OBJET D'ÉTUDE : LE THÉÂTRE, PRÉCIOSITÉ ET ART DU LANGAGE
Publié le 21/03/2011
Extrait du document
EXTRAITS PROPOSÉS
· MOLIÈRE, Le Misanthrope, Acte I, 2, 1666
· MOLIÈRE, Les Femmes savantes, Acte III, Scène 2, 1672
· MOLIÈRE, Les Précieuses Ridicules, Scène 9, 1659
Durée : 4 heures
Vous traiterez question et commentaire sur une copie séparée.
Laissez la page de garde vierge sur chacune de vos copies.
· Question
Étudiez avec précision la manière avec laquelle MOLIÈRE, dans ces trois extraits, rend compte, selon des approches quelquefois différentes, du courant précieux au XVII° siècle.
· Commentaire
Vous proposerez un commentaire du texte extrait de la pièce de théâtre Les Précieuses Ridicules de MOLIÈRE, Scène 9, mise en scène pour la première fois en 1659 (dernier extrait du corpus).
Vous serez attentif, notamment, au langage utilisé, aux attitudes, au ridicule des personnages.
· MOLIÈRE,
Le Misanthrope, ou l’atrabilaire amoureux, Acte I, 2, 1666 ___________
La pièce, en vers, propose de mettre en avant Alceste, misanthrope1 et atrabilaire2 qui, amoureux d’une jeune veuve qui ne refuse pas les avances de certains soupirants, a développé une haine pour les usages sociaux, qu’il juge hypocrites. Alors qu’il est empêtré dans un procès, arrive un mondain3, Oronte, qui lui soumet son nouveau passe temps à la mode : l’écriture. Le misanthrope lutte contre son naturel haineux mais finit par céder…
ALCESTE
Monsieur, je suis mal propre à décider la chose,
Veuillez m’en dispenser.
ORONTE
Pourquoi ?
ALCESTE
J’ai le défaut
D’être un peu plus sincère en cela qu’il ne faut.
ORONTE
C’est ce que je demande, et j’aurais lieu de plainte
Si, m’exposant à vous pour me parler sans feinte,
Vous alliez me trahir et me déguiser4 rien.
ALCESTE
Puisqu’il vous plaît ainsi, monsieur, je le veux bien.
ORONTE
« Sonnet… « C’est un sonnet. « L’espoir… « C’est une dame
Qui de quelque espérance avait flatté ma flamme5.
« L’espoir… « Ce ne sont de ces grands vers pompeux6
Mais de petits vers doux, tendres et langoureux.
(A toutes ces interruptions, il regarde Alceste)
ALCESTE
Nous verrons bien.
ORONTE
« L’espoir… « Je ne sais si le style
Pourra vous en paraître assez net et facile,
Et si du choix des mots vous vous contenterez.
ALCESTE
Nous allons voir, Monsieur.
ORONTE
Au reste, vous saurez
Que je n’ai demeuré qu’un quart d’heure à le faire.
ALCESTE
Voyons, Monsieur ; le temps ne fait rien à l’affaire.
ORONTE
L’espoir, il est vrai, nous soulage
Et nous berce un temps notre ennui7 ;
Mais, Philis, le triste avantage
Lorsque rien ne marche après lui !
PHILINTE
Je suis déjà charmé de ce petit morceau.
ALCESTE, bas
Quoi ! Vous avez le front de trouver cela beau ?
ORONTE
Vous eûtes de la complaisance ;
Mais vous en deviez moins avoir
Et ne vous pas mettre en dépense
Pour ne me donner que l’espoir.
PHILINTE
Ah ! Qu’en termes galants ces choses-là sont mises !
ALCESTE, bas
Morbleu8 ! Vil9 complaisant10, vous louez des sottises ?
ORONTE
S’il faut qu’une attente éternelle
Pousse à bout l’ardeur de mon zèle,
Le trépas sera mon recours.
Vos soins ne m’en peuvent distraire11 ;
Belle Philis, on désespère
Alors qu’on espère toujours.
PHILINTE
La chute12 en est jolie, amoureuse, admirable.
ALCESTE, bas
La peste de ta chute12, empoisonneur au diable13 !
En eusses-tu fait une à te casser le nez !
