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Onze pays mettent en commun leur souveraineté monétaire

Publié le 17/01/2022

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1er janvier 1999 "La semaine du grand saut", "réveillon historique" : les superlatifs ne manquent pas pour saluer l'avènement de la nouvelle monnaie qui voit le jour le 1er janvier 1999 dans 11 des 15 pays de l'Union européenne. Honni par ceux qui y voient le fossoyeur de la Nation, symbole d'espoir pour tous ceux qui comptent sur l'Union pour redonner à l'Europe la voix qu'elle a perdue en ce siècle de conflits terrifiants où elle a perdu son âme, l'euro est l'un des événements majeurs de cette fin de millénaire. Les coups de chapeau qui saluent son arrivée de par le monde - et singulièrement aux Etats-Unis où l'on a tardé à prendre la volonté des Européens au sérieux - permettront peut-être à ces derniers de prendre eux-mêmes la mesure du pas qu'ils sont en train de franchir. Hormis dans les pays du sud, où l'euro vaut reconnaissance de faire partie de l'élite, la nouvelle monnaie est plus souvent accueillie comme un mal nécessaire que comme un événement libérateur. Les Britanniques ne se sont toujours pas résolus à l'abandon de la livre sterling, monnaie d'empire. Les Allemands n'acceptent pas non plus de gaieté de coeur de voir disparaître un mark qui représente leur puissance retrouvée. Et si les Français ne semblent pas trop regretter leur franc, qui au gré des dévaluations d'après-guerre a perdu quelque peu de ses contours, ils se demandent encore dans leur majorité si tous ces chambardements valent la peine des complications qu'ils s'attendent à subir dans leur quotidien. Malgré le matraquage médiatique de ces dernières semaines - qui est à la hauteur d'une échéance historique - la conscience de l'euro, qui ne sera vraiment palpable en bons et vrais billets qu'en 2002, reste diffuse. Comme l'est la conscience que l'Europe passe ainsi à un autre stade. Quarante et un ans après le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne, cinq ans après le baptême de l'Union européenne (1er novembre 1993), les Européens disposent désormais, avec l'euro et le drapeau bleu étoilé, des deux grands symboles autour desquels les peuples traditionnellement se rassemblent lorsqu'ils ont le sentiment d'appartenir à un même destin, à une même collectivité territoriale. Quel chemin parcouru depuis que les pères fondateurs, au premier rang desquels le français Jean Monnet, eurent l'idée de fonder la réconciliation, la reconstruction de l'Europe sur l'établissement progressif d'une zone de coopération économique où les Européens - Français et Allemands au premier rang - apprendraient peu à peu à vivre ensemble. "L'Europe ne se fera pas d'un seul coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait", avait prédit Maurice Schumann, dans sa fameuse proclamation du 9 mai 1950, où il proposait la mise en commun des productions de charbon et d'acier. La CECA naissait un an plus tard, avec l'Allemagne et la France, les trois pays du Benelux et l'Italie. L'échec quelques années plus tard de la communauté européenne de défense, par refus du Parlement français de ratifier l'accord, montrait la justesse du point de vue. Malgré leurs différences de langues, de traditions, les sociétés européennes ont lentement dû prendre conscience, dans un monde dominé par les deux super-puissances de la guerre froide, que leurs intérêts, le maintien de leurs modes de vie concouraient inévitablement à se rapprocher, à s'entraider. Sociologues, historiens, géographes constatent aujourd'hui l'émergence d'un modèle spécifique de société européenne, basé sur un mélange de liberté d'entreprise et de protection de l'individu, auquel personne n'était prêt à renoncer. Dans un intéressant ouvrage sur les "voisins du Rhin", le professeur Hartmut Kaelble, de l'université de Berlin, signalait dès la fin des années 80 que la coopération franco-allemande était portée par le rapide rapprochement des structures sociales des deux sociétés depuis la guerre. Cette réalité, les premiers à la reconnaître sur le terrain ont été les entrepreneurs, à la recherche d'un marché suffisamment vaste pour résister à leurs concurrents américains et japonais. Les changements de parité monétaire, les contrôles de change, qui n'ont été abolis définitivement en France qu'en janvier 1990, étaient beaucoup trop rigides pour les nouvelles conditions du système de commerce mondial. Dès 1970, mandaté par ses partenaires, le premier ministre et ministre de des finances luxembourgeois, Pierre Werner, avait reconnu dans un rapport les avantages d'une union monétaire. Mais les conditions étaient loin d'être mûres. Une avancée politique décisive Après le "serpent" de 1972, la création du système monétaire européen, en 1979, pour instaurer un peu d'ordre dans le flottement des parités monétaires européennes, a représenté la première réponse coordonnée à une situation de crise imposée aux Européens de l'extérieur : l'effondrement du système monétaire international de Bretton Woods, en 1971, avec son corollaire, l'envol des prix du pétrole qui fait prendre conscience aux Européens de la vulnérabilité de leurs économies. Huit ans plus tard, les Européens, par l'Acte unique de 1986, jetaient les bases d'une zone commerciale homogène, le "marché unique", qui les obligeaient à un grand chambardement pour harmoniser les règles de concurrence. La suppression des contrôles douaniers aux frontières internes de l'Union européenne, le 1er janvier 1993, était le premier signe hautement symbolique du changement psychologique en train de s'opérer. L'Europe devenait capable, au nom d'un intérêt supérieur, de faire accepter par ses membres la mise en commun d'attributs de souveraineté aussi essentiels que les droits de douane. La relance de l'idée de monnaie unique apparaît dès lors dans la logique des choses. Ce grand marché sans frontières ne peut se concevoir à la longue avec les distorsions de concurrence que les ajustements monétaires ou fiscaux des gouvernements provoquent. La crise monétaire des années 1992/1993, lorsque les effets de la spéculation et de politiques mal ajustées menacent de faire exploser l'ensemble du système monétaire, est là pour en témoigner. Même si en définitive les grands équilibres ne sont pas affectés, la dévaluation des monnaies du sud et de la livre sterling provoque d'importantes perturbations avec des répercussions sociales et politiques. On dénonce les "dévaluations compétitives". Cette crise, qui a fait tanguer l'union monétaire, en a aussi confirmé le caractère inéluctable. Après la chute du mur de Berlin, il était de toute façon difficile de faire marche arrière. Les Quinze s'étaient résolus à l'unification allemande à une condition : qu'elle aille de pair avec un nouvel approfondissement de la construction européenne. Dès la fin de 1991, le sommet de Maastricht avait transformé la CEE en "Union européenne". Dans le nouveau traité, celle-ci se voit charger "de promouvoir un progrès économique et social équilibré et durable, notamment par la création d'un espace sans frontières intérieures, par le renforcement de la cohésion économique et sociale et par l'établissement d'une Union économique et monétaire comportant, à terme, une monnaie unique". La ratification de Maastricht ne sera pas chose aisée, comme en témoigne le référendum de 1992 en France où il est approuvé de justesse. En dépit des polémiques et des batailles, la mise en oeuvre de l'euro suivra pourtant le calendrier fixé. Les gouvernements se sont ralliés les uns après les autres à la discipline de fer imposée par le traité et par l'Allemagne pour parvenir à la convergence nécessaire de leurs économies. C'est en cela que l'euro représente une avancée politique décisive. Le maintien de cette convergence oblige aujourd'hui les Onze à approfondir la coordination de leurs politiques, allant toujours plus loin dans l'intégration. Seuls quatre pays ne sont pas sentis prêts à sauter ce pas : la Grèce pour des raisons économiques, les trois autres (Grande-Bretagne, Danemark, Suède) parce qu'ils hésitent encore. HENRI DE BRESSON Le Monde du 31 décembre 1998

