 6 décembre 1892. Les députés Georges Clemenceau, Maurice Rouvier et Charles Floquet confessent qu'ils ont accepté — pour un journal, pour financer une campagne électorale, etc. — les présents de Reinach et de Herz. Des hommes de renom ayant appuyé de Lesseps, tel Gustave Eiffel, sont également compromis.

En mars 1893, le procès aboutit à la condamnation du seul Baïhaut, aucune preuve de corruption n'ayant pu être présentée contre les autres accusés. Les législatives suivantes, marquées par une importante abstention, sanctionnent et renouvellent partiellement le personnel parlementaire (éviction de Clemenceau, élection de Raymond Poincaré, etc.), témoignant ainsi de la forte rancœur des petits épargnants électeurs.

Pour l’extrême-droite, la judaïté de Herz et de Reinach nourrit un antisémitisme populaire croissant ; de même, la compromission des députés exacerbe les courants antiparlementaires. Ces deux éléments permettent aux factions nationalistes de se relancer après le fiasco boulangiste de 1889 — la puissance de la réaction antidreyfusarde de 1894-1905 bénéficie assurément de cette pré-mobilisation radicalisante. Par ailleurs, une partie de la presse est discréditée et hérite de cette affaire une réputation de vénalité durable. Sur le plan économique enfin, les Français se détournent de l'investissement industriel, privant ainsi pour longtemps les entreprises d'une importante source de financement.

4   UNE RÉPUBLIQUE SOLIDE, MALGRÉ LE CHOC

La seconde affaire de Panamá — les banques ont aussi perçu de très juteuses commissions sur l'entreprise de Panamá — demeure, pour sa part, dans l’ombre.

Instrumentalisé par la droite nationaliste et antirépublicaine, le scandale de Panamá montre, par sa violence, la résistance des institutions républicaines. La IIIe République a, en effet, su surmonter les difficultés d’une telle crise et résister à l’assaut des courants d’opinion hostiles au régime républicain.

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