PHILINTE
Je n’ai jamais ouï de vers bien tournés.
ALCESTE
Morbleu8 !
ORONTE
Vous me flattez, et vous croyez peut-être…
PHILINTE
Non, je ne flatte point.
ALCESTE, bas
Et que fais-tu donc, traître ?
ORONTE, à Alceste
Mais, pour vous, vous savez quel est notre traité14 :
Parlez-moi, je vous prie, avec sincérité.
ALCESTE
Monsieur, cette matière est toujours délicate,
Et sur le bel esprit nous aimons qu’on nous flatte ;
Mais, un jour, à quelqu’un dont je tairai le nom,
Je disais, en voyant des vers de sa façon,
Qu’il faut qu’un galant15 homme ait toujours grand empire16
Sur les démangeaisons qui nous prennent d’écrire ;
Qu’il doit tenir la bride17 aux grands empressements
Qu’on a de faire éclat de tels amusements
Et que, par la chaleur18 de montrer ses ouvrages,
On s’expose à jouer de mauvais personnages19.
ORONTE
Est-ce que vous voulez me déclarer par là
Que j’ai tort de vouloir…
ALCESTE
Je ne dis pas cela ;
Mais, je lui disais, moi, qu’un froid écrit assomme,
Qu’il ne faut que ce faible à20 décrier21 un homme,
Et qu’eût-on d’autre part cent belles qualités,
On regarde les gens par leurs méchants côtés.
ORONTE
Est-ce qu’à mon sonnet vous trouvez à redire ?
ALCESTE
Je ne dis pas cela ; mais pour ne point écrire,
Je lui mettais aux yeux comme22, dans notre temps,
Cette soif a gâté de fort honnêtes gens.
ORONTE
Est-ce que j’écris mal ? Et leur ressemblerais-je ?
ALCESTE
Je ne dis pas cela. Mais enfin, lui disais-je,
Quel besoin si pressant avez-vous de rimer,
Et qui diantre23 vous pousse à vous faire imprimer ?
Si l’on peut pardonner l’essor d’un mauvais livre,
Ce n’est qu’aux malheureux qui composent pour vivre.
Croyez-moi, résistez à vos tentations,
Dérobez24 au public ces occupations,
Et n’allez point quitter, de quoi que l’on vous somme,
Le nom que dans la cour vous avez d’honnête homme,
Pour prendre, de la main d’un avide25 imprimeur,
Celui de ridicule et misérable auteur.
C’est ce que je tâchai de lui faire comprendre.
ORONTE
Voilà qui est fort bien, et je crois vous entendre26
Mais ne puis-je savoir ce que dans mon sonnet…
ALCESTE
Franchement, il est bon à mettre au cabinet27 ;
Vous vous êtes réglé sur de méchants28 modèles,
1. misanthrope, nm : qui déteste le genre humain (misos, « haïr « et anthropos, « humain «) 2. atrabilaire, adj. : qui est irascible, colérique qui a la bile qui s’échauffe vite 3. mondain, nm : qui fréquente le grand monde, les mondanités, la société 4. me déguiser rien : ne rien me cacher 5. ma flamme, GN : ma sensibilité amoureuse 6. pompeux, adj. : élégant, grandiose 7. ennui, nm : violent désespoir 8. morbleu, interjection : injure cachée pour éviter de blasphémer (bleu : « Dieu «) 9. vil, adj. : méprisable, sans valeur 10. complaisant, nm : qui veut faire plaisir 11. distraire, v. : détourner 12. la chute, nf : la fin qui répond à des règles de conclusion d’un poème 13. empoisonneur au diable : bon à donner au diable 14. notre traité, nm : notre accord (voir au début, Alceste s’engage à lui donner son avis) 15. galant homme, GN : honnête, civil, sociable, de bonne compagnie 16. avoir empire, GV : avoir le contrôle 17. tenir la bride : contenir, maîtriser 18. chaleur, nf : vif désir 19. mauvais personnage : qui se montrent sous un jour différent 20. à : pour 21. décrier, v. : critiquer 22. comme : comment 23. diantre, interjection : marque l’étonnement ou l’admiration 24. dérober, v. : cacher 25. avide, adj. : qui a soif de 26. entendre, v. : comprendre 27. cabinet, nm : meuble à tiroir qui ressemble à un bureau, un secrétaire 28. méchant, adj. : qui ne valent rien
Et vos expressions ne sont point naturelles.