« changement psychologique en train de s'opérer.

L'Europe devenait capable, au nom d'un intérêt supérieur, de faire accepter parses membres la mise en commun d'attributs de souveraineté aussi essentiels que les droits de douane. La relance de l'idée de monnaie unique apparaît dès lors dans la logique des choses.

Ce grand marché sans frontières ne peutse concevoir à la longue avec les distorsions de concurrence que les ajustements monétaires ou fiscaux des gouvernementsprovoquent.

La crise monétaire des années 1992/1993, lorsque les effets de la spéculation et de politiques mal ajustées menacentde faire exploser l'ensemble du système monétaire, est là pour en témoigner.

Même si en définitive les grands équilibres ne sontpas affectés, la dévaluation des monnaies du sud et de la livre sterling provoque d'importantes perturbations avec desrépercussions sociales et politiques.

On dénonce les "dévaluations compétitives". Cette crise, qui a fait tanguer l'union monétaire, en a aussi confirmé le caractère inéluctable.

Après la chute du mur de Berlin, ilétait de toute façon difficile de faire marche arrière.

Les Quinze s'étaient résolus à l'unification allemande à une condition : qu'elleaille de pair avec un nouvel approfondissement de la construction européenne.

Dès la fin de 1991, le sommet de Maastricht avaittransformé la CEE en "Union européenne".

Dans le nouveau traité, celle-ci se voit charger "de promouvoir un progrèséconomique et social équilibré et durable, notamment par la création d'un espace sans frontières intérieures, par le renforcementde la cohésion économique et sociale et par l'établissement d'une Union économique et monétaire comportant, à terme, unemonnaie unique". La ratification de Maastricht ne sera pas chose aisée, comme en témoigne le référendum de 1992 en France où il est approuvéde justesse.

En dépit des polémiques et des batailles, la mise en oeuvre de l'euro suivra pourtant le calendrier fixé.

Lesgouvernements se sont ralliés les uns après les autres à la discipline de fer imposée par le traité et par l'Allemagne pour parvenir àla convergence nécessaire de leurs économies.

C'est en cela que l'euro représente une avancée politique décisive.

Le maintien decette convergence oblige aujourd'hui les Onze à approfondir la coordination de leurs politiques, allant toujours plus loin dansl'intégration.

Seuls quatre pays ne sont pas sentis prêts à sauter ce pas : la Grèce pour des raisons économiques, les trois autres(Grande-Bretagne, Danemark, Suède) parce qu'ils hésitent encore. HENRI DE BRESSON Le Monde du 31 décembre 1998 CD-ROM L'Histoire au jour le jour © 2002, coédition Le Monde, Emme et IDM - Tous droits réservés. »

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