Le pouvoir de dissolution sous la vème république
Publié le 28/03/2014
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On ne peut pas comprendre le fonctionnement de la Vème République sans remonter à la
révolution, car c'est elle le véritable point de départ des systèmes pratiqués de nos jours. La Vème
République est considérée par beaucoup comme le prolongement de la IIIème et de la IVème dans ses
incertitudes et ses indécisions, mais elle entendait réagir contre ces deux dernières pour ne pas
reproduire les erreurs du passé. En effet, celles-ci étaient profondément marquées par une
détérioration du régime et une totale paralysie des institutions.
C'est dans cette mesure que l'Assemblée nationale accorde au Général De Gaulle l'investiture
le 1er juin 1958. La loi constitutionnelle du 3 juin 1958 va habiliter le gouvernement à mettre en place
une nouvelle constitution, sous des conditions de fond et de forme imposées par le gouvernement. La
Vème République va être caractérisée par une séparation organique des pouvoirs et surtout par la
responsabilité du gouvernement devant le Parlement. Le peuple détient la source du pouvoir en ce
qu'il peut désigner ses représentants et exprimer sa volonté. Cependant, le pouvoir est exercé dans
toute sa plénitude par le Président de la République qui assume la direction de la politique nationale.
Son rôle va être plus ou moins décisif selon s'il a le soutien de la majorité parlementaire ou pas.
Malgré tout, il est titulaire de compétences très importantes. Il dispose en effet de pouvoirs propres
qu'il peut exercer sans contreseing, c'est-à-dire qu'il n'aura pas à solliciter l'accord du gouvernement
pour prendre certaines mesures.
C'est ainsi que l'article 12 de la Constitution de 1958 offre au Président de la République le
droit de dissolution, c'est-à-dire la procédure au moyen de laquelle le pouvoir gouvernental met fin
avant le terme légal aux pouvoirs d'une assemblée libérale et provoque de nouvelles éléctions. Le chef
de l'État devient indépendant du Parlement ce qui n'était ni le cas du Président de la IIIème
République, ni celui du Président du conseil de la IVème République. On assiste donc à une
réactivation du pouvoir de dissolution sous la Vème République et à sa seconde naissance après celle
de la monrchie constitutionnelle (1814-1858).
Cependant, ce pouvoir devient inconditionné. L'accord du Sénat était nécessaire sous l'empire
des lois constitutionnelles de 1875 et la Constitution de 1946 avait fixé des limites strictes, tandis que
la Constitution de 1958 ne pose qu'une exigence et la dissoluton ne peut se faire qu'à l'égard de
l'Assemblée nationale. La dissolution est ainsi libérée des contraintes qui en paralysaient son
exercice, et qui portaient atteinte à la préeminence des députés. La cohérence du système majoritaire
peut être assurée et le régime protégé.
Le pouvoir de dissolution est devenu un atout majeur pour le Président de la République
même s'il a certaines limites, « l'arme capitale « selon Michel Debré.
On en vient donc à se demander quelles sont les caractéristiques du pouvoir de dissolution qui font
qu'il occupe une place de choix sous la Vème République ?
Pour cela, il convient tout d'abord d'étudier l'organisation théorique du pouvoir de dissolution prévue
par la Constitution de 1958 (I) mais aussi d'apprécier son rôle non négligeable dans la pratique (II).
I / Le pouvoir de dissolution : clef de voute de la Constitution de 1958
Le pouvoir de dissolution retrouve une véritable place sous la Vème République. Il devient une
prérogative essentielle du chef de l'Etat à l'égard de l'Assemblée nationale, lui donnant la possibilité
de la tourner à son avantage.
A. L'analyse de la procédure de dissolution de la Constitution de 1958
C'est dans l'article 12 de la Constitution de 1958 qu'apparait le pouvoir de dissolution. Ce
pouvoir est soumis à certaines conditions et il dispose d'un cadre juridique déterminé pour son emploi
ce qui lui offre une véritable valeur.
L'article 12 ne prévoit qu'une seule obligation quant à la procédure : le Président de la
République doit avant de prononcer la dissolution, consulter le Premier Ministre, le Président du
Sénat et celui de l'Assemblée nationale et recueillir leur avis officiellement (par oral ou écrit).
Cependant, le Président de la République n'est nullement lié par un éventuel avis divergent de l'un de
ces derniers.