· MOLIÈRE, Les Femmes savantes, Acte III Scène 2, 1672 _________________
La pièce de théâtre,en vers, propose de mettre en scène une famille dont la mère, Philaminte, est sous la coupe d’un faux savant aux dents longues, Trissotin. Sous le charme aussi, une des ses deux filles, Armande, et sa belle sœur, Bélise. Henriette, la sœur d’Armande préfère elle, des occupations plus terre à terre et ne refuse pas le mariage traditionnel et les tâches ménagères qui y sont liées. Ici, Philaminte reçoit Trissotin qui fait part de ses inventions littéraires, l’excitation est à son comble…
PHILAMINTE
Donnons vite audience1.
BÉLISE, à chaque fois qu’il veut lire l’interrompt
Je sens d’aise mon coeur tressaillir par avance.
J’aime la poésie avec entêtement2,
Et surtout quand les vers sont tournés galamment.
PHILMAINTE
Si nous parlons toujours, il ne pourra rien dire.
TRISSOTIN
« SO… «
BÉLISE, à Henriette
Silence, ma nièce3…
ARMANDE
Ah ! laissez-le donc lire.
TRISSOTIN
« SONNET A LA PRINCESSE URANIE «, SUR SA FIÈVRE
Votre prudence est endormie,
De traiter magnifiquement
Et de loger superbement
Votre plus cruelle ennemie
BÉLISE
Ah ! le joli début !
ARMANDE
Qu’il a le tour galant !
PHILAMINTE
Lui seul des vers aisés possède le talent !
ARMANDE
A « prudence endormie « il faut rendre les armes.
BÉLISE
« Loger son ennemie « est pour moi plein de charmes.
PHILAMINTE
J’aime « superbement « et « magnifiquement « ;
Ces deux adverbes joints font admirablement.
BÉLISE
Prêtons l’oreille au reste.
TRISSOTIN
Votre prudence est endormie,
De traiter magnifiquement
Et de loger superbement
Votre plus cruelle ennemie.
ARMANDE
« Prudence endormie ! «
BÉLISE
« Loger son ennemie ! «
PHILAMINTE
« Superbement « et « magnifiquement ! «
TRISSOTIN
Faites-la sortir, quoi qu’on en die4,
De votre riche appartement,
Où cette ingrate insolemment
Attaque votre belle vie.
BÉLISE
Ah ! tout doux, laissez-moi, de grâce, respirer.
ARMANDE
Donnez-nous, s’il vous plaît, le loisir d’admirer.
PHILAMINTE
On se sent, à ces vers, jusques au fond de l’âme
Couler je ne sais quoi qui fait que l’on se pâme5.
ARMANDE
« Faites-la sortir, quoi qu’on die,
De votre riche appartement. «
Que « riche appartement « est là joliment dit !
Et que la métaphore est mise avec esprit !
PHILAMINTE
« Faites-la sortir, quoi qu’on die «
Ah ! Que ce « quoi qu’on die « est d’un goût admirable !
C’est à mon sentiment, un endroit impayable.
ARMANDE
De « quoi qu’on dit « aussi mon cœur est amoureux.
BÉLISE
Je suis de votre avis, « quoi qu’on die « est heureux.
ARMANDE
Je voudrais l’avoir fait.
BÉLISE
Il vaut toute une pièce.
PHILMANINTE
Mais en comprend-on bien comme moi la finesse ?
ARMANDE et BELISE
Oh ! Oh !
PHILAMINTE
« Faites-la sortir, quoi qu’on die. «
Que de la fièvre on prenne ici les intérêts ;
N’ayez aucun égard, moquez-vous des caquets6,
« Faites-la sortir quoi qu’on die,
Quoi qu’on die, quoi qu’on die ! «
Ce « quoi qu’on die « en dit beaucoup plus qu’il ne semble.
Je ne sais pas, pour moi, si chacun me ressemble,
Mais j’entends là-dessous un million de mots.
