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Le Réel, Est-Ce Ce Qui Saute Aux Yeux ?

Publié le 22/07/2010

Extrait du document

Ce qui saute aux yeux, c’est ce qui est évident, ce qui est manifeste, ce qui s’impose. Dès lors quoi de plus évident que le réel? Le réel, c’est la totalité de ce qui existe. Et ce qui est certain, pour l’homme, c’est que ce qui l’entoure existe, donc est réel. A priori, c’est donc le réel qui saute aux yeux, perçu par la sensibilité humaine. Mais cependant, ce qui est perçu n’est pas forcement réel, et chaque homme ne perçoit pas de la même manière. Ce qui saute aux yeux n’est donc pas le réel (entendons le réel comme universel, celui qui englobe la totalité de ce qui existe), mais bien plutôt des réels, le réel de chacun. Ce qui saute aux yeux n’est pas le réel, mais de multiples réels, donc de multiples représentations du réel. Si le réel n’est pas ce qui saute aux yeux et si ce qui saute aux yeux est l’idée du réel, qu’est ce que le réel? La perception sensible est-elle suffisante pour déterminer ce qui est réel et ce qui ne l’est pas? Ce qui saute aux yeux, n’est-ce pas plutôt ce que chacun voit? Est-ce alors le réel qui est évident? Et d’ailleurs, le réel peut-il sauter aux yeux? Le réel est-il évident finalement?    D’emblée, on peut dire que ce qui saute aux yeux, c’est bien le réel. Par le therme "réel", il faut désigner ce qui existe concretement, c’est-à-dire dans le temps et dans l’espace. Par exemple, quand un projet est réalisé, ou quand on parle d’objets, on fait bien réfèrence à la réalité matérielle de ce dont on parle et non à ce qui est seulement à l’état de pensée ou ce qui est imaginé. Et d’ailleurs, ce qui est considéré dans l’abstrait n’existe pas dans le réel. Par exemple, les Hommes sont tous différents (hommes et femmes, enfants et adultes, gros ou maigres, grands ou petits...). Mais pour se représenter un être humain en général, ou pour le définir par exemple, il faut trouver et établir des caractèristiques communes à tous les humains. Or dans la réalité, cette conception ne peut pas exister, puisque, tous les humains étant différents, elle ne caractèrise pas l’humain. Donc ce qui est abstraitement ou mentalement conçu ne peut pas être réel. Dès lors, l’existence de toute chose est necessairement évidente. Mais comment être sûr qu’une chose existe? Quel est le critère du réel? Ce qui saute aux yeux, c’est ce qui est perçu. D’ailleurs l’expression même fait allusion à un organe sensible, l’oeil, qui permet de voir et qui contribue aux cinq sens. Le critère du réel, de ce qui existe, ce sont les sens et la perception. En effet, pour se convaincre qu’une chose existe, on fait appel à nos sens et à notre perception sensible. Et d’ailleurs, la perception sensible présuppose la sensation. C’est toujours la perception que l’on utilise pour déterminer l’existence: c’est un élèment que l’on a perçu, vu, entendu, touché, et pas simplement pensé ou imaginé. En somme, les sens sont l’outil du réel. Prenons des exemples pour mieux illustrer ceci: en justice, lors d’un procès par exemple, on fait appel à un temoin pour exprimer quels sont les faits réels ou non dans une affaire, car il est le seul à avoir peçu des élèments qui créditent ou discréditent un coupable; on parle d’ailleurs souvent d’un témoin occulaire. Son rôle est ainsi primordial puisque grâce à ses sens, il atteste ou non d’une réalité, d’évènements réels. On peut également dire que la sensation n’est pas voulue par l’homme, elle lui est imposée. On ne peut pas choisir de sentir telle ou telle sensation, à moins de l’imaginer. Mais cette sensation serait alors beaucoup moins vive, paraitrait moins réelle, car elle serait voulue, et donc forcée. Par exemple, si on regarde une lumière vive, on ne peut pas ne pas être ébloui et à l’inverse, on ne peut pas être ébloui sans regarder de lumière vive (à moins d’utiliser la métaphore et d’être