Le plan Schuman
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
«
d'une souveraineté européenne, sauter à pieds joints l'affaire de la souveraineté allemande.
Il fallut improviser la riposte : l'idée dela Communauté de défense.
L'équipe qui en prépara le traité copia où elles n'avaient rien à faire les dispositions que nousélaborions pour le charbon et l'acier.
Quand Paul Van Zeeland refusa un budget commun authentique en le réduisant à la sommedes contributions décidées par chaque Parlement, quand toute décision du commissariat était soumise à des avis conformes duconseil pris à l'unanimité, je pensai qu'on cumulait les inconvénients : braquer les phares sur une autorité supranationale mais quiserait totalement démunie de pouvoirs.
Lors des travaux préparatoires du traité de la CECA, Hirsch avait dirigé une grande part des discussions économiques ettechniques, le conseiller d'Etat Maurice Lagrange prenait charge des aspects juridiques, moi plus particulièrement des affairessociales et commerciales.
Mais tout le monde touchait à tout.
Notre conférence s'interrompit pour que la délégation françaiserédigeât un projet complet; elle fournit aussi un mémorandum sur la période transitoire : il se traduisit aisément en convention.
Uncomité de lecture, où j'étais aux côtés de Lagrange, se chargea des questions encore non résolues, acheva la mise au point destextes et, si mes souvenirs sont bons, accepta sans en changer un mot la convention sur les dispositions transitoires.
Il restait auxministres à fixer le siège : ce faillit être le drame.
Finalement Joseph Bech, par sa bonhomie et son habileté, obtint que laCommunauté s'installe à Luxembourg, la France gardant le Parlement pour Strasbourg.
Quand Jean Monnet, le 10 août 1952, inaugura sa présidence, c'était la petite poignée des principaux négociateurs qui se mitimmédiatement au travail.
Il faudra raconter quelque jour ce que furent ces premiers mois de labeur incessant, et à quel rythme,pour mettre les institutions en place, entrer en contact avec les industries et gouvernements, accomplir toutes les tâches préalablesà l'ouverture successive du Marché commun pour le charbon et pour l'acier.
Le même esprit régnait que pendant la négociation : les difficultés de chaque pays étaient considérées comme des difficultéscommunes à résoudre en commun.
Car la coopération, au sens de l'organisation européenne à laquelle le plan Marshall avaitdonné naissance, ne suffisait pas : elle était ou le blocage, ou le compromis boiteux, ou l'accord forcé par la puissance extérieure,l'Amérique qui détenait l'argent.
A l'Europe de trouver dans son nouveau style de travail son fédérateur interne.
Des institutions,mais pour des tâches concrètes, et pour écarter le mal suprême : l'esprit de domination, qui avilit autant celui qui domine que celuiqui est dominé.
Et cette conception neuve de ce que Jacques Rueff a appelé un marché institutionnel, c'est-à-dire la libre initiative,mais entourée des conditions qui l'assortissent aux circonstances de notre temps.
En particulier cette grande invention qu'était laréadaptation, pour mettre la main-d'oeuvre à l'abri des charges et des risques du progrès, pour que tout changement d'emploi fûtune chance de promotion.
Le général de Gaulle, dans sa retraite, crut pouvoir se gausser de ce " méli-mélo de charbon et d'acier ", s'attaquer à celui que,sans citer son nom, il désignait comme " l'inspirateur ".
Il nous prenait pour des naïfs.
Il ne mesurait pas l'extraordinaire autoritédont, dans les négociations de Paris aussi bien que dans celles du traité de Rome, bénéficiaient les hommes de la France.
Quereste-t-il de sa politique du poing sur la table ? L'histoire retiendra que pendant quinze ans a été arrêtée et faillit périr la plusgrande et la plus pacifique révolution de notre temps.
Quand, après le retour du général au pouvoir, Adenauer, surmontant seshésitations, le rencontra, il avoua pourtant qu'il avait sous-estimé la portée politique de ce qui avait été accompli.
Cettereconnaissance tardive n'empêcha pas le rusé politicien, en proposant un accord franco-allemand, dont rien n'est sorti sauf desréunions périodiques où parfois s'exacerbaient les antagonismes, de proclamer que la réconciliation franco-allemande était sonoeuvre.
Ceux qui peuvent se souvenir savent bien comment, en quelques jours, la déclaration du 9 mai 1950 avait brusquementchangé, et pour toujours, le couple France-Allemagne.
Plus généralement, tout le sens de ce qui avait commencé ce jour-là, c'était de changer les relations entre les peuples.
Nousavons connu les crises successives.
Jean Monnet demeure le plus optimiste : " Ce que nous avons fait est solide; la preuve, c'estque, chaque fois qu'il y a des crises, elles sont surmontées.
" Il pense aujourd'hui à une tâche plus vaste encore et plus difficile :bannir l'esprit de domination.
Ce devra être aussi changer les relations entre les hommes.
PIERRE URI Le Monde du 9 mai 1975
CD-ROM L'Histoire au jour le jour © 2002, coédition Le Monde, Emme et IDM - Tous droits réservés.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Schuman, plan (histoire économique).
- Le plan Schuman
- Monnet, Jean : Le plan Schuman (Podcast)
- L'oeuvre d'art est-elle l'oeuvre d'un génie? (plan)
- Sujet : Comparez les approches intégration des femmes au développement (IFD) et Genre et Développement (GED) et dites sur quoi se fondent leurs différences au plan idéologique et ce que vous inspire vos expériences professionnelles ou de terrain.