Lumière de la France Victor HUGO
Publié le 24/03/2020
Extrait du document
Lumière de la France
Victor HUGO
1802 - 1885 Actes et Paroles IV (1878)
Le 17 juin 1878 a lieu à Paris le premier Congrès littéraire international réunissant écrivains, poètes, philosophes... Le texte qui suit est un extrait du discours inaugural prononcé par Victor Hugo.
Vous avez soin de vos villes, vous voulez être en sûreté dans vos demeures, vous êtes préoccupés de ce péril, laisser la rue obscure ; songez à ce péril plus grand encore, laisser obscur l’esprit humain. Les intelligences sont des routes ouvertes ; elles ont des allants et venants, elles ont des visiteurs, bien ou mal intentionnés, elles peuvent avoir des passants funestes; une mauvaise pensée est identique à un voleur de nuit, l’âme a des malfaiteurs; faites le jour partout; ne laissez pas dans l’intelligence humaine de ces coins ténébreux où peut se blottir la superstition, où peut se cacher l’erreur, où peut s’embusquer le mensonge. L’ignorance est un crépuscule; le mal y rôde. Songez à l’éclairage des rues, soit ; mais songez aussi, songez surtout, à l’éclairage des esprits. (Applaudissements prolongés!)
Il faut pour cela, certes, une prodigieuse dépense de lumière. C’est à cette dépense de lumière que depuis trois siècles la France s’emploie. Messieurs, laissez-moi dire une parole filiale, qui du reste est dans vos cœurs comme dans le mien: rien ne prévaudra contre la France. La France est d’intérêt public. La France s’élève sur l’horizon de tous les peuples. Ah! disent-ils, il fait jour, la France est là! (Oui! oui! Bravos répétés!)
Qu’il puisse y avoir des objections à la France, cela étonne ; il y en a pourtant ; la France a des ennemis. Ce sont les ennemis mêmes de la civilisation, les ennemis du livre, les ennemis de la pensée libre, les ennemis de l’émancipation, de l’examen, de la délivrance; ceux qui voient dans le dogme1 un éternel maître et dans le genre humain un éternel mineur. Mais ils perdent leur peine, le passé est passé, les nations ne reviennent pas à leur vomissement, les aveuglements ont une fin, les dimensions de l’ignorance et de l’erreur sont limitées. Pre-nez-en votre parti, hommes du passé, nous ne vous craignons pas!
«
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LA FRANCE ET LE MONDE 1
allez, faites, nous vous regardons avec curiosité! essayez vos forces,
3o insultez 89, découronnez Paris, dites anathème 2 à la liberté de
conscience, à la liberté de la presse, à la liberté de la tribune, anathème
à la loi civile, anathème à la révolution, anathème à la tolérance, ana
thème
à la science, anathème au progrès! ne vous lassez pas! rêvez, pen
dant que vous y êtes, un Syllabus 3 assez grand pour la France et un étei-
35 gnoir assez grand pour le soleil! (Acclamation unanime.
Triple salve
d'applaudissements.)
Je ne veux pas finir par une parole amère.
Montons et restons dans
la sérénité immuable de la pensée.
Nous avons commencé l'affirmation
de la concorde· et de la paix; continuons cette affirmation hautaine et
40 tranquille.
Je l'ai dit ailleurs, et je
le répète, toute la sagesse humaine tient dans
ces deux mots : Conciliation et Réconciliation; conciliation pour les
idées, réconciliation pour les hommes.
Messieurs, nous sommes ici entre philosophes, profitons de l' occa-
45 sion, ne nous gênons pas, disons des vérités.
(Sourires et marques d'ap
probation.)
En voici une, une terrible: le genre humain a une maladie,
la haine.
La haine est mère de la guerre; la mère est infâme, la fille est
affreuse.
Rendons-leur coup sur coup.
Haine
à la haine! Guerre à la guerre!
so (Sensation.)
Congrès littéraire international, Actes et Paroles IV.
1.
Point de doctrine considéré par une religion comme une vérité incontestable.
- 2.
Condamnation totale.
- 3.
Syllabus ou Recueil des principales erreurs de notre temps (1864): inventaire des attitudes philosophiques, politiques, condamnées
par Pie IX, entre aucres le rationalisme, le républicanisme, le libéralisme.
te-Relevez les idées importantes du texte.
Précisez comment elles s'enchaînent.
1 • Répertoriez et analysez les procédés stylistiques mettant en valeur l'argumentation,
lîgnes
1 à 15.
·
• Identifiez le ton de Hugo, lignes 26 à 35, et les adversaires qu'il vise.
1 l > Groupement de textes: voir 8 -9 -13.
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24.
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