ébloui par une personne, mais c’est une autre histoire...) Si on voulait être ébloui, on imaginerait la sensation qui n’atteindrait jamais la même force, qui serait donc beaucoup moins vive, voire peut-être inexistante. De même, si on ne me fait pas mal ou si rien ne me fait mal, je ne peux pas ressentir une douleur et il paraît extrèmenent difficile de se forcer à ressentir une douleur sans cause. On peut dire alors que la sensation est l’effet produit sur nous par la réalité extérieure, par ce qui existe. Certains penseurs se sont interrogés sur l’existence et le réel, tel que George Berkeley en 1710, dans les Principes de la connaissance humaine, qui explique d’abord que "la table sur laquelle j’écris existe, c’est-à-dire que je la vois et la touche; et si je n’étais pas dans mon bureau, je dirais que cette table existe, ce par quoi j’entendrais que, si j’étais dans mon bureau, je pourrais la perçevoir, ou que quelque autre esprit l’apercoit actuellement". Cela illustre notre thèse, car ici l’auteur nous dit que toute chose existante (donc réelle) est percue par les sens. Puis parlant des choses "non-pensantes"il ajoute "qu’il n’est pas possible qu’elle aient une existence quelconque en dehors des esprits ou des choses pensantes qui les perçoivent". C’est-à-dire que toute chose non pensante (les objets par exemple), n’existent pas si elles ne sont pas perçues par un "esprit pensant", par l’homme. Les critères du réel sont donc les sens et la perception. Ainsi, on peut affirmer que ce qui est réel, c’est ce qui est perçu. Comment démontrer alors que c’est le réel qui saute aux yeux? Nous avons déjà vu que ce qui saute aux yeux, c’est ce qui est évident; c’est donc aussi l’évidence. L’évidence, c’est la manière dont une chose se présente à nous, de façon à ce qu’elle soit visible immédiatement. On parle par exemple de l’évidence d’une propsition, d’une preuve, d’une vérité. Ainsi, l’évident, l’évidence, c’est bien encore ce qui est perçu par les sens. Ce qui saute aux yeux, c’est ce qui s’impose à nous parce que l’on peut le perçevoir. Or nous avons vu précèdement que la seule façon de déterminer le réel est par la perception sensible. Le réel est donc la totalité des choses perçues par les sens. Si ce qui saute aux yeux, c’est ce que l’on perçoit, et que ce qui est réel, c’est ce qui est perçu, alors le réel est necessairement ce qui saute aux yeux. Pour autant, doit-on faire confiance à la perception sensible? Les sens sont-ils suffisants pour déterminer ce qui est réel?    Il faut ici remettre en cause les sens. Car les sens sont sujets aux illusions: les sens nous trompent. C’est le cas de l’halluciantion, où tous les sens peuvent être modifiés. Le propre d’une hallucination, c’est de produire une sensation qui n’existe pas. C’est par exemple voir une flaque d’eau sur la route en plein été caniculaire, sentir une brulure lorsque l’on verse de l’eau tiède sur une partie du corps froide, ou encore entendre une sonnerie de téléphone alors qu’il n’y a pas de téléphone autour de soi. Les sens sont les seuls modes de définition de l’existence et du réel, mais nous n’avons pas de moyen de savoir si ce qu’ils nous montrent est réel ou non. Comment savoir ce qui est réel si les sens nous trompent? Sur quoi peut-on s’appuyer pour définir le réel? Pour savoir en premier lieu si nous n’hallucinons pas, donc si nous sommes en mesure connaître le réel ou pas, le test le plus simple est celui de la cohérence de l’expérience, c’est à dire d’un ensemble de sensations liées entre elles et qui sont cohérentes entre elles. Tous les sens doivent montrer la même chose et si il y a discordence entre les sens, il y a hallucination. Mais il peut arriver que les hallucinations soient concordantes, c’est-à-dire que tous les sens offrent une vision iréelle. Le deuxième test est alors celui de l’expérience concordante: on peut parler d’hallucination lorsque l’expérience que l’on