BÉLISE
Il est vrai qu’il dit plus de choses qu’il n’est gros.
PHILAMINTE, à Trissotin
Mais, quand vous avez fait ce charmant « quoi qu’on die «,
Avez-vous compris, vous, toute son énergie ?
Songiez-vous bien vous-même à tout ce qu’il nous dit,
Et pensiez-vous alors y mettre tant d’esprit ?
TRISSOTIN
Hai ! Hai !
ARMANDE
J’ai fort aussi « l’ingrate « dans la tête7,
Cette ingrate de fièvre, injuste et malhonnête,
Qui traitent mal les gens et qui la logent chez eux.
PHILAMINTE
Enfin les quatrains sont admirables tous deux.
Venons-en promptement aux tiercets8, je vous prie.
ARMANDE
Ah ! s’il vous plaît, encore une fois « quoi qu’on die. «
TRISSOTIN
Faites-la sortir, quoi qu’on die...
PHILAMINTE, ARMANDE et BÉLISE
« Quoi qu’on die ! «
TRISSOTIN
De votre riche appartement.
PHILAMINTE, ARMANDE et BÉLISE
« Riche appartement ! «
TRISSOTIN
Où cette ingrate insolemment…
PHILAMINTE, ARMANDE et BÉLISE
Cette « ingrate « de fièvre !
TRISSOTIN
Attaque votre belle vie.
PHILAMINTE
« Votre belle vie ! «
ARMANDE et BÉLISE
Ah !
TISSOTIN
Quoi ! sans respecter votre rang,
Elle se prend à votre sang9…
PHILAMINTE, ARMANDE et BÉLISE
Ah !
TRISSOTIN
Et nuit et jour vous fait outrage !
Si vous la conduisez aux bains,
Sans la marchander10 davantage
Noyez-la de vos propres mains.
PHILAMINTE
On n’en peut plus.
BÉLISE
On pâme5.
ARMANDE
On se meurt de plaisir.
PHILAMINTE
De mille doux frissons vous vous sentez saisir.
ARMANDE
« Si vous la conduisez aux bains… «
BÉLISE
« Sans la marchander davantage… «
PHILAMINTE
« Noyez-la de vos propres mains. «
De vos propres mains, là, noyez-la dans les bains.
ARMANDE
Chaque pas dans vos vers rencontre un trait charmant.
BÉLISE
Partout on s’y promène avec ravissement.
PHILAMINTE
On n’y saurait marcher que sur de belles choses.
ARMANDE
Ce sont petits chemins tout parsemés de roses.
TRISSOTIN
Le sonnet donc vous semble…
PHILAMINTE
Admirable, nouveau,
1. donner vite audience : écoutons vite attentivement 2. entêtement, nm : avec attachement profond, assiduité 3. Henriette n’est pas friande de vers et de littérature et Bélise anticipe une remarque 4. quoi qu’on en die, GV : quoi qu’on en dise, le subjonctif est correct mais archaïque 5. se pâmer, v. : s’évanouir sous l’effet d’une vive émotion 6. caquets, nm pl : des cancans, des racontars 7. j’ai fort dans la tête : je m’attache tout particulièrement à 8. tiercet, nm : tercet (forme archaïque) 9. sang, nm : dans le sens de rang noble, royal 10. marchander, v. : ménager, la réserver
Et personne jamais n’a rien fait de si beau.
· MOLIÈRE, Les Précieuses Ridicules, Scène 9, 1659 _______________________
La pièce de MOLIÈRE, écrite en prose, met en scène Cathos et Magdelon, deux provinciales arrivées à Paris, qui veulent échapper à leur condition. Gorgibus, père de Magdelon, apparaît grossier et fort bourru pour ces demoiselles qui refusent les avances de deux jeunes notables, La Grange et Du Croisy, pas assez « parisiens « pour eux. Ces deux derniers, pour se venger, engagent des serviteurs pour se déguiser en hommes à la mode et se moquer des deux jeunes superficielles. Se prêtant au jeu, Mascarille, valet travesti, joue au précieux.
