L'oubli, la guerre, la paix
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
«
meurtrie dans ses propres chairs.
Elle n'a plus la force de penser ce qui est juste ou injuste, de séparer le bien du mal, la véracitéde ce qu'on lui reproche, des restes de la propagande nazie.
Survivre dans un monde de ruines, d'affamés, où la dignité necompte plus guère, où l'on s'aperçoit, écrit Gudrun Pausewang, qu' " un viol, aussi terrible que cela puisse être, n'a rien à voiravec la perte de l'honneur ", survivre dans ces conditions empêche de penser plus loin.
C'est la loi su silence.
La culpabilité qui vous colle à la peau n'empêche pas de penser qu'on est allé à la guerre parce qu'on y était obligé.
Elle n'empêche pas le prisonnier de retour des camps de Sibérie ou le réfugié survivant des wagons à bestiaux de l'exil d'êtresincèrement persuadé que, pour ce qui est des méthodes, les Soviétiques n'ont rien à envier aux nazis.
Combien sont-ils, dans les générations qui ont connu la guerre, qui peuvent affirmer aussi clairement qu'Heinrich Böll, dans uneLettre à ses deux fils publiée en mars dernier par Die Zeit, qu'on pourra " toujours reconnaître les Allemands à ceux qui qualifientle 8 mai comme le jour de la défaite ou de la libération ".
" Il nous faut assumer les deux.
C'est notre dilemme ", affirme Wolfang Bergsdorf, l'un des conseillers du chancelier HelmutKohl.
Un clivage idéologique passe entre ceux pour qui seule compte la mainmise de l'URSS sur la partie orientale de l'Allemagne etceux pour qui l'essentiel reste la chute du nazisme.
Pour les premiers, la période nazie n'est qu'un accident de l'histoire allemande,voire européenne.
Pour les seconds un aboutissement de cette même histoire qui oblige à tirer radicalement la leçon si l'on ne veutpas prendre le risque de recommencer.
" Le changement radical des consciences, qui était nécessaire après 1945, a malheureusement été enseveli par la restauration.Au moment où il faut retrouver le radicalisme du recommencement, il est temps de redonner son sens à l'héritage d'Auschwitz ",estime le député vert Otto Schily.
" Une telle fixation sur douze ans malheureux d'histoire récente, rétorque un livre publiérécemment par trois jeunes historiens, enlève à une nation la capacité de s'intégrer loyalement dans le concert d'autres nations, derépondre de façon concrète aux défis existentiels de notre époque et de défendre le droit et la liberté face aux nouveauxtotalitarisme.
" Lorsque M.
Alfred Dregger, le chef du groupe parlementaire chrétien-démocrate, s'indigne auprès des Américainsde leur attitude à propos de la visite du président Reagan au cimetière militaire de Bitburg, il s'émeut d'une atteinte à la mémoirede son frère, tombé " sur le front de l'Est ".
Il n'est plus question de savoir quel régime celui-ci servait, mais bien ce qu'ilcombattait.
M.
Franz-Joseph Strauss, le ministre-président de Bavière et chef de l'aile bavaroise de l'Union chrétienne estimeque, avec l'écroulement du nazisme et la constitution de la République fédérale, l'Allemagne a retrouvé un ordre de valeurs " quisans aucun doute et consciemment l'a rattachée à la tradition chrétienne et humaniste de notre peuple, des Européens, de lacommunauté occidentale ".
La période nazie n'est qu'un " accident de parcours, peut-être court mais tragique de l'histoireallemande ", dont les conséquences ne seront tirées que lorsque l'autre partie de l'Allemagne aura elle aussi retrouvée sacommunauté naturelle.
Que ce ne soit pas l'avis de l'Allemande de l'Est Christal Lewek, membre du Conseil supérieur de l'Eglise luthérienne, quiestime que la RDA a su commencer " quelque chose d'entièrement nouveau " alors qu'en RFA " on a à peu près continué commeavant ", ne surprendra personne.
En proie à une illusion d'optique, chacun, d'un côté et de l'autre du mur, fête à sa manière salibération, dans la logique de son propre camp.
Il est difficile, en effet, de rejeter toute la faute de cette tentative d'oubli, de banalisation sur les seuls Allemands, de quelquecôté qu'ils se trouvent.
" La signification (de la victoire) est détournée quand les vainqueurs d'autrefois célébreront le quarantièmeanniversaire de la fin de la guerre seulement pour se lancer aussitôt dans de nouveaux efforts d'armement, rendus prétendumentnécessaires pour le maintien de la paix mondiale ", souligne l'écrivain Eugen Kogon, lui-même ancien déporté de Buchenwald.
Si la logique des deux blocs n'avait pas contribué à constituer de la part et d'autre de l'Elbe des sanctuaires surarmés, exigeantchaque année des deux Etats allemands des contributions de plus en plus lourdes à la défense de leurs camps respectifs, il seraitpeut-être plus facile aujourd'hui-moralement s'entend-de s'émouvoir.
On ne s'est pas non plus beaucoup fait prier dans l'immédiat après-guerre, à Washington, Paris ou Londres, pour mettre unfrein à une dénazification qui n'a guère duré que le temps du tribunal de Nuremberg.
Les libérations anticipées, à la demande duchancelier Adenauer, d'industriels comme Karl-Frederick Flick et bien d'autres, l'utilisation qui a été faite de criminels de guerrenotoires par les services de renseignement alliés n'étaient pas vraiment de nature à donner l'exemple.
Hormis quelques grandes consciences, d'ailleurs plus universelles que purement allemandes, comme le Prix Nobel HeinrichBöll, qui s'est élevé contre la nomination à la chancellerie ou à la présidence allemandes de personnalités dont le passé n'était pas.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- GUERRE ET LA PAIX (LA), 1861. Pierre Joseph Proudhon
- DROIT DE LA GUERRE ET DE LA PAIX (DU), Grotius (Hugo De Groot, dit) - résumé de l'œuvre
- DISCOURS SUR LE DROIT DE PAIX ET DE GUERRE. (résumé et analyse)
- ROSTOV Nicolas. Personnage du roman de Léon Tolstoï la Guerre et la Paix
- KARATAIEV Platon. Personnage du roman de Léon Tolstoï la Guerre et la Paix