vit n’est pas concordante avec ce que l’on sait du monde (c’est l’exemple par exellence de l’éléphant rose). Mais un nouveau problème apparaît alors: si le réel est la concordance des expériences entre elles, tout événement inédit prend la figure de l’iréel. Le dernier test pour savoir si nous hallucinons ou pas est de vérifier la cohérence des sujets qui percoivent entre eux (c’est-à-dire que si je suis le seul à voir l’éléphant rose, je suis le seul à halluciner car personne d’autre ne le voit). Qu’est-ce qui me garantit alors que les autres ne font pas partie de l’hallucination? Les sens sont donc soumis à des hallucinations qui peuvent être collectives et concordantes. Il est alors impossible de savoir si nous voyons le réel ou pas. Ce que nous appellons réel est attésté par les sens; mais l’hypothèse de l’hallucination fait comprendre qu’ils ne suffisent pas à nous assurer du réel qu’ils nous montrent. Dès lors, si les sens ne garantissent pas le réel, qu’est-ce que le réel? Ce que nous appellons réel, c’est une croyance, ou l’objet d’une croyance, car rien ne nous permet de déterminer le réel. Nous n’avons aucune certitude que ce que nous percevons soit réel. Ce que nous avons en revanche, c’est des raisons de considérer que le réel existe; cependant, cela reste une croyance. Notre perception, voire notre proprioception (la perception de notre propre corps), peuvent être hallucinatoires et hallucinés. Il est donc possible d’halluciner l’exterieur, mais aussi soi-même. Ce que nous avons établit comme réel n’est pas déterminé. Le réel, c’est donc une croyance qui s’appuie sur trois niveaux: la sensation d’abord, puis l’expérience, et en dernier lieu le sujet. Mais qu’apporte cette croyance? A quoi sert-elle? Et qu’est-ce qui saute alors aux yeux? Le réel est donc une croyance en ce qui existe, le réel est ce qu’on croit qu’il existe. Ainsi ce qui saute aux yeux n’est pas le réel, car celui-ci ne peut pas être définit tel que nous l’avions fait dans un premier temps. Ce qui saute aux yeux alors, c’est la croyance en un réel possible. Si l’on ne fait que croire, c’est que l’on tient pour réel un état de chose vis-à-vis duquel on n’a pas de certitude absolue, donc dont on peut douter. Si on croit, ce n’est pas LE réel qu’on croit, mais UN réel possible, puisqu’on n’est pas certain de celui-ci. Ainsi ce qui saute aux yeux, ce n’est non pas le réel, mais un réel, une représentation du réel selon chacun. C’est une représentation du réel selon chacun car pour croire, il faut représenter la croyance pour en saisir au mieux sa puissance et assurer sa pérénité (par exemple, la représentation des dieux dans certaines religions sont nombreuses: icônes, sculptures, vitraux, signes..). Il en va de même pour la croyance en un réel: si on ne se représente pas un monde qui nous paraît réel, on ne peut pas y croire. Ce qui saute aux yeux c’est la représentation du réel. Mais cette représentation n’est pas universelle ou commune à tout homme. La représentation que l’on se fait du réel, l’idée que l’on a de celui-ci se fait selon les interprétations que chacun fait de ce qui l’entoure. Ce qui saute aux yeux, c’est ma propre représentation, mon idée personnelle et unique du réel. Le réel n’est pas ce qui saute aux yeux car il n’existe pas de réel universel, mais des réels multiples, diiférents selon chaque individu; et c’est son réel, pas celui d’un autre, qui saute aux yeux. Nous sommes alors en présence d’un problème: nous nous sommes demandé si c’était le réel qui sautait aux yeux ou bien autre chose. Nous avons ainsi vu que oui, c’était bien le réel qui sautait aux yeux. Mais nous venons de voir que finalement ce qui sautait aux yeux n’était pas le réel, mais de multiples représentations du réel: il n’est alors pas ce qui saute aux yeux. Ces deux réponses, à la fois nécessaires et contradictoires, nous ont conduites dans une impasse: en effet, comment comprendre que le réel est ce qui saute aux yeux, tout en n’étant pas ce qui saute aux yeux? Peut-être avons nous mal compris la question. Ne faudrait-il pas plutôt se demander si le réel peut vraiment sauter aux yeux? Avons nous eu raison de considérer que le réel pouvait être une évidence?   