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L'Europe aurait besoin de 159 millions d'immigrés d'ici à 2025 (Article de presse)

Publié le 17/01/2022

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4 octobre 1999 Les conclusions d'un rapport préliminaire de l'ONU - dont le titre provisoire est "Migrations de remplacement : une solution aux populations en déclin et vieillissantes" - qui devrait être finalisé en mars 2000, sont politiquement explosives. A en croire les démographes de la division de la population des Nations unies, afin de maintenir l'équilibre actuel moyen de quatre à cinq actifs pour un retraité, l'Union européenne devrait ouvrir ses portes, d'ici à 2025, à 159 millions de travailleurs immigrés ! Ne serait-ce que pour maintenir le nombre des actifs au niveau où il était en 1995, l'UE a besoin d'importer une main d'oeuvre de 35 millions d'immigrés. "Nous sommes conscients que ces chiffres sont politiquement inacceptables pour les Européens, explique le directeur de la division de la population de l'ONU, Joseph Chamie, mais franchement, je ne vois pas d'autre solution que de regarder ces problèmes en face : les populations de tous les pays du monde vieillissent, mais, en Europe, elles vieillissent à un taux alarmant, et il est indispensable de prendre en compte les conséquences économiques et sociales de ce fait", explique M. Chamie. Certes, le rapport ne constitue qu'une projection simple, "mécanique", des données démographiques actuelles sur le quart de siècle à venir. Il se fonde sur les taux actuels de natalité (1,4 enfant par femme dans l'Europe communautaire), en régression dans tout le monde industriel, sur la poursuite à l'identique de la tendance au vieillissement des populations, sur le maintien d'une croissance comparable, sur des gains de productivité sans changements, etc. Ainsi en vient-il à la conclusion que, compte tenu de l'allongement de la durée de la vie (et donc des implications induites pour le financement des retraites), de l'entrée de plus en plus tardive des jeunes, de mieux en mieux éduqués, sur le marché du travail, enfin et surtout, de la baisse de la fécondité, on ne comptera plus, dans cinquante ans, que deux actifs pour un inactif dans les pays riches. QUATRE SCÉNARIOS Conclusion : l'Europe doit trouver, durant le prochain quart de siècle, un apport de main d'oeuvre de 159 millions de personnes (et les Etats-Unis de 150 millions) pour maintenir les grands équilibres socio-économiques ! Et, ajoute le pré-rapport, où les trouver sinon en faisant appel aux migrants. On est là immensément en deçà des prévisions annoncées par les gouvernements européens (lire ci-dessous). Car, si rien ne vient perturber les évolutions actuelles, en 2050, plus de 47 % de la population de l'Union européenne aura passé l'âge de la retraite, alors que le nombre de personnes de moins de 59 ans aura baissé de 11 %. "Nous avons beau être fiers de nos lois sociales, explique le Français Joseph Alfred Grinblat, l'un des rédacteurs du rapport, elles ont été faites en grande partie dans un contexte de cinq travailleurs pour un retraité. Lorsque l'on aura deux travailleurs pour un retraité, il sera physiquement et économiquement impossible d'offrir les mêmes bénéfices aux personnes âgées." Le choix serait donc, explique-t-il, "entre un très grand nombre de travailleurs immigrés, ce qui politiquement est irréaliste, et l'augmentation de l'âge de la retraite, ce qui se heurte au problème du chômage en Europe". Le pré-rapport de l'ONU étudie plus précisément l'évolution démographique dans huit pays : la France, l'Allemagne, l'Italie, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, le Japon, la Russie et la Corée du Sud. Ces pronostics courent sur deux périodes distinctes : de 1995 (compte tenu des données sur les cinq ans écoulés, qui fondent les évolutions prévues) jusqu'en 2025, puis jusqu'en 2050. Quatre scénarios y seront explorés : les évolutions de population avec zéro migration ; le nombre d'immigrants nécessaires pour maintenir le niveau de la population, le nombre d'immigrants nécessaires pour maintenir le niveau de la population active à celui de 1995 et enfin le nombre d'entrées nécessaires pour maintenir le rapport entre la population active (15 ans à 60 ou 65 ans) et la population à la retraite (plus de 65 ans). Exemples : si les tendances actuelles se confirment, la population italienne passerait de 57 millions à 41 d'ici 2050. Celle de la Russie de 147 millions à 121, celle du Japon de 127 à 105. En 2050, l'âge médian en Espagne serait de 54,3 ans. Selon le directeur de la division de la population, les hommes politiques en Europe devraient "d'abord cesser de pratiquer la politique de l'autruche et faire face à la réalité du facteur démographique. Imaginez que le monde soit une montre, dit M. Chamie, les chefs d'Etat regardent l'aiguille des secondes, alors que nous, démographes, regardons celle des heures, qui avance beaucoup moins vite, mais a des conséquences à long terme. " Et d'évoquer les réactions "prévisibles" au rapport en préparation. "Nous savons qu'aucun homme politique, en Europe ou ailleurs, ne sera réélu en proposant l'entrée, par millions, de travailleurs immigrés ; que les syndicats en Europe veulent abaisser l'âge de la retraite au lieu de l'augmenter. Nous ne proposons pas de solutions politiques. On regarde les chiffres et on demande : qui va s'occuper des 47 % d'inactifs ?" Chargé de la partie du rapport sur l'Amérique du Nord, Larry Heligman explique que les Etats -Unis, le Canada et l'Australie "ont trouvé une solution en ouvrant leurs portes aux immigrés". Un million de travailleurs immigrés entrent chaque année aux Etats-Unis "sans que cela affecte le taux de chômage, au contraire". Et d'induire que les Européens feraient bien de s'en inspirer. L'UNIQUE SOLUTION ? "Le modèle américain, estime pour sa part le démographe Michael Teitelbaum , de la Fondation Alfred P. Sloan , n'est peut-être pas pour tout le monde. Peut-être les Européens préfèrent-ils leur qualité de vie à une économie à l'américaine." Lui juge que le niveau des migrations prévu par l'ONU n'est "pas inévitable". "Tout dépend de ce que l'on veut dans la vie." Se disant "surpris" par la future publication du rapport, un diplomate occidental estime que l'immigration n'est pas la seule solution au vieillissement de l'Europe : "Que l'Europe vieillisse et que les taux de natalité soient faibles, nous le savons. Mais je ne suis pas sûr que l'on puisse compenser ces tendances par les travailleurs migrants." Le financement des budgets sociaux est "déjà un grand sujet de préoccupation en Europe", admet-il, mais lui préfère miser sur la "probabilité" d'une croissance économique avec moins d'emplois. AFSANE BASSIR POUR AVEC SYLVAIN CYPEL Le Monde du 6 janvier 2000

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