MASCARILLE. Il est vrai qu’il est honteux de n’avoir pas des premiers tout ce qui se fait1 ; mais ne vous mettez pas en peine : je veux établir chez vous une Académie de beaux esprits, et je vous promets qu’il ne se fera pas un bout de vers dans Paris que vous ne sachiez par cœur avant tous les autres. Pour moi, tel que vous me voyez, je m’en escrime un peu quand je veux ; et vous verrez courir de ma façon2, dans les belles ruelles3 de Paris, deux cents chansons, autant de sonnets, quatre cents épigrammes et plus de mille madrigaux, sans compter les énigmes4 et les portraits4.
MAGDELON. Je vous avoue que je suis furieusement pour les portraits4 ; je ne vois rien de si galant que cela.
MASCARILLE. Les portraits4 sont difficiles, et demandent un esprit profond : vous en verrez de ma manière qui ne vous déplairont pas.
CATHOS. Pour moi, j’aime terriblement les énigmes.
MASCARILLE. Cela exerce l’esprit, et j’en ai fait quatre encore ce matin, ce que je vous donnerai à deviner.
MAGDELON. Les madrigaux4 sont agréables, quand ils sont bien tournés.
MASCARILLE. C’est mon talent particulier ; et je travaille à mettre en madrigaux toute l’histoire romaine.
MAGDELON. Ah ! Certes, cela sera du dernier beau. J’en retiens un exemplaire au moins, si vous le faites imprimer.
MASCARILLE. Je vous promets à chacune un, et des mieux reliés. Cela au-dessous de ma condition ; mais je le fais seulement pour donner à gagner aux libraires qui me persécutent.
MADGELON. Je m’imagine que le plaisir est grand de se voir imprimé.
MASCARILLE. Sans doute. Mais à propos, il faut que je vous die5 un impromptu4 que je fis hier chez une duchesse de mes amies que je fus visiter ; car je suis diablement fort sur les impromptus4.
CATHOS. L’impromptu4 est justement la pierre de touche6 de l’esprit.
MASCARILLE. Écoutez donc.
MAGDELON. Nous y sommes de toutes nos oreilles.
MASCARILLE.
Oh, oh ! Je n’y prenais pas garde :
Tandis que, sans songer à mal, je vous regarde,
Votre œil en tapinois me dérobe mon cœur.
Au voleur, au voleur, au voleur, au voleur !
CATHOS. Ah ! Mon Dieu ! Voilà qui est poussé dans le dernier galant.
MASCARILLE. Tout ce que je fais à l’air cavalier7 ; cela ne sent point le pédant.
MAGDELON. Il en est éloigné de plus de deux mille lieues.
MASCARILLE. Avez-vous remarqué ce commencement : Oh ! Oh ? Voilà qui est extraordinaire : Oh ! Oh ! Comme un homme qui s’avise tout d’un coup : Oh ! oh ! La surprise : Oh, oh !
MAGDELON. Oui, je trouve ce Oh, oh ! admirable.
MASCARILLE. Il semble que cela ne soit rien.
CATHOS. Ah ! Mon Dieu, que dites-vous ? Ce sont de ces sortes de choses qui ne se peuvent payer.
MAGDELON. Sans doute ; et j’aimerais mieux avoir fait ce oh, oh ! qu’un poème épique8.
MASCARILLE. Tudieu9 ! Vous avez le goût bon.
MAGDELON. Eh ! Je ne l’ai pas tout à fait mauvais.
MASCARILLE. Mais n’admirez-vous pas aussi ce Je n’y prenais pas garde ? Je n’y prenais pas garde, je ne m’apercevais pas de cela : façon de parler naturelle, je n’y prenais pas garde. Tandis que sans songer à mal, tandis qu’innocemment, sans malice, comme un pauvre mouton, je vous regarde, c’est-à-dire, je m’amuse à vous considérer, je vous observe, je vous contemple. Votre œil en tapinois… Que vous semble de ce mot tapinois ? N’est-il pas bien choisi ?
CATHOS. Tout à fait bien.
MASCARILLE. Tapinois, en cachette : il semble que ce soit un chat qui vienne prendre une souris : tapinois.
MAGDELON. Il ne se peut rien de mieux.
MASCARILLE. Me dérobe mon cœur, me l’emporte, me le ravit. Au voleur, au voleur, au voleur ! Ne diriez-vous pas que c’est un homme qui crie et court après un voleur pour le faire arrêter ? Au voleur, au voleur, au voleur, au voleur !
