Le Sommet de Nice, accord minimal pour une nouvelle étape vers l'Europe des vingt-huit
Publié le 17/01/2022
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11 décembre 2000
Jacques Chirac et Lionel Jospin l'avaient répété à satiété : « mieux vaut pas d'accord qu'un accord au rabais »... Ils n'ont pas tenu cet engagement, comme le démontrent les résultats très limités auxquels sont parvenus les chefs d'Etat et de gouvernement des Quinze, lundi matin 11 décembre, après quatre jours de laborieuses négociations et du sommet le plus long de l'histoire de la construction européenne. Le président de la République et le premier ministre se sont félicités de ces conclusions - qualifiées de « convenables » par M. Chirac -, tout en reconnaissant qu'elles restaient en-deçà de leurs espoirs. Le chef de l'Etat a justifié cette déception en expliquant qu'il ne suffit pas de décider de réformes, mais qu'il faut ensuite faire accepter et ratifier celles-ci par les opinions publiques et les Parlements nationaux.
L'enjeu majeur de cette réunion était de préparer l'élargissement de l'Union en réformant le fonctionnement de ses institutions. Sur les quatre principaux points figurant à l'ordre du jour, à savoir la taille de la Commission européenne, la repondération des voix au Conseil des ministres, l'extension du champ des décisions prises à la majorité qualifiée et, enfin, les coopérations renforcées, seules les conclusions concernant le quatrième répondent aux attentes.
Ce maigre bilan semble indiquer que l'intégration à Quinze, et a fortiori dans une Europe élargie à plus de vingt pays, a peut-être atteint des limites politiques dont il faudra tenir compte dans le débat sur la future architecture de l'Europe. Celui-ci a été formellement lancé à Nice et il se développera progressivement pour culminer lors d'une nouvelle conférence intergouvernementale, en 2004.
ACCUSATION DE PARTIALITÉ
Manifestement, l'ambition européenne d'un certain nombre d'Etats membres - en particulier la Grande-Bretagne et la Suède - est très en-deçà de ce que souhaite le reste de l'Union. Telle n'est pas l'unique raison de l'échec de Nice. Il a régné tout au long de cette négociation une ambiance crispée, dont la présidence française a fait les frais. Outre le fait qu'elle a été accusée par plusieurs délégations de partialité dans la conduite des travaux, le mauvais état de la relation franco-allemande s'est manifesté à plusieurs reprises. Ce fut patent au début de la rencontre, lorsque furent évoqués les problèmes financiers liés à la crise de la vache folle, mais, et bien que de façon feutrée, tout aussi évident à propos de la fixation d'une nouvelle grille de droits de vote au Conseil.
Le refus de la France de donner plus de voix à l'Allemagne qu'à elle-même, en dépit d'une population supérieure de vingt millions, a envenimé le débat sur la repondération, la plupart des autres pays soutenant la position de Berlin. L'irritation à l'encontre de la France s'est renforcée lorsque la présidence demanda à certains pays de faire des concessions, pour les mêmes raisons démographiques, alors qu'elle-même s'y refusait. Les négociations sur la repondération des voix se sont poursuivies jusqu'à lundi matin, la présidence présentant, longtemps sans succès, compromis sur compromis, en étant contrainte de s'écarter de l'objectif poursuivi : il s'agissait à la fois de rééquilibrer les droits de vote au profit des grands pays, et de faciliter la prise de décision en abaissant le seuil de la majorité qualifiée. Or, in fine, face à la résistance des petits pays, le rééquilibrage est plus modeste que proposé au début du sommet, et surtout le seuil de la majorité qualifiée a été relevé de 71 % à 73,4 %. En fin de parcours, le blocage a été provoqué par la Belgique. Son premier ministre, Guy Verhofstadt, a refusé deux compromis successifs de la présidence française sur la repondération, faisant valoir qu'il pouvait d'autant moins se résigner à perdre la parité de droits de votes avec les Pays- Bas, que les progrès sur l'extension sur la majorité qualifiée étaient très décevants. La Belgique est rentrée dans le rang après que la présidence française eut accepté de différer jusqu'à 2005 l'entrée en vigueur de la nouvelle pondération, ainsi que la désignation des successeurs de Romano Prodi à la majorité qualifiée des Etats membres. Dans cette négociation, le président de l'exécutif européen n'a pas fait preuve de beaucoup de combativité, en particulier pour réclamer, au nom de l'intérêt de l'Union, des avancées significatives sur la majorité qualifiée.
BLOCAGE SUR LA FISCALITÉ
« On nous a opposé des vetos insurmontables », a déploré Romano Prodi, accusant ainsi de manière implicite l'attitude de Tony Blair, qui a catégoriquement refusé la moindre concession à propos de la fiscalité et de la politique sociale. Les Britanniques, dont le porte-parole a souligné à de nombreuses reprises que le seul objectif de son gouvernement était d'obtenir le meilleur résultat pour la Grande-Bretagne, ont atteint leur but : l'élargissement peut aller de l'avant sans que Londres ait eu à accepter un surcroît d'intégration.
Le bilan mitigé du Conseil européen n'est pas forcément de bon augure pour le débat sur l'avenir de l'Europe. Lionel Jospin a semblé en prendre la mesure, en indiquant : « l'après-Nice est d'une autre nature. Il faut aborder ce sujet avec une parfaite disponibilité intellectuelle, mais se montrer réaliste et prudent sur ce que l'on pourra faire ». Cette invitation à la prudence confirme apparemment que le premier ministre se méfie des propositions audacieuses faites voilà quelques mois par le ministre allemand des affaires étrangères, Joschka Fischer, sur la mise en place d'une Europe fédérale, puis reprises par Jacques Chirac.
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