L’enfant noir Romain GARY - Texte seul

L’enfant noir

Romain GARY

1914 - 1980

La Vie devant soi (1975)

Le narrateur est un jeune enfant arabe qui s’appelle Momo. Une vieille femme juive, Mme Rosa, s’occupe de Momo et de plusieurs enfants de prostituées dans le quartier de Belleville à Paris, où se concentre une forte population d’immigrés.

Lorsque les mandats cessaient d’arriver pour l’un d’entre nous, Madame Rosa ne jetait pas le coupable dehors. C’était le cas du petit Banania, son père était inconnu et on ne pouvait rien lui reprocher ; sa mère envoyait un peu d’argent tous les six mois et encore. Madame 5 Rosa engueulait Banania mais celui-ci s’en foutait parce qu’il n’avait que trois ans et des sourires. Je pense que Madame Rosa aurait peut-être donné Banania à l’Assistance1 mais pas son sourire et comme on ne pouvait pas l’un sans l’autre, elle était obligée de les garder tous les deux. C’est moi qui étais chargé de conduire Banania dans les foyers 10 africains de la rue Bisson pour qu’il voie du noir, Madame Rosa y tenait beaucoup.

— Il faut qu’il voie du noir, sans ça, plus tard, il va pas s’associer.

Je prenais donc Banania et je le conduisais à côté. Il était très bien reçu car ce sont des personnes dont les familles sont restées en Afrique 15 et un enfant, ça fait toujours penser à un autre.

Romain Gary (Émile Ajar), La Vie devant soi, Éd. Le Mercure de France.

1. Assistance publique.

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