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Leclerc, héros et victime du désert

Publié le 17/01/2022

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2 mars 1941 - A Oran, avant le décollage vers Colomb-Béchar, on avait annoncé une tempête de sable sur le trajet. Le général Leclerc en avait connu bien d'autres. Il considérait au demeurant l'avion comme un véhicule comme les autres et la météorologie ne l'effrayait pas. C'était le 28 novembre 1947. L'avion, un bimoteur Mitchell, s'écrasa sur le remblai de la voie ferrée du Méditerranée-Niger, entre Oujda et Kenadsa. Les douze occupants furent tués. Le désert, avait eu raison du plus populaire des généraux français, ce même désert qui avait été à l'origine de sa gloire. En 1940, lorsque les hommes de la France libre, pour protéger leurs familles restées sur le sol national, adoptèrent des noms de guerre, certains prirent celui d'une station de métro. Le capitaine de Hauteclocque, terrien et provincial, choisit de s'appeler Leclerc, un vieux nom picard. Picard, il l'était, né à Belloy-Saint-Léonard, dans la Somme, cinquième enfant d'une famille de vieille aristocratie. Des soldats et des chasseurs. Un monde aujourd'hui quasi disparu, très croyant, très strict, attaché aux traditions. Fortuné, aussi : en cadeau de noce, son père lui offrira un château, celui de Tailly, près de Belloy. Leclerc est un soldat chimiquement pur. Un grand fauve dont les impulsions sont dirigées et contenues par un code de valeurs très strictes. Il a reçu la formation de son milieu, sans la discuter : collège religieux, Saint-Cyr, la cavalerie. Très jeune, il est déjà, un des officiers les plus brillants et les plus admirés de sa génération. Il lui faut, loin des casernes, de l'action. Il part au Maroc, où l'on se bat contre la dissidence, commande un goum au combat. De Londres au Tchad Instructeur de cavalerie à Saint-Cyr, capitaine, l'Ecole de guerre, six enfants. Pas de politique. 1940 : chef du 3e bureau d'une division, il refuse d'attendre la captivité, tente de traverser les lignes allemandes à pied et à bicyclette, est pris, s'évade, retourne au combat dans un régiment de cuirassiers. Il est blessé à la tête, capturé, s'échappe encore. L'armistice, il ne l'accepte pas une seconde. Cet aristocrate de tradition n'est pas tenté un instant par le conservatisme triomphant dans la défaite. Pour lui, les choses sont simples et le resteront toujours : il n'accepte pas que la France soit battue. Un passeport falsifié lui permet de franchir la frontière espagnole, de rejoindre Londres par Lisbonne. De Gaulle, le 25 juillet 1940 : l'allégeance totale. Le capitaine, promu commandant, est envoyé dès le 6 août, avec René Pleven et Claude Hettier de Boislambert, à la conquête de l'Empire. Rien dans les mains, ou presque. Le 26, il entre au Cameroun en pirogue, s'empare sans coup férir de Douala et se retrouve colonel - pour impressionner - et gouverneur du Cameroun. Le 2 décembre, le colonel Leclerc arrive à Fort-Lamy comme commandant militaire du Tchad. Le 3, cet éternel impatient décide d'attaquer la grande oasis libyenne de Koufra, occupée par les Italiens. Koufra est à 1700 kilomètres, au milieu du plus grand blanc de la carte du Sahara. Autour de la palmeraie, " quatre cents kilomètres de néant ". Après des opérations de diversion vers Mourzouk, Leclerc, parti de Largeau avec une centaine de vieux camions devenus " véhicules de combat ", cent Européens et deux cent cinquante méharistes et tirailleurs, bat la compagnie saharienne italienne, met le siège devant la forteresse. Les négociations pour une éventuelle suspension d'armes l'exaspèrent. Il saute dans la voiture des parlementaires italiens effarés, rentre avec eux