Les éléctions générales doivent avoir lieu 20 jours au moins et 40 jours au plus tard après la
dissolution. Aussi, aucune dissolution ne peut avoir lieu dans l'année qui suit les élections intervenant
après cette procédure (article 12-4) ni pendant l'exercice par le Président des pouvoirs exceptionnels
de l'article 16. Le Président du Sénat qui assure l'intérim en cas de vacances du Président de la
République ne peut pas prononcer la disollution de l'Assemblée nationale. Il est prévu que la
dissolution n'ait aucun effet sur le Sénat.
En principe, le gouvernement est seulement tenu par l'usage de démissionner aprés l'élection
de l'Assemblée et il peut parfois ne pas être reconduit comme ce fut le cas en 1968.
La Constitution de 1958 offre au Président de la République un pouvoir « quasi
discrétionnaire « ce qui résume l'esprit des constituants de 1958. Ce pouvoir l'autorise à intervenir, en
principe à tout moment et pour tout motif jugé util.
Le chef de l'État apprécie seul l'opportunité d'un recours au pouvoir de la dissolution pour le
pays mais il doit respecter un calendrier pour ne pas laisser la nation sans représentants.
Pour ce qui est du motif, le Président apprécie et avise. Il peut disposer de ce pouvoir à son gré car il
est devenu autonome, et non plus lié à la survenance d'une crise ministérielle comme sous la IVème
République. Cependant, le Président s'engage lui-même mais aussi sa responsabilité en cas de défaite.
Ainsi, le pouvoir de dissolution sous la Vème République répond à des conditions de forme
indispensables pour la validité de son exercice. Il convient à présent de voir à quel point cette
procédure représente une véritable arme dans les mains du Président de la République.
B. Un atout capital à l'égard de l'Assemblée nationale.
L’article 12 fait du droit de dissolution une prérogative personnelle et un pouvoir propre du Président
de la République. Mais surtout c’est une véritable arme de pression sur l’Assemblée, qui lui est
souvent bénéfique.
Le droit de dissolution est une prérogative purement personnelle du chef de l'État. Son
exercice n'est subordonné qu'à la consultation préalable prévue par l'article 12 et aucun contreseing
n'est exigé. Le Président de la République peut utiliser ce pouvoir notamment lorsqu'il vient d'être élu
et qu'il se trouve en présence d'une assemblée hostile. La dynamique de son élection peut alors lui être
profitable et lui permettre de faire élire une Assemblée plus favorable. Mr Mitterrand en a à ce titre
fait très bon usage en 1981, mais la tentative de 1988 fut moins fructueuse.
Au cours de son mandat, le Président de la République peut s'en saisir comme d'une arme de
dissuasion à l'encontre d'éventuels divergences d'opinion au sein de sa majorité mais aussi pour
maintenir un gouvernement minoritaire au pouvoir. Mais si le Président de la République fait
connaître son intention de ne pas user de la dissolution, il fragilise le gouvernement qui ne dépendra
plus que de la majorité.
Aussi, la menace de la dissolution peut permettre au Président de la République d'avoir le
soutien de la majorité quant au gouvernement mais aussi vis-àvis de la politique présidentielle.
La dissolution agit donc comme une garantie pour un minimume de cohérence de la majorité. En
effet, si une majorité venait à faire usage d'une motion de censure à l'encontre d'un gouvernement du
même courant politique qu'elle, l'Assemblée nationale peut encourir un risque de dissolution si la
défiance visait le Président à travers le gouvernement. Ce fut le cas avec la dissolution de 1962 apres
que la majorité de droite ait censuré le gouvernement Pompidou. La censure visait surtout De Gaulle
pour son projet sur l'élection du Président au suffrage universel.
Le pouvoir de dissolution apparaît donc comme une véritable arme dont dispose le Président à l'égard
de l'Assemblée nationale. Mais dans la pratique, cette disposition est relativement élargie. Malgré les
dispositions prévues par la Constitution de 1958, elle apparaît beaucoup plus importante que la théorie
ne l'énonce. Ainsi, ce pouvoir va représenter une valeur sûre des institutions de la Vème République
même s'il a quelques limites.
II/ Le rôle de la procédure de dissolution dans la pratique :
La dissolution sous la Vème République représente une vraie soupape de sureté du régime et
elle fait apparaître des aspects non négligeables. Cet instrument institutionnel se présente comme le
moyen juridique approprié pour maintenir la cohérence du système majoritaire. Mais sa pratique est
contreversée suivant son usage.