Nous avons vu que le réel n’était pas définit par les sens et que nous ne faisions que croire en une représentation d’un monde réel, d’un réel possible. Nous ne sommes donc ni sûrs de nos sens, ni de la verité de notre représentation, car la croyance admet le doute. De quoi pouvons nous être absoluement sûrs alors, si l’existence du monde qui nous entoure n’est pas certaine? La seule chose dont on peut être vraiment sûr, c’est de notre propre existence, car nous sommes des êtres pensants. Prenons un exemple utilisé par Descartes dans les Méditations Métaphysiques. Face un morceau de cire, chaque sens nous donne une information (forme cylindrique, dur, froid, inodore...). Si on place la cire dans le feu, les sens vont donner des informations contraires aux premières (informe, liquide, chaud, odeur particulière...). Les sens varient, mais il reste une chose invariable. Si on sait qu’il s’agit bien du même morceau de cire, ce n’est pas gâce aux sens, mais grâce à notre esprit. En supposant que rien n’existe dans le réel, en doutant de tout, en remettant tout en cause jusqu’à notre propre existence, une chose reste inchangée et réelle. Même si l’on pense voir quelque chose, même si cette chose est fausse, même si on l’hallucine, on a réellement eu une pensée. Ce que l’on vit ou ce que l’on perçoit n’est peut- être pas réel, n’existe peut-être pas, mais l’action de penser existe bel et bien. Pour être trompé, pour douter, il faut exister. Pour penser, il faut exister. Et on existe parce qu’on pense. Et c’est d’ailleurs à cette conclusion qu’aboutit Descartes dans le Discours de la Méthode: "je pense donc je suis", dit-il. La seule chose réelle, c’est donc l’esprit et l’existence de celui qui pense, même si tout le reste, tout ce qui peut entourer cet esprit et cette chose pensante n’existe pas. De fait, on doit notre existence à notre pensée, à notre esprit. Mais cette affirmation n’est valable que pour celui qui remet en cause et doute du réel universel ou d’une possibilité de monde réel. Qu’en est-il de celui qui croit au réel et qui ne remet pas en cause l’existence des choses et leur réalité? Si l’on croit au réel, si on admet qu’un réel est possible, si on ne doute pas de l’existence du monde qui nous entoure, comment comprendre ce réel? Ceux qui croient au réel sont ceux qui admettent que le réel (ou leur réel) est accèsible par les sens. Cependant, tout, dans un monde que l’on suppose réel, ne peut pas être perçu par l’homme (les infrarouges, les ultrasviolets, les distances, les forces ou les volumes par exemple). Mais ces éléments non perçus par l’homme de façon naturelle peuvent l’être de manière artificielle (par des moyens techniques tels que les unités mathématiques et les outils qui en découlent, tels que les règles, les calculatrices, les ampères-mètres...). De même, si on perçoit un objet, on ne perçoit jamais d’abord une forme, puis une couleur, puis une odeur, mais un tout. Toutes les caractèristiques de l’objet sont données et perçues ensembles. Et encore, un l’objet n’est jamais perçu seul, mais là aussi dans un ensemble. Ainsi, par exemple, on ne va pas voir dans la robe "une couleur verte", puis "un tissu léger", puis "une forme longue", mais "une robe verte et longue, coupée dans un tissu léger", tout comme on ne va pas voir que la robe, mais la robe portée par telle personne, au sein de tel groupe, en telles circonstances, à tel moment. Les objets non peçus, comme les objets peçus, résultent d’un travail de la pensée et de l’esprit. Le réel, à l’admission d’un monde réel possible, est la compréhension de ce qui n’est pas perçu et en même temps des liens, des