dans le fort, dont le commandant capitule. C'est le 1er mars 1941. Devant ses hommes, Leclerc jure solennellement de ne s'arrêter qu'à Strasbourg. Leclerc n'est pas un cavalier qui charge à tout va. On ne traverse pas le désert, on ne conduit pas des opérations foudroyantes sans prévoir et organiser minutieusement le ravitaillement en vivres et en carburant, l'approvisionnement en munitions, surtout lorsqu'on dispose de moyens plus que médiocres. Dans l'action, Leclerc, en revanche, ne cesse de houspiller ses hommes. Il pousse les camions ensablés, comme plus tard, en Indochine, général d'armée, il se jette à l'eau pour dégager son hydravion d'un banc de sable. Le Fezzan, maintenant : une série d'oasis avec leurs garnisons italiennes. Il y lance en éventail ses unités. Le Fezzan est conquis le 12 janvier 1943. Pas question de se laisser oublier à la remorque de la puissante VIIIe armée, qui fonce vers Gabès. A Ksar-Rhilane, la " force L " rencontre pour la première fois une colonne blindée allemande. Bien retranchée, elle lui démolit soixante véhicules. Les Allemands renoncent. Dans la poursuite qui s'achève au cap Bon, au nord de Tunis, Leclerc, chaque fois qu'il le peut, galope en tête et dépasse ses objectifs. L'entrée de l'Algérie de Giraud est interdite à la " force L ", cette bande d'aventuriers ultragaullistes qui ont rompu leur ban et refusé l'autorité de Pétain dès 1940. Giraud et Leclerc s'en expliqueront durement et ne se serreront pas la main. Le premier est fou de rage : on déserte ses forces à pleins camions pour aller s'engager chez Leclerc, dont les effectifs se gonflent à vue d'oeil de jeunes Français passés en Afrique du Nord en dépit des Allemands et qui supportent mal d'y retrouver l'esprit de Vichy. De Gaulle maître à Alger à partir de mai 1943, la " force L ", malgré bien des réticences des giraudistes, est une des grandes unités que les Américains, à Anfa, ont promis d'équiper. Nait la 2e division blindée, au Maroc, près de Casablanca. Rude besogne, la division a reçu en renforts des régiments de l'armée d'Afrique. Dans leurs mess trône encore souvent le portrait de Pétain. On se traite de " nazis " et de " dissidents ". Lorsque, le 1er août 1944, la division, passée en Angleterre, débarque dans le Cotentin, son esprit de corps est tel que les nouveaux venus laissent volontiers entendre qu'ils étaient à Koufra... La chevauchée vers Paris Leclerc fonce vers le Sud, libère Le Mans, remonte vers Alençon, traverse la forêt d'Ecouves, sous la coupe du général américain Bradley, et participe à la fermeture, à Argentan, de la poche où est enfermée la VIIe armée allemande. Va-t-on libérer Paris dans la lancée ou, comme l'a prévu le commandement allié, contourner la capitale ? Pas de réponse. Sans attendre les ordres de Bradley, Leclerc lance un détachement vers Paris. Fureur des Américains, puis Eisenhower cède devant cet insupportable personnage qui n'obéit que quand il le juge utile. Et qui grossit sa division par tous les moyens. En engageant tout au long de sa route de jeunes volontaires et aussi en subtilisant aux Américains, grâce à des équipes spécialisées dans l' " enlèvement " et le maquillage, des chars, des camions, des jeeps. Chevauchée vers Paris à bride abattue. Combats dans la banlieue sud. Le détachement du capitaine Dronne arrive à l'Hôtel de Ville. Les chars de la division entrent par la porte d'Orléans au milieu d'un enthousiasme délirant, écrasent au prix de quelques pertes les réduits fortifiés allemands dans la capitale le 25 août. Le général von Choltitz, commandant allemand du Gross Paris, est fait prisonnier à l'hôtel Meurice. Il signe sa reddition à la Préfecture de police puis, à la gare Montparnasse, en précise les