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L’évolution des régimes démocratiques

Publié le 29/03/2014

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L’évolution des régimes démocratiques 

 

La volonté de classer les régimes est millénaire. 

En effet, construire des classifications de régimes politiques permet par la suite de mieux analyser ces derniers, afin de découvrir la façon dont ils s’imposent, apparaissent et disparaissent. 

Aujourd’hui la distinction entre les régimes est tripartite, selon le degré de liberté laissé au peuple : les démocraties pluralistes, les régimes autoritaires et les systèmes totalitaires. 

 

La notion de régime sert à rendre compte de la manière dont sont organisés les pouvoirs publics. Lorsque l’on parle des régimes démocratiques, les organes de gouvernement sont issus, directement ou indirectement, d’élections librement disputées. Ces démocraties pluralistes, selon leur organisation constitutionnelle, relèvent plutôt du régime parlementaire, du régime présidentiel ou du régime d’assemblée. 

 

Dans le passé, le modèle de démocratie a été celui d’Athènes. Le pouvoir du plus grand nombre, le gouvernement du peuple. Cependant, nombreuses ont été les critiques de ce mode de gouvernement. Platon, en parle comme d’une « foire de Constitutions «, d’un gouvernement « anarchique, bigarré «, « qui dispense une sorte d’égalité aussi bien à ce qui est inégal qu’à ce qui est égal. «Pour lui la démocratie où règne l’individualisme, détruit la Cité en ce qu’elle est formée par un tout, les citoyens. 

 

S’intéresser à l’évolution des régimes démocratiques, c’est s’attacher à envisager leur avenir, mais également s’interroger sur leur installation ou leurs changements. La philosophie des Lumières a distillé ses idées et la démocratie est restée comme le régime modèle. La démocratie est le régime légitime par excellence, il convient ainsi de se questionner sur son futur, et aussi sur son présent. La démocratie est-elle aujourd’hui telle qu’elle a été imaginée hier ? 

 

En première partie il conviendra d’étudier comment les régimes démocratiques ont été imposés, et sous quelle forme. En somme, un état des lieux des démocraties et de leur fonctionnement aujourd’hui dans le monde. 

En deuxième partie il faudra s’attacher à observer les dérives de ces régimes, leur perte de substance de par leur tendance oligarchique, et finalement l’instauration de régimes dits hybrides. 

 

I. Les régimes démocratiques représentatifs comme système légitime et dominant 

Aujourd’hui, les organisations internationales, les régimes occidentaux considèrent la démocratie comme le régime légitime, et travaillent ainsi (officiellement tout du moins) à sa promotion. Cependant la démocratie comme elle était pratiquée à Athènes n’est plus envisageable dans des Etats de plusieurs millions de citoyens. La démocratie est aujourd’hui représentative. 

A. La démocratie, un régime occidental imposé 

Le régime politique que l’on nomme aujourd’hui démocratie est une réalité récente, puisque le suffrage universel qui le caractérise ne s’est réellement imposé que tardivement, notamment après la Seconde Guerre Mondiale et un mouvement de démocratisation survenu après la victoire des Alliés. Ce premier mouvement a agit un Europe, en Amérique Latine et dans les colonies anglaises accédant à l’indépendance. Cependant ce type de régimes reste minoritaire, avec les totalitarismes du bloc soviétique et les renversements des régimes démocratiques en Amérique latine. 

En 1975, n’étaient dénombrées que 40 démocraties. Aujourd’hui, après trois « vagues « de démocratisation, on compte 88 démocraties dans le monde. Freedom House, une organisation existant depuis 1941 et luttant pour la démocratie et la liberté, fait une typologie des régimes en les classant en trois groupes, libres, partiellement libres et pas libres. Ainsi les régimes libres sont plus nombreux que ceux partiellement libres et également plus nombreux que les régimes pas libres. 

