L’éthique socialiste Émile ZOLA
Publié le 24/03/2020
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L’éthique socialiste
Émile ZOLA
1840 - 1902 Germinal (1885)
Chaque soir, après le travail, les mineurs s’attardent chez les Maheu pour déplorer leur dure condition d’existence. Etienne Lantier, jeune homme influencé par les doctrines socialistes et embauché depuis quelques mois par la Compagnie des mines, leur fait entrevoir la possibilité d’une autre organisation sociale.
Alors, la Maheude s’en mêlait.
«L’embêtant, voyez-vous, c’est lorsqu’on se dit que ça ne peut pas changer... Quand on est jeune, on s’imagine que le bonheur viendra, on espère des choses : et puis, la misère recommence toujours, on reste enfermé là-dedans... Moi, je ne veux du mal à personne, mais il y a des fois où cette injustice me révolte. »
Un silence se faisait, tous soufflaient un instant, dans le malaise vague de cet horizon fermé. Seul, le père Bonnemort, s’il était là, ouvrait des yeux surpris, car de son temps on ne se tracassait pas de la sorte : on naissait dans le charbon, on tapait à la veine1, sans en demander davantage ; tandis que, maintenant, il passait un air qui donnait de l’ambition aux charbonniers.
«Faut cracher sur rien, murmurait-il. Une bonne chope est une bonne chope... Les chefs, c’est souvent de la canaille; mais il y aura toujours des chefs, pas vrai ? inutile de se casser la tête à réfléchir là-dessus. »
Du coup, Etienne s’animait. Comment! la réflexion serait défendue à l’ouvrier! Eh! justement, les choses changeraient bientôt, parce que l’ouvrier réfléchissait à cette heure. Du temps du vieux, le mineur vivait dans la mine comme une brute, comme une machine à extraire la houille, toujours sous la terre, les oreilles et les yeux bouchés aux événements du dehors. Aussi les riches qui gouvernent avaient-ils beau jeu de s’entendre, de le vendre et de l’acheter, pour lui manger la chair : il ne s’en doutait même pas. Mais, à présent, le mineur s’éveillait au fond, germait dans la terre ainsi qu’une vraie graine ; et l’on verrait un matin ce qu’il pousserait au beau milieu des champs : oui, il pousserait des hommes, une armée d’hommes qui rétabliraient la justice. Est-ce que

«
ÉTHIQUES ET CITOYENNETÉ
tous les citoyens n'étaient pas égaux depuis la Révolution? Puisqu'on
votait ensemble, est-ce
que l'ouvrier devait rester l'esclave du patron
30 qui le payait? Les grandes Compagnies, avec leurs machines, écrasaient
tout, et
l'on n'avait même plus contre elles les garanties de l'ancien
temps, lorsque les gens
du même métier, réunis en corps, savaient se
défendre.
C'était pour ça, nom de Dieu! et pour d'autres choses, que
tout pèterait un jour, grâce à l'instruction.
On n'avait qu'à voir dans le
35 coron même: les grands-pères n'auraient pu signer leur nom, les pères
le signaient déjà, et quant aux fils, ils lisaient et écrivaient comme des
professeurs.
Ah! ça poussait, ça poussait petit à petit, une rude mois
son
d'hommes, qui mûrissait au soleil! Du moment qu'on n'était plus
collé
chacun à sa place pour l'existence entière, et qu'on pouvait avoir
40 l'ambition de prendre la place du voisin, pourquoi donc n'aurait-on
pas
joué des poings, en tâchant d'être le plus fort?
Maheu, ébranlé, restait cependant plein de défiance.
Germinal III, chap.
3.
1.
C'csr-à-dirc dans la couche de charbon.
• Rrécisez les différentes conceptions de la société et de son avenir qui s'opposent
dans
ce passage.
1 ' -: • Qe laquelle de ces conceptions Zola vous paraît-il le plus proche? A quels indices le
~upposez-vous?
• Quelle métaphore donne son unité
à ce passage? Précisez-en la valeur symbolique
~t la portée philosophique.
i, > Groupement de textes: voir 63 -69.
llS.
»
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