ensembles qui fondent ce monde possible. Bien que les cas soient contraires (le premier n’admet que l’existence de l’être pensant et l’esprit de celui-ci, ne se souciant pas du reste, le second admet la possibilité d’un monde réel autour de lui), on arrive à la même fin: le réel est l’esprit et la construction de cet esprit. Pourquoi alors ne pouvons-nous pas dire que le réel saute aux yeux? Si le réel c’est l’esprit et la compréhension par l’esprit des liens et des ensembles d’un monde possible, il ne peut pas sauter aux yeux. En effet, l’esprit est le fruit d’un travail sur soi et sur ce qui peut nous entourer. Ce qui saute aux yeux, c’est ce qui est évident. Mais l’évidence c’est ce qui s’impose directement à nous face à une quelconque situation. Et si cela s’impose, c’est qu’il n’y a pas eu besoin d’y réflechir. Tandis que pour montrer que j’existe parce que je pense, il a déjà fallut penser à remettre en cause le réel, puis à mener à therme une reflexion sur ce sujet, ce qui en soit, n’apparait pas du tout comme une démarche naturelle. De même pour parvenir à notre définition du réel comme compréhension des liens et des ensembles d’un monde possible, il faut s’être demandé d’abord ce qu’était le réel. C’est-à-dire que ces démonstations sont le fruit de raisonnements suivis, parfois complèxes, et précisemment en cela ne sont pas évidents. Ils ne peuvent donc pas sauter aux yeux, car ils ne se sont pas imposés à nous, ils ont dû être réfléchis. Le réel, c’est un esprit, et la reflexion que peut mener cet esprit. Le réel est donc l’activité de l’esprit; cette activité ne peut être évidente, ne peut être considérée comme une évidence car finalement, le réel se découvre et se comprend.    Ainsi, nous nous sommes tout d’abord demandé si c’était bien le réel qui sautait aux yeux. Nous avons donc vu que ce qui sautait aux yeux, c’était ce qui était évident, et ce qui était peçu d’emblée. Le réel était la totalité de ce qui existe. Pour définir le réel, nous devions utiliser notre perception et notre sensibilité, les sens étant ainsi les critères du réel. Il paraissait donc logique d’affirmer dans un premier temps que ce qui saute aux yeux, c’est bien le réel. Mais nous nous sommes rendu compte par la suite que les sens pouvaient nous tromper, et que, seuls moyens de déterminer le réel, on ne pouvait jamais savoir si ce que nous percevions était réel ou non. Nous en venions à dire que le réel n’était pas une chose sûre mais une croyance basée sur les sens, l’expérience et le sujet. Cette croyance au réel aboutissait alors à montrer que le réel n’était pas la totalité des choses existantes mais une représentation individuelle de l’existence possible d’un monde. Ce qui sautait aux yeux alors, ce n’était pas le réel à valeur universelle mais de multiples représentations de réels possibles, différents selon chacun. Nous étions donc face à un problème, car ce qui sautait aux yeux était à la fois le réel et la représentation du réel, deux concepts contradictoires. Nous avons alors réinterprété notre compréhension de la question et vu qu’il ne fallait peut-être pas considérer le réel comme une évidence. Car quand on doutait du réel, la seule chose de sûre autour de nous était notre esprit. Mais même lorsque nous ne remettions pas en cause un possible monde réel, il fallait encore comprendre les liens et les ensembles qui formaient ce monde, c’est-à-dire faire marcher notre esprit. Le réel est donc le résultat d’une réflexion; il ne saute pas aux yeux car il n’est pas évident: il faut le trouver et le comprendre. Mais une objection peut se faire: si nous ne croyons pas au réel, si on ne considère comme réel que son esprit et sa propre existence, n’est-ce pas se couper tout de même d’un monde qui nous entoure et que malgré tout, nous perçevons en premier lieu? Faut-il, doit-on, nier l’existence de toute chose sous prétexte que nos sens peuvent être trompés?