Des organisations internationales, telles que l’ONU par exemple, ou de grandes puissances au rayonnement mondial s’engagent pour l’instauration de régimes démocratiques. Cependant ce positionnement semble parfois hypocrite lorsque l’on sait qu’il a fallu longtemps pour nos démocraties pour accepter le suffrage universel, le droit de vote des femmes etc.… De plus, on pourrait se questionner sur quelle légitimité ont les Etats démocratiques à chercher à imposer son mode de gouvernement. Enfin, cette promotion de la démocratie est souvent officielle, mais il en est autrement lorsque l’on découvre les relations qu’entretiennent les plus grands régimes démocratiques avec certains Etats autoritaires, voire totalitaires. Parfois même jusqu’à imposer un dictateur à la tête d’un Etat, Pinochet au Chili. 

 

Les régimes démocratiques restent donc l’idéal à atteindre, reste à savoir de quelle façon les mettre en place, comment doivent-ils s’organiser ? La « démocratie du peuple, par le peuple, pour le peuple « de LINCOLN est impossible à mettre en œuvre. De ce fait les régimes démocratiques doivent utiliser la forme représentative. 

 

B. La démocratie directe limitée, mise en place d’un système représentatif 

 

Non seulement, le modèle de démocratie directe a rarement trouvé à s’appliquer, il a toujours suscité une méfiance des théoriciens du politique. 

La démocratie telle que nous la connaissons historiquement, et telle qu’elle est en vigueur aujourd’hui, est une démocratie représentative, qui limite autant qu’elle garantit la participation des citoyens aux affaires publiques. 

 

La démocratie directe athénienne se base particulièrement sur le principe du tirage au sort. C Certaines fonctions sont réservées à l’élection, lorsqu’il s’agit notamment de postes de guerre, le mandat électif s’y justifie de part la nécessité de compétences dans ces domaines. 

Le principe du tirage au sort obéit à des impératifs politiques, il traduit l’égalité entre citoyens et limite les manœuvres qui peuvent exister lors d’une élection. L’alternance entre gouvernants et gouvernés signifie que tout citoyen « doit commander et obéir à son tour « (Aristote). 

La participation citoyenne est très importante dans le régime athénien, selon Périclès, l’homme qui ne prend pas part aux affaires publiques est un « citoyen non pas tranquille, mais inutile «. 

 

Cependant, des critiques naissent rapidement. On y évoque notamment le manque de compétence du citoyen, le manque de capacité ou de savoir-faire politique. Ainsi vont naître les « démagogues «, de bons orateurs qui flattent les citoyens tirés au sort pour faire partie de la Boulê. Platon dénonce la fragilité qui découle d’une démocratie fondée sur la parole. 

Ainsi va naître l’idée de représentation, qui trouve son accomplissement dans le parlementarisme britannique qui démantèle l’autorité absolue du monarque. 

Montesquieu considérait que « le grand avantage des représentants c’est qu’ils sont capables de discuter des affaires. Le peuple n’y est point du tout propre. « 

Il faut donc mettre chaque fonction entre les mains d’experts, et écarter les masses, incompétentes et immatures. Stuart Mill, au XIXème, est convaincu que la « minorité éclairée « au pouvoir offre « l’idéal de la meilleure forme de gouvernement. « 

Ainsi, dans nos démocraties actuelles, le système représentatif s’est imposé, en ce qu’il unifie un peuple dispersé. Pour Hobbes, une multitude d’homme devient un peuple lorsqu’elle est représentée par un homme, avec le consentement de chaque individu de cette multitude. 

 

Ainsi, aujourd’hui la démocratie tend à être le régime dominant, du moins la volonté des occidentaux est de l’imposer. Mais la démocratie s’impose sous sa forme la plus répandue ; la forme représentative, à l’inverse du modèle démocratique athénien. Cependant, les critiques envers ce régime sont de plus en plus nombreuses, qu’en est-il aujourd’hui des abus de l’utilisation de la démocratie ? 