A' . Un instrument incontestable de sureté dans son exercice :
Le pouvoir de dissolution peut prévenir ou réduire une crise, ce qui montre son aspect
essentiel sous la Vème République. Si la dissolution est possible, elle permet de donner la parole au
peuple ce qui évite un éventuel affrontement et un blocage du système. Si le peuple donne raison au
Président, l'harmonie est rétablie mais s'il confirme la majorité précédente, le Président n'a plus qu'à
s'incliner. Mais dans les deux cas, les institutions sont remises en marche donc aucun blocage n'est
survenu entre temps.
Si un conflit a lieu entre le Président et la majorité parlementaire, la dissolution donne à
l'ensemble des électeurs la possibilité d'exprimer la volonté populaire et de faire taire les éventuelles
minorités agissantes mais aussi de mettre fin à des désordres que les institutions n'arrivaient plus à
gérer. C'est ainsi que survient la dissolution de 1968. Après plusieurs semaines de crises déclenchées
par les mouvemens étudiants, elle permet de redonner au régime la caution démocratique dont il a
besoin pour faire face à la situation. Le succès des Gaullistes a permi d'en finir avec la crise et la
dissolution a remplie sa fonction.
On a pu voir le rôle important de la dissolution sous la Vème République en son utilité à dénouer des
situations de crise ou de conflit. Mais bien que ce pouvoir permette au Président d'obtenir une
majorité favorable, il comporte néanmoins des limites. Il peut arriver que le résultat ne soit pas celui
escompté par son initiateur.
B' . Une pratique cependant controversée
Le pouvoir de dissolution peut être considéré comme un moyen exécutif de provoquer des
élections législatives anticipées. En effet, il peut être utilisé lorsque le Président estime qu'il est
souhaitable de dynamiser sa majorité. C'est ainsi que la dissolution prononcée le 9 octobre 1962 à la
suite du renversment du gouvernement de Pompidou a permi à De Gaulle d'obtenir une majorité
parlementaire plus conforme. Le Général De Gaulle a en effet profité de la consultation du peuple lors
du referendum pour être sur d'obtenir la majorité aux élections. Cette stratégie va s'avérer sage car
l'échec du « Cartel des non « va s'amplifier avec les élections législatives qui auront lieu moins d'un
mois après le referendum.
La dissolution peut aussi être prononcée afin de relancer la politique en prévision de
difficultés ultérieures. La dissolution de Mitterrand du 12 mai 1981 en est un exemple édifiant. Dès
son accession au pouvoir, il décide de dissoudre l'Assemblée pour faire face à un problème qui ne
s'était pas encore posé, celui de l'alternance. Son objectif sera atteint puisque le parti socialiste
obtiendra la majorité des sièges suite à cette dissolution.
Cependant, cette dissolution est soumise à certaines limites par le Constitution de 1958 :
lorsque l'article 16 est en vigueur, en cas de vacance du Président, et durant l'année qui suit les
éléctions provoquées par une dissolution. En ce sens, le Président se doit de respecter le voeu des
électeurs et ne peut prononcer la dissolution à répétition.
Mais la dissolution peut aussi conduire à un échec. Il s'avère en réalité que la dissolution peut
être très risquée pour le Président, et son efficacité dépend étroitement de la popularité dont il
bénéficie. L'échec est encore plus redoutable dans la mesure où il ne peut être réutilisé qu'au bout d'un
an. La dissolution du 14 mai 1988 était destinée à rétablir la concordance entre la majorité
présidentielle qui s'était dégagée lors de la réelection de Mitterrand et la composition de l'Assemblée
nationale. Mais elle se solda par un échec car le parti socialiste n'obtint que 276 sièges sur 577, soit
une majorité relative.
La dissolution la plus récente, celle d'avril 1997 n'a pas été heureuse pour Mr Chirac. La large
majorité qui le soutenait a été battue, ce qui a entrainé une période de cohabitation. Elle s'est donc
soldée par un échec. Mais elle apparaît contestable en ce qu'elle était simplement destinée à avancer
les élections législatives d'une année.
La coincidence des mandats parlementaires et présidentiel inaugurée en 2002 risque cependant
de rendre plus difficile la dissolution. Elle ne servira plus qu'à rétablir cette coincidence en cas
d'interruption du mandat du chef de l'État. De plus, la présidentialisation de la Vème République voire
l'éventuelle émergence d'une VIème République risque d'amoindrir les pouvoirs du Parlement et de
conduire la France vers un système parlementaire à l'américaine.
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