L'extradition de Slobodan Milosevic ébranle le gouvernement fédéral yougoslave
Publié le 17/01/2022
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28 juin 2001
LA DÉCISION du gouvernement de Serbie de transférer Slobodan Milosevic au Tribunal pénal international (TPI) a provoqué la démission, vendredi 29 juin, du premier ministre fédéral, Zoran Zizic. M. Zizic est membre du Parti socialiste populaire (SNP) du Monténégro, qui participe à l'exercice du pouvoir au niveau fédéral yougoslave depuis l'accession de Vojislav Kostunica à la présidence, en octobre 2000. Depuis plusieurs semaines ce parti, ancien allié de celui de Slobodan Milosevic, s'opposait aux projets de coopération avec le TPI.
Zoran Zizic a souligné que sa démission était motivée par la manière dont l'ancien président avait été livré, jeudi, au Tribunal. Slobodan Milosevic a été transféré sur décision du seul gouvernement de Serbie, mais les ministres fédéraux membres de la coalition réformiste serbe (DOS) ont appuyé cette mesure. « En tant que premier ministre et juriste, je ne peux pas être associé à une violation ouverte des droits élémentaires garantis par la Constitution », a dit M. Zizic. En agissant ainsi, la DOS a « gâché les relations au sein du gouvernement yougoslave » et « brisé notre accord d'association », a-t-il ajouté.
Selon M. Zizic, le président yougoslave compte engager dès lundi des consultations pour tenter de mettre sur pied un nouveau cabinet. Il paraît peu probable que le SNP accepte d'y prendre part à nouveau et M. Kostunica risque de se trouver dans une impasse. En effet, la DOS ne dispose au Parlement yougoslave que d'une majorité relative et sans l'appui de grands partis, elle n'a aucune chance de pouvoir légiférer.
Les événements de jeudi ont en outre ébranlé la DOS elle-même, qui est une coalition de dix-huit partis. Le mouvement de M. Kostunica, le Parti démocratique de Serbie (DSS), s'est lancé vendredi dans une virulente attaque contre ses partenaires, faisant implicitement planer la menace d'un retrait de cette coalition. Qualifiant d'« irresponsable » la décision du gouvernement serbe, le DSS a estimé qu'elle représentait une menace pour l'ordre constitutionnel.
Le DSS a exigé « une reconstruction des gouvernements serbe et yougoslave », selon un communiqué diffusé à Belgrade, sans préciser s'il devrait s'agir d'un remaniement ou d'une redéfinition des prérogatives respectives des deux cabinets. Le gouvernement serbe a pu agir jeudi sans consulter formellement le gouvernement fédéral, en vertu d'une disposition introduite dans la constitution par Milosevic à l'époque où il était président de Serbie et voulait s'assurer la réalité du pouvoir.
M. Kostunica, qui est le chef des forces armées, s'est entretenu vendredi avec des responsables militaires de la situation dans le pays. « Tout a été établi pour apaiser les tensions par une solution politique à la crise », indique un communiqué publié après la rencontre.
Une nouvelle manifestation a eu lieu vendredi soir à Belgrade, pour protester contre le transfèrement de Milosevic à La Haye. La participation de leader nationaliste extrémiste Vojislav Seselj a eu pour effet de gonfler les rangs des protestataires par rapport au rassemblement de la veille : environ 10 000 personnes se sont regroupées devant le Parlement, jurant de « punir les traîtres » et conspuant les « tueurs de l'OTAN ». La manifestation n'a donné lieu à aucun incident.
COMPARUTION INITIALE
Slobodan Milosevic a désigné l'avocat Zdenko Tomanovic pour l'assister lors de sa première comparution publique devant le TPI, mardi à La Haye. Au cours de cette comparution initiale, le juge communiquera formellement à Slobodan Milosevic les chefs d'accusation qui pèsent contre lui et lui demandera s'il plaide coupable ou non coupable sur chacune des charges.
Le procureur du TPI Carla Del Ponte a indiqué que l'acte d'accusation concernant les crimes commis au Kosovo, qui avait été rendu public au printemps 1999, avait été élargi depuis et « couvre plus de faits et un nombre additionnel de victimes ». Il ne prend pas en compte, a-t-elle précisé, la campagne d'exhumation de corps qui se déroule actuellement en Serbie. Elle a confirmé qu'une nouvelle inculpation serait prononcée « dans les mois à venir » contre Milosevic, pour son rôle dans les guerres de Croatie (1991) et de Bosnie (1992-1995).
Au cours de sa conférence de presse, Mme Del Ponte a rendu hommage aux Etats-Unis, à l'Allemagne et à la France, ainsi qu'aux Pays-Bas et à la Grande-Bretagne, qui a fourni l'avion dans lequel Milosevic a été conduit à La Haye jeudi. Elle a mentionné en particulier le rôle joué personnellement par le secrétaire d'Etat américain Colin Powell, le président français Jacques Chirac et le chancelier allemand Gerhard Schröder. Le procureur a souhaité que d'autres inculpés soient bientôt livrés au TPI, jugeant particulièrement « déplorable » le fait que Radovan Karadzic et Ratko Mladic soient toujours en liberté.
Tandis que les dirigeants occidentaux se félicitaient du transfèrement de Milosevic, de nombreuses voix se sont élevées à Moscou pour le déplorer. « Le transfèrement de Milosevic ne renforce pas la stabilité de la Yougoslavie », a estimé le ministre des affaires étrangères, Igor Ivanov. Cette décision « fait le jeu des séparatistes au Kosovo et au Monténégro qui sont en faveur d'une sortie de la Fédération » yougoslave, a-t-il regretté, en dénonçant les pressions exercées sur Belgrade. « Les donateurs veulent du sang », a titré en écho le quotidien Vremia Novosteï. Le président du Conseil de la Fédération, Egor Stroïev, habituellement modéré, a été tout aussi critique : « Aujourd'hui, c'est la Yougoslavie qui est mise en pièces, demain cela pourrait concerner la Russie. »
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