MADGELON. Il faut avouer que cela a un tour spirituel et galant.
MASCARILLE. Je veux vous dire l’air que j’ai fait dessus.
CATHOS. Vous avez appris la musique ?
MASCARILLE. Moi ? Point du tout.
CATHOS. Et comment donc cela se peut-il ?
MASCARILLE. Les gens de qualité savent sans avoir jamais rien appris.
MAGDELON. Assurément ma chère.
MASCARILLE. Écoutez si vous trouverez l’air à votre goût. Hem, hem. La, la, la, la, la. La brutalité de la saison a furieusement outragé la délicatesse de ma voix ; mais il n’importe, c’est à la cavalière7. Il chante.
Oh, oh ! je n’y prenais pas…
CATHOS. Ah ! Que voilà un air qui est passionné ! Est-ce qu’on n’en meurt point ?
MAGDELON. Il y a de la chromatique10 là-dedans.
MASCARILLE. Ne trouvez-vous pas la pensée bien exprimée dans le chant ? Au voleur !.. Et puis, comme si l’on criait fort : au, au, au, au, au, au voleur ! Et tout d’un coup, comme un personne essoufflée : au voleur !
MAGDELON. C’est là savoir le fin des choses, le grand fin, le fin du fin. Tout est merveilleux, je vous assure ; je suis enthousiasmée de l’air et des paroles.
CATHOS. Je n’ai encore rien vu de cette force-là.
MASCARILLE. Tout ce que je fais me vient naturellement, c’est sans étude.
MAGDELON. La nature vous a traité en vraie mère passionnée, et vous en êtes l’enfant gâté.
MASCARILLE. A quoi donc passez-vous le temps ?
CATHOS. A rien du tout.
MAGDELON. Nous avons été jusqu’ici dans un jeûne effroyable de divertissements.
MASCARILLE. Je m’offre à vous mener un de ces jours à la comédie, si vous voulez ; aussi bien on en doit jouer une nouvelle que je serai bien aise que nous voyions ensemble.
1° ÉPREUVE ANTICIPÉE DE FRANÇAIS
ÉCRIT BLANC
OBJET D’ÉTUDE :
LE THÉÂTRE, PRÉCIOSITÉ ET ART DU LANGAGE
EXTRAITS PROPOSÉS
· MOLIÈRE, Le misanthrope, Acte I, 2, 1666
· MOLIÈRE, Les femmes savantes, Acte III Scène 2, 1672
· MOLIÈRE, Les Précieuses Ridicules, Scène 9, 1659
· Question
Étudiez avec précision la manière avec laquelle MOLIÈRE, dans ces trois extraits, rend compte, selon des approches quelquefois différentes, du courant précieux au XVII° siècle.
· Commentaire
Vous proposerez un commentaire du texte extrait de la pièce de théâtre Les Précieuses Ridicules de MOLIÈRE, Scène 9, mise en scène pour la première fois en 1659 (dernier extrait du corpus).
Vous serez attentif, notamment, au langage utilisé, aux attitudes, au ridicule des personnages.
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Vous proposerez un commentaire du texte extrait de la pièce de théâtre Les Précieuses Ridicules
de MOLIÈRE, Scène 9, mise en scène pour la première fois en 1659 (dernier extrait du corpus ).
Vous serez attentif, notamment, au langage utilisé, aux attitudes, au ridicule des personnages.
· MOLIÈRE,
Le Misanthrope , ou l'atrabilaire amoureux, Acte I, 2, 1666 ___________
La pièce, en vers, propose de mettre en avant Alceste, misanthrope 1 et atrabilaire 2 qui, amoureux d'une jeune veuve qui ne refuse pas les avances de certains soupirants, a développéune haine pour les usages sociaux, qu'il juge hypocrites.
Alors qu'il est empêtré dans un procès,arrive un mondain 3, Oronte, qui lui soumet son nouveau passe temps à la mode : l'écriture.
Le misanthrope lutte contre son naturel haineux mais finit par céder…
ALCESTE
Monsieur, je suis mal propre à décider la chose,
Veuillez m'en dispenser.
ORONTE
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