Palestiniens : quel avenir ?
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
2 avril 2002
IL lui est souvent arrivé d'être traqué, cerné, menacé. Le bord du gouffre lui est une situation familière ; la précarité, un mode de vie. Au début des années 1980, dans les guerres libanaises, Israéliens (Ariel Sharon déjà) et Syriens auraient bien voulu l'éliminer. Depuis quarante-trois ans qu'il incarne le mouvement national palestinien, Yasser Arafat est un survivant professionnel. Il a, maintes fois, été politiquement enterré ; il est toujours revenu sur le devant de la scène. A soixante-douze ans passés, le « chairman » aurait-il fait son temps ?
En riposte aux massacres de civils perpétrés samedi 1er et dimanche 2 décembre à Jérusalem et à Haïfa, l'armée israélienne a détruit son aéroport et ses bureaux à Gaza, pulvérisé ses hélicoptères et, à coups de roquettes, démantelé un peu plus encore cette Autorité palestinienne avec laquelle M. Arafat est censé administrer une partie des territoires sous sa tutelle. Les carnages de ce week-end noir ont été revendiqués par le Mouvement de la résistance islamique, le Hamas, un groupe palestinien islamiste. Mais, toute cette semaine, c'est Yasser Arafat qu'Israël a incriminé et l'Autorité palestinienne que Tsahal a attaquée.
La gauche israélienne accuse Yasser Arafat d'avoir raté la paix. Elle lui reproche d'avoir laissé passer, il y a quatorze mois, l'occasion historique de négocier avec le travailliste Ehoud Barak sur la base d'un document Clinton qui promettait aux Palestiniens : 1) un Etat sur 95 % de la Cisjordanie et l'ensemble de la bande de Gaza ; 2) un arrangement partagé sur Jérusalem ; 3) un mécanisme d'indemnisation pour les réfugiés palestiniens dits de l'extérieur (ceux qui résident non dans les territoires mais ont été déplacés par les guerres au Liban, en Syrie, en Jordanie, en Egypte et ailleurs encore). La droite israélienne n'a jamais voulu de cet accord ; elle s'est toujours attachée à torpiller toute négociation avec l'OLP, l'organisation qui fédère les différentes factions du mouvement national palestinien.
Chef de la droite et premier ministre du gouvernement d'union nationale Likoud - travaillistes, Ariel Sharon dit qu'il n'entend démanteler aucune des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie et à Gaza. Rien n'indique qu'il ne faille pas le croire sur parole. S'il accepte le principe d'un Etat palestinien, M. Sharon entend qu'il soit limité à Gaza et à quelque 40 % de la Cisjordanie. Il accuse Yasser Arafat d'avoir, au lendemain de l'échec du processus Barak-Clinton, déclenché puis entretenu cette deuxième Intifada qui, depuis quatorze mois, déchire Israéliens et Palestiniens : plus de 200 morts chez les premiers, la plupart victimes d'attentats ; plus de 800 chez les seconds, et pas seulement parmi les combattants...
Ariel Sharon a promis à ses électeurs de ramener la sécurité dans les territoires et en Israël. Il n'y arrive pas. Le cycle des attentats et des représailles tourne avec la régularité d'une machine dramatiquement bien huilée qui, tour à tour, sème la mort dans les rues de Jérusalem ou de Tel-Aviv puis de Naplouse ou de Gaza. Pas toujours à tort, loin de là, M. Sharon accuse M. Arafat de ne rien faire contre les groupes terroristes du Hamas et du Djihad islamique opérant à partir des territoires placés sous la tutelle de l'Autorité palestinienne.
M. Sharon n'a cessé d'exploiter cette situation pour démoniser l'Autorité, qualifiée cette semaine d' « organisation qui soutient le terrorisme », et pour diaboliser son chef, accusé d'avoir « choisi la voie du terrorisme ». Le premier ministre dénonce leur faiblesse et leur complaisance à l'égard du Hamas et du Djihad. Mais, dans le même temps, M. Sharon et ses principaux collaborateurs multiplient les coups de boutoir destinés à affaiblir M. Arafat et l'Autorité.
LE « système Sharon » paraît au point, comme destiné à réaliser ce qui fut, durant une bonne partie de sa carrière, l'objectif stratégique d'Ariel Sharon : briser l'OLP et son chef, Yasser Arafat (lire notre récit de l'histoire du mouvement national palestinien). Le ministre des affaires étrangères, Hubert Védrine, observait cette semaine : « Arafat est affaibli par le harcèlement de l'armée israélienne (...) et, après, on prend argument de cet affaiblissement pour dire que, puisqu'il n'arrive pas à rétablir l'ordre chez lui, il faut en quelque sorte l'éliminer. »
L'Autorité n'est pas forcément en meilleure position auprès de la population palestinienne. Corrompue, divisée, paraissant hésiter entre une stratégie ou une autre, elle est, de plus en plus, concurrencée par le Hamas. Le Mouvement de la résistance islamique refuse l'aggiornamento réalisé par l'OLP à la fin des années 1980 : la reconnaissance d'Israël, le choix d'établir un Etat palestinien à ses côtés.
Le Hamas, qui ne fait pas partie de l'OLP, proclame sa volonté de détruire Israël. Il appelle à « tuer les juifs » (il ne dit jamais « Israéliens »). Il revendique fièrement les attentats les plus sanglants. Il exhorte les Palestiniens des territoires à calquer leur lutte sur ce qui fut celle du Hezbollah au Liban sud : vingt ans de harcèlement continu de l'armée israélienne conduisirent à son retrait unilatéral, sans condition, de l'autre côté de la frontière. Couplé à un dévouement social sans égal auprès d'une population de plus en plus démunie, le discours du Hamas rencontre un succès croissant. Le Hamas ébranle la prééminence de l'OLP.
Pour l'organisation qui a été le moteur du mouvement national palestinien et pour son chef historique, le défi paraît sans précédent. Celui que pose Ariel Sharon et celui que représente le Hamas, l'un et l'autre fragilisant, ensemble, jour après jour, un Yasser Arafat vieillissant. Mais après « le Vieux », comme on appelle le reclus de Ramallah, quel interlocuteur pour Israël ?
ALAIN FRACHON
Le Monde du 10 décembre 2001
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