« nous n'avons pas de moyen de savoir si ce qu'ils nous montrent est réel ou non.

Comment savoir ce qui est réel siles sens nous trompent? Sur quoi peut-on s'appuyer pour définir le réel? Pour savoir en premier lieu si nousn'hallucinons pas, donc si nous sommes en mesure connaître le réel ou pas, le test le plus simple est celui de lacohérence de l'expérience, c'est à dire d'un ensemble de sensations liées entre elles et qui sont cohérentes entreelles.

Tous les sens doivent montrer la même chose et si il y a discordence entre les sens, il y a hallucination.

Mais ilpeut arriver que les hallucinations soient concordantes, c'est-à-dire que tous les sens offrent une vision iréelle.

Ledeuxième test est alors celui de l'expérience concordante: on peut parler d'hallucination lorsque l'expérience que l'onvit n'est pas concordante avec ce que l'on sait du monde (c'est l'exemple par exellence de l'éléphant rose).

Mais unnouveau problème apparaît alors: si le réel est la concordance des expériences entre elles, tout événement inéditprend la figure de l'iréel.

Le dernier test pour savoir si nous hallucinons ou pas est de vérifier la cohérence des sujetsqui percoivent entre eux (c'est-à-dire que si je suis le seul à voir l'éléphant rose, je suis le seul à halluciner carpersonne d'autre ne le voit).

Qu'est-ce qui me garantit alors que les autres ne font pas partie de l'hallucination?Les sens sont donc soumis à des hallucinations qui peuvent être collectives et concordantes.

Il est alors impossiblede savoir si nous voyons le réel ou pas.

Ce que nous appellons réel est attésté par les sens; mais l'hypothèse del'hallucination fait comprendre qu'ils ne suffisent pas à nous assurer du réel qu'ils nous montrent.

Dès lors, si les sensne garantissent pas le réel, qu'est-ce que le réel? Ce que nous appellons réel, c'est une croyance, ou l'objet d'unecroyance, car rien ne nous permet de déterminer le réel.

Nous n'avons aucune certitude que ce que nous percevonssoit réel.

Ce que nous avons en revanche, c'est des raisons de considérer que le réel existe; cependant, cela resteune croyance.

Notre perception, voire notre proprioception (la perception de notre propre corps), peuvent êtrehallucinatoires et hallucinés.

Il est donc possible d'halluciner l'exterieur, mais aussi soi-même.

Ce que nous avonsétablit comme réel n'est pas déterminé.

Le réel, c'est donc une croyance qui s'appuie sur trois niveaux: la sensationd'abord, puis l'expérience, et en dernier lieu le sujet.

Mais qu'apporte cette croyance? A quoi sert-elle? Et qu'est-cequi saute alors aux yeux?Le réel est donc une croyance en ce qui existe, le réel est ce qu'on croit qu'il existe.

Ainsi ce qui saute aux yeuxn'est pas le réel, car celui-ci ne peut pas être définit tel que nous l'avions fait dans un premier temps.

Ce qui sauteaux yeux alors, c'est la croyance en un réel possible.

Si l'on ne fait que croire, c'est que l'on tient pour réel un étatde chose vis-à-vis duquel on n'a pas de certitude absolue, donc dont on peut douter.

Si on croit, ce n'est pas LEréel qu'on croit, mais UN réel possible, puisqu'on n'est pas certain de celui-ci.

Ainsi ce qui saute aux yeux, ce n'estnon pas le réel, mais un réel, une représentation du réel selon chacun.

C'est une représentation du réel selonchacun car pour croire, il faut représenter la croyance pour en saisir au mieux sa puissance et assurer sa pérénité(par exemple, la représentation des dieux dans certaines religions sont nombreuses: icônes, sculptures, vitraux,signes..).

Il en va de même pour la croyance en un réel: si on ne se représente pas un monde qui nous paraît réel,on ne peut pas y croire.

Ce qui saute aux yeux c'est la représentation du réel.

