Le retournement électoral
Publié le 17/01/2022
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Si la droite s'est réveillée, l'extrême droite n'a pas disparu du paysage électoral.
Elle représente encore 10 % des suffrages :10,3 % aux municipales dans les villes ou secteurs où elle est présente, 10,6 % dans les cantons qu'elle brigue.
Plus frappantencore, dans les cantons où le FN et le MNR sont simultanément en compétition, il y a remontée par rapport aux européennes de1999 : 11,7 % en moyenne contre 9,8 % il y a deux ans, le mouvement se faisant davantage au profit du Front national, créditéde 6,2 % (+ 1,6 point), que du MNR, limité à 3,6 % (+ 0,3 point).
Pourtant, l'extrême droite a cessé d'être un casse-tête pour la droite.
Soit elle disparaît, soit elle recule par rapport à sessommets de la période 1995-1998, soit elle ne peut se maintenir au second tour, soit elle reporte mieux ses voix sur la droitemodérée.
Tous ces cas de figure sont désormais favorables à la droite modérée.
Aux municipales, l'extrême droite (FN ouMNR) est présente dans 297 villes ou secteurs au lieu de 456 en 1995.
Là où elle disparaît, le gain de la droite modérée entre lesdeux scrutins est de 6,1 points, alors que là où elle demeure en lice la droite modérée subit un léger recul de 0,5 point.
La victoiremassive de maires RPR comme à Saint-Quentin, Meaux ou Saint-Dizier doit beaucoup à l'étonnante absence de l'extrême droitedans des villes où, il y a peu, le FN dépassait 20 % des suffrages.
Affaiblie et divisée, l'extrême droite ne peut espérer se maintenir au second tour des législatives où, sauf pour les deuxcandidats arrivés en tête, le seuil de qualification se situe à 12,5 % des inscrits, plus élevé qu'aux cantonales où il est de 10 %.
Auscrutin de 1998, le Front national avait réussi à être présent au second tour dans 306 cantons.
Cette année, il n'y est parvenu quedans 24 cas et le MNR dans 2 seulement.
La disparition programmée des triangulaires, déjà très bénéfique à la droite,s'accompagne pour elle d'une divine surprise : les électeurs d'extrême droite reportent beaucoup mieux que par le passé leur voixsur les candidats de droite.
VENT ANTI-NOTABLES À GAUCHE
Ainsi dans les cantons où l'extrême droite dépasse 15 % des suffrages exprimés au premier tour mais ne peut se maintenir ausecond, la situation est radicalement différente selon que l'on examine les résultats de 1998 et ceux de 2001.
En 1998, dans les153 cantons concernés, droite et extrême droite totalisaient 53 % des suffrages exprimés au premier tour mais la droite modéréen'en retrouvait que 48 % au second.
En 2001, dans les 149 cantons de cette catégorie, droite et extrême droite totalisenttoujours 53 % des voix au premier tour mais cette fois-ci la droite modérée en retrouve 52 % au second.
En 1998, la droite negagnait que 40 % des duels de ce type contre la gauche ; en 2001, elle l'emporte dans 58 % des cas.
Ajouté à la division del'extrême droite, le meilleur regroupement électoral de la droite et de l'extrême droite modifie radicalement la donne politique àl'approche des échéances électorales de 2002.
L'interprétation largement acceptée du scrutin veut que l'affaiblissement de la gauche tienne avant tout à sa perte de suffrages enmilieu populaire.
De fait, dans les 130 villes où l'on peut r le second tour des législatives de 1997 à celui des municipales de2001, l'évolution électorale de la gauche est corrélée positivement au poids des cadres supérieurs et négativement à celui desouvriers.
Ce qui confirme la tendance au rééquilibrage sociologique maintes fois noté.
Mais on relève aussi que les coefficients decorrélation sont faibles, n'excédant pas 0,24, ce qui signifie que l'explication par les classes sociales ne suffit pas à épuiserl'interprétation du scrutin, même si dans une ville comme Paris elle a sans doute joué un rôle considérable.
UN FORT RÉSEAU D'ÉLUS PCF
J'avancerais volontiers l'hypothèse que les difficultés de la gauche tiennent aussi à d'autres éléments.
Sa grande autosatisfactiona nui au regroupement nécessaire de toutes ses forces face à l'adversaire politique, la droite, dont les faiblesses structurelles -crise des états-majors, absence de projet - lui ont paradoxalement permis d'avancer en toute modestie et discrétion.
Au surplus,l'affaiblissement de l'extrême droite prive la gauche de l'épouvantail sur lequel elle s'était tant appuyée dans le passé.
La très forteabstention des 18-24 ans (53 % selon le sondage postélectoral Ipsos/ Le Monde contre 40 % aux législatives) y trouve sansdoute une part d'explication.
Trop installée dans le cumul de ses palais nationaux et locaux, trop sûre d'elle-même, la gauche asuscité un vent anti- notables, qui souffle de Lille (où elle l'a tout de même emporté) à Epinay-sur-Seine, de Saint-Brieuc àMontauban ou de Cahors à Beauvais.
Les résultats du scrutin menacent-ils sérieusement cette construction originale qu'est la gauche plurielle, touchée à la fois par letrop grand affaiblissement communiste et la poussée des Verts ? Durement atteint dans ses fiefs, le Parti communiste ne s'effondrepourtant pas sur le plan électoral.
Aux cantonales, il obtient une moyenne de 11,2 % des voix dans les 1 639 cantons où il esteffectivement présent, soit un score très proche de celui de 1998 (10,7 %) ou de 1994 (11,5 %).
Même affaibli, le PCF restedoté d'un fort réseau d'élus, et il faudra encore beaucoup de scrutins locaux pour l'en dépouiller complètement.
Il conserve 90mairies de plus de 9 000 habitants - à titre de comparaison, les Verts en comptent 6.
En sièges de conseillers généraux, il estparfaitement stable : 131 élus en 2001 contre 136 en 1998 et 139 en 1994..
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