modalités d'exécution. Leclerc contresigne et laisse contresigner le texte par le colonel Rol-Tanguy, communiste, chef des FFI de l'Ile-de-France, qui se sont battus dans Paris insurgé. De Gaulle est furieux : il n'est nul besoin à ses yeux de consacrer l'importance de la Résistance intérieure, alors qu'il va s'employer à la diviser. La 2e DB ne s'attarde pas à Paris et continue la poursuite des forces allemandes. La Lorraine, puis, au terme d'une incroyable chevauchée, Strasbourg, où les Allemands ne l'attendaient pas. Le serment de Koufra est accompli : " Maintenant, dit Leclerc, on peut crever. " Le gouvernement commet alors une erreur grave : placer la 2e DB sous les ordres de Jean de Lattre de Tassigny, qui commande la Ire armée française. Les deux hommes ne sympathisent guère, leurs entourages non plus. Tempête. La 2e DB repasse sous commandement américain. Elle est ensuite envoyée au repos à Châteauroux. Son chef, qui jusqu'alors, n'a jamais dit un mot de politique dans ses contacts parfois orageux avec de Gaulle, s'inquiète du désordre d'une France " révolutionnaire " où se résorbent difficilement les séquelles de la Libération. Le 22 décembre, il envoie le colonel de Langlade proposer au chef du gouvernement provisoire de faire participer ses hommes au maintien de l'ordre dans les communes. Langlade est proprement mis à la porte : " Vous direz au général Leclerc que l'ordre intérieur de la France est de mon ressort et non du sien ! " Pas question que la 2e DB soit absente de l'hallali. Après avoir participé à la libération de Royan, elle se précipite en Allemagne et entre dans le repaire de Hitler, à Berchtesgaden. Son chef a à peine le temps de redevenir, à Tailly, Philippe de Hauteclocque. En août 1945, il est désigné comme commandant supérieur des troupes françaises en Indochine. De Gaulle l'a coiffé d'un commandant en chef, l'amiral Georges Thierry d'Argenlieu, haut commissaire de France. Il appartient à Leclerc, après avoir signé au nom de la France l'acte de capitulation japonaise à bord du cuirassé américain Missouri, de préparer le retour des forces françaises dans la péninsule en pleine anarchie. Les Japonais sont encore là et favorisent les mouvements nationalistes. Les Chinois occupent le nord du 16e parallèle. Une brigade anglaise est à Saigon. A Candy, dans l'île de Ceylan, l'état-major français réunit des moyens malgré la pénurie de navires alliés. Massu est envoyé en avant-garde à Saigon, où Leclerc le rejoint. Coup de boutoir après coup de boutoir, le Sud est dégagé. Restait à prendre pied au nord, que les hommes d'un seigneur de la guerre envoyé par Tchiang Kaï-Chek pressurent sans vergogne. Le général Salan mène à Tchoung-King des négociations difficiles. Le 6 mars 1946, une petite flotte française, à bord de laquelle Leclerc s'est embarqué, force l'entrée de la rivière de Haïphong. Une convention est signée le 13 mars. Les troupes vietnamiennes assureront avec les Français la relève des Chinois. Avec le chef communiste du Vietminh, Ho Chi Minh, les rapports sont courtois. A la subtilité de son interlocuteur Leclerc répond avec une franchise sans détour. Le général se convainc vite que la France n'a rien à gagner à une guerre qui promet d'être longue et sanglante, à des milliers de kilomètres de la métropole, et qu'il faut traiter. L'amiral Thierry d'Argenlieu ne partage pas longtemps ces vues. Leclerc rentre en France en juillet 1946. Il ne retournera en Indochine que pour une brève mission que lui confiera Léon Blum, devenu président du conseil. Il est nommé inspecteur des forces terrestres d'Afrique du Nord. C'est alors qu'il disparaît brutalement au cours d'une tournée au Maghreb. JEAN PLANCHAIS Le Monde du 30 novembre 1987