Mais cette représentation n'est pasuniverselle ou commune à tout homme.

La représentation que l'on se fait du réel, l'idée que l'on a de celui-ci se faitselon les interprétations que chacun fait de ce qui l'entoure.

Ce qui saute aux yeux, c'est ma propre représentation,mon idée personnelle et unique du réel.

Le réel n'est pas ce qui saute aux yeux car il n'existe pas de réel universel,mais des réels multiples, diiférents selon chaque individu; et c'est son réel, pas celui d'un autre, qui saute aux yeux.Nous sommes alors en présence d'un problème: nous nous sommes demandé si c'était le réel qui sautait aux yeux oubien autre chose.

Nous avons ainsi vu que oui, c'était bien le réel qui sautait aux yeux.

Mais nous venons de voirque finalement ce qui sautait aux yeux n'était pas le réel, mais de multiples représentations du réel: il n'est alors pasce qui saute aux yeux.

Ces deux réponses, à la fois nécessaires et contradictoires, nous ont conduites dans uneimpasse: en effet, comment comprendre que le réel est ce qui saute aux yeux, tout en n'étant pas ce qui saute auxyeux? Peut-être avons nous mal compris la question.

Ne faudrait-il pas plutôt se demander si le réel peut vraimentsauter aux yeux? Avons nous eu raison de considérer que le réel pouvait être une évidence? Nous avons vu que le réel n'était pas définit par les sens et que nous ne faisions que croire en une représentationd'un monde réel, d'un réel possible.

Nous ne sommes donc ni sûrs de nos sens, ni de la verité de notrereprésentation, car la croyance admet le doute.

De quoi pouvons nous être absoluement sûrs alors, si l'existence dumonde qui nous entoure n'est pas certaine? La seule chose dont on peut être vraiment sûr, c'est de notre propreexistence, car nous sommes des êtres pensants.

Prenons un exemple utilisé par Descartes dans les MéditationsMétaphysiques.

Face un morceau de cire, chaque sens nous donne une information (forme cylindrique, dur, froid,inodore...).

Si on place la cire dans le feu, les sens vont donner des informations contraires aux premières (informe,liquide, chaud, odeur particulière...).

Les sens varient, mais il reste une chose invariable.

Si on sait qu'il s'agit biendu même morceau de cire, ce n'est pas gâce aux sens, mais grâce à notre esprit.

En supposant que rien n'existedans le réel, en doutant de tout, en remettant tout en cause jusqu'à notre propre existence, une chose resteinchangée et réelle.

Même si l'on pense voir quelque chose, même si cette chose est fausse, même si on l'hallucine,on a réellement eu une pensée.

Ce que l'on vit ou ce que l'on perçoit n'est peut- être pas réel, n'existe peut-êtrepas, mais l'action de penser existe bel et bien.

Pour être trompé, pour douter, il faut exister.

Pour penser, il fautexister.

Et on existe parce qu'on pense.

Et c'est d'ailleurs à cette conclusion qu'aboutit Descartes dans le Discoursde la Méthode: "je pense donc je suis", dit-il.

La seule chose réelle, c'est donc l'esprit et l'existence de celui quipense, même si tout le reste, tout ce qui peut entourer cet esprit et cette chose pensante n'existe pas.

De fait, ondoit notre existence à notre pensée, à notre esprit.

Mais cette affirmation n'est valable que pour celui qui remet encause et doute du réel universel ou d'une possibilité de monde réel.

Qu'en est-il de celui qui croit au réel et qui neremet pas en cause l'existence des choses et leur réalité?Si l'on croit au réel, si on admet qu'un réel est possible, si on ne doute pas de l'existence du monde qui nousentoure, comment comprendre ce réel? Ceux qui croient au réel sont ceux qui admettent que le réel (ou leur réel)est accèsible par les sens.

Cependant, tout, dans un monde que l'on suppose réel, ne peut pas être perçu parl'homme (les infrarouges, les ultrasviolets, les distances, les forces ou les volumes par exemple).

Mais ces éléments. »

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