 

II. Les dérives des régimes démocratiques engendrant leur redéfinition. 

En premier lieu, l’organisation même des régimes démocratiques en systèmes représentatifs donne lieu à des dérives très importantes, notamment oligarchiques. La concentration du pouvoir entre les mains d’une élite engendre une progressive désaffection de la politique de la part des citoyens, la substance même de la démocratie. Apparaissent progressivement des régimes « hybrides « entre démocratie et autoritarisme. 

A. Une démocratie plus tout à fait représentative 

En premier lieu la domination d’une élite survivrait aux métamorphoses du système représentatif. En effet, l’élection, même élargie, demeurerait un facteur de distinction. La professionnalisation du politique, débutée au XIXème avec l’émergence des grands partis politiques, ne cesse de creuser l’écart entre gouvernants et gouvernés. 

Les médias, ne remplacent pas l’agora citoyenne où l’on écoute ses représentants. En effet, la transparence n’est pas toujours garantie, les images circulant sont parfois simplificatrices et déformées. 

Ainsi, la relation de représentation, par nature asymétrique n’est en rien rééquilibrée par l’émergence de ces élites. Les citoyens, sont toujours écartés de la participation à la décision publique. Le suffrage universel légitime la représentation seulement, et en réalité il n’offre pas aux électeurs la maîtrise de la politique. Les électeurs sont murés dans un rôle passif de gouvernés. Mais déjà au XVIIIème, Rousseau comparait l’aliénation constitutive de la représentation à de l’esclavage. 

Plus tard, Marx dira que la représentation masque la domination économique de la bourgeoisie, qui, sous couvert de la protection de l’intérêt général, s’est approprié l’appareil d’Etat. 

En second lieu, conjointement à cette apparition d’une oligarchie représentative, un phénomène de désaffection des citoyens pour la politique se met peu à peu en place. En France notamment, les partis politiques ont un des plus petit nombre d’adhérents d’Europe. Même chose en ce qui concerne les syndicats. L’expression « tous pourris « résume l’état d’esprit des citoyens qui ne croient plus en la sincérité ni l’efficacité des hommes et des femmes politiques, notamment après les divers scandales auxquels font face les partis. Ainsi, l’élection, base même de la démocratie représentative se voit elle aussi désertée et l’abstention gagne de plus en plus de terrain. 

 

Ainsi, la démocratie représentative, évolution inévitable des régimes démocratiques, n’est pas sans défaut et aujourd’hui les représentants forment une élite qui ne semble plus être en contact avec la masse des citoyens, ces derniers mettant de plus en plus de côté la politique pour s’engager dans d’autres formes d’organisations de médiation comme les associations ou les corporations. 

La faible participation politique et le manque de représentativité sont également dus à une sensation de la part des citoyens d’un déficit démocratique croissant. 

 

B. Entre démocratie et autoritarisme, vers des régimes hybrides ? 

L’élite politique dans les démocraties représentatives se confond la plupart du temps avec l’élite économique. Une impression de plus en plus marquée chez les citoyens qu’il existe une Justice à deux vitesses, que les médias ne sont pas objectifs, que les entreprises multinationales valent plus que la masse des citoyens. 

Mais tout à la fois, perdurent les élections, les référendums, les contrôles de la part d’organisations indépendantes… C’est ce que l’on appelle les « régimes hybrides «, entre démocratie et autoritarisme. 

C’est l’évolution que l’on observe dans les régimes classés autoritaristes et qui intègrent de plus en plus des méthodes démocratiques à leur organisation. Dans les démocraties occidentales, on parle de « douces tyrannies «, réduisant la liberté des individus au nom de la sécurité de tous. 

Ainsi va l’évolution des régimes démocratiques, vers une disparition de sa substance ; la participation des citoyens, et vers une hybridation, où la démocratie perd du terrain face au « tout sécuritaire «, face aux élites au pouvoir, face à l’économie. Ainsi, la volonté millénaire de classer les régimes politiques se doit d’être revue, est-ce encore pertinent de parler de démocratie pluraliste, d’autoritarisme et de totalitarisme ?

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