« De Gaulle maître à Alger à partir de mai 1943, la " force L ", malgré bien des réticences des giraudistes, est une des grandesunités que les Américains, à Anfa, ont promis d'équiper.

Nait la 2 e division blindée, au Maroc, près de Casablanca.

Rude besogne, la division a reçu en renforts des régiments de l'armée d'Afrique.

Dans leurs mess trône encore souvent le portrait dePétain.

On se traite de " nazis " et de " dissidents ".

Lorsque, le 1 er août 1944, la division, passée en Angleterre, débarque dans le Cotentin, son esprit de corps est tel que les nouveaux venus laissent volontiers entendre qu'ils étaient à Koufra... La chevauchée vers Paris Leclerc fonce vers le Sud, libère Le Mans, remonte vers Alençon, traverse la forêt d'Ecouves, sous la coupe du généralaméricain Bradley, et participe à la fermeture, à Argentan, de la poche où est enfermée la VII e armée allemande.

Va-t-on libérer Paris dans la lancée ou, comme l'a prévu le commandement allié, contourner la capitale ? Pas de réponse. Sans attendre les ordres de Bradley, Leclerc lance un détachement vers Paris.

Fureur des Américains, puis Eisenhower cèdedevant cet insupportable personnage qui n'obéit que quand il le juge utile.

Et qui grossit sa division par tous les moyens.

Enengageant tout au long de sa route de jeunes volontaires et aussi en subtilisant aux Américains, grâce à des équipes spécialiséesdans l' " enlèvement " et le maquillage, des chars, des camions, des jeeps. Chevauchée vers Paris à bride abattue.

Combats dans la banlieue sud.

Le détachement du capitaine Dronne arrive à l'Hôtel deVille.

Les chars de la division entrent par la porte d'Orléans au milieu d'un enthousiasme délirant, écrasent au prix de quelquespertes les réduits fortifiés allemands dans la capitale le 25 août.

Le général von Choltitz, commandant allemand du Gross Paris,est fait prisonnier à l'hôtel Meurice. Il signe sa reddition à la Préfecture de police puis, à la gare Montparnasse, en précise les modalités d'exécution.

Leclerccontresigne et laisse contresigner le texte par le colonel Rol-Tanguy, communiste, chef des FFI de l'Ile-de-France, qui se sontbattus dans Paris insurgé.

De Gaulle est furieux : il n'est nul besoin à ses yeux de consacrer l'importance de la Résistanceintérieure, alors qu'il va s'employer à la diviser. La 2 e DB ne s'attarde pas à Paris et continue la poursuite des forces allemandes.

La Lorraine, puis, au terme d'une incroyable chevauchée, Strasbourg, où les Allemands ne l'attendaient pas. Le serment de Koufra est accompli : " Maintenant, dit Leclerc, on peut crever.

" Le gouvernement commet alors une erreurgrave : placer la 2 e DB sous les ordres de Jean de Lattre de Tassigny, qui commande la Ire armée française.

Les deux hommes ne sympathisent guère, leurs entourages non plus.

Tempête.

La 2 e DB repasse sous commandement américain.

Elle est ensuite envoyée au repos à Châteauroux. Son chef, qui jusqu'alors, n'a jamais dit un mot de politique dans ses contacts parfois orageux avec de Gaulle, s'inquiète dudésordre d'une France " révolutionnaire " où se résorbent difficilement les séquelles de la Libération.

Le 22 décembre, il envoie lecolonel de Langlade proposer au chef du gouvernement provisoire de faire participer ses hommes au maintien de l'ordre dans lescommunes.

Langlade est proprement mis à la porte : " Vous direz au général Leclerc que l'ordre intérieur de la France est de monressort et non du sien ! " Pas question que la 2 e DB soit absente de l'hallali.

Après avoir participé à la libération de Royan, elle se précipite en Allemagne et entre dans le repaire de Hitler, à Berchtesgaden. Son chef a à peine le temps de redevenir, à Tailly, Philippe de Hauteclocque.

En août 1945, il est désigné comme commandantsupérieur des troupes françaises en Indochine.

De Gaulle l'a coiffé d'un commandant en chef, l'amiral Georges Thierryd'Argenlieu, haut commissaire de France.

Il appartient à Leclerc, après avoir signé au nom de la France l'acte de capitulationjaponaise à bord du cuirassé américain Missouri, de préparer le retour des forces françaises dans la péninsule en pleine anarchie.Les Japonais sont encore là et favorisent les mouvements nationalistes.

Les Chinois occupent le nord du 16 e parallèle.

Une brigade anglaise est à Saigon.

A Candy, dans l'île de Ceylan, l'état-major français réunit des moyens malgré la pénurie de naviresalliés.

Massu est envoyé en avant-garde à Saigon, où Leclerc le rejoint.

Coup de boutoir après coup de boutoir, le Sud estdégagé. Restait à prendre pied au nord, que les hommes d'un seigneur de la guerre envoyé par Tchiang Kaï-Chek pressurent sansvergogne. Le général Salan mène à Tchoung-King des négociations difficiles.

Le 6 mars 1946, une petite flotte française, à bord delaquelle Leclerc s'est embarqué, force l'entrée de la rivière de Haïphong.

Une convention est signée le 13 mars.

Les troupesvietnamiennes assureront avec les Français la relève des Chinois.

Avec le chef communiste du Vietminh, Ho Chi Minh, lesrapports sont courtois.

A la subtilité de son interlocuteur Leclerc répond avec une franchise sans détour.. »

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