8 juin 1999
Texte adopté par les ministres des affaires étrangères du G 8 le mardi 8 juin 1999 à Cologne et soumis à la discussion au Conseil de sécurité de l'ONU
Le Conseil de sécurité,
A. Rappelant ses résolutions 1160 (1998) du 31 mars 1998, 1199 (1998) du 23 septembre 1998, 1203 (1998) du 24 octobre 1998 et 1239 (1999) du 14 mai 1999.
B. Regrettant qu'il n'y ait pas eu entière soumission aux conditions de ces résolutions.
C. Déterminé à résoudre la situation humanitaire grave au Kosovo, et à assurer le retour libre et sans danger de tous les réfugiés et personnes déplacées.
D. Condamnant tous les actes de violence à l'encontre de la population du Kosovo, autant que les actes terroristes de quelque partie que ce soit.
E. Rappelant la déclaration faite le 9 avril 1999 par le secrétaire général des Nations unies, qui exprimait ses préoccupations face à la tragédie humanitaire se déroulant au Kosovo.
F. Réaffirmant le droit de tous les réfugiés et personnes déplacées à rentrer chez eux en toute sécurité.
G. Rappelant la compétence et le mandat du Tribunal pénal international pour l'ex- Yougoslavie.
H. Se réjouissant des principes généraux d'une solution politique à la crise du Kosovo adoptés le 6 mai 1999 (S/1999/516, annexe 1 de cette résolution), se réjouissant également de l'acceptation par la République fédérale de Yougoslavie des principes exposés, articles 1 à 9 du document présenté à Belgrade le 2 juin 1999 (S/1999/649, annexe 2 de cette résolution), ainsi que de l'accord de la République fédérale de Yougoslavie à ce document.
I. Réaffirmant l'engagement de tous les Etats membres en faveur de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie et des autres Etats de la région, exposé dans l'Acte final d'Helsinki et dans le document S/1999/649, annexe 2.
J. Réaffirmant la demande, dans les résolutions précédentes, d'une large autonomie et d'une auto-administration constructive pour le Kosovo.
K. Déterminé à assurer la sécurité des personnels internationaux et la prise de leurs responsabilités par toutes les instances concernées, en vertu de la présente résolution, et agissant dans ce but conformément au chapitre VII de la Charte des Nations unies.
1. Décide qu'une solution politique à la crise du Kosovo reposera sur les principes généraux de l'annexe 1 comme il est expliqué en détail dans ces principes, et sur d'autres éléments requis en annexe 2.
2. Se réjouit de l'acceptation par la RFY des principes et autres éléments requis auxquels il est fait référence plus haut, paragraphe 1, et exige la pleine coopération de la RFY à leur rapide application.
3. Exige en particulier que la RFY mette fin de façon immédiate et vérifiable à la violence et à la répression au Kosovo, et amorce le retrait progressif vérifiable de toutes les forces militaires, paramilitaires et de police, conformément à un calendrier accéléré, avec lequel le déploiement de la présence internationale de sécurité au Kosovo sera synchronisé.
4. Confirme qu'après ce retrait, un nombre convenu de personnels militaires et de police yougoslaves et serbes sera autorisé à retourner au Kosovo pour y remplir ses fonctions conformément à l'annexe 2.
5. Décide du déploiement au Kosovo, sous les auspices des Nations unies, d'une présence civile et de sécurité, ainsi que des équipements et personnels appropriés comme il est requis, et se réjouit de l'accord donné par la RFY à cette présence.
6. Demande au secrétaire général de nommer, en consultation avec le Conseil de sécurité, un représentant spécial qui contrôlera la mise en place de la présence civile, et demande en outre au secrétaire général de charger son représentant spécial d'agir en étroite coordination avec la présence internationale de sécurité, afin de s'assurer que les deux corps agissent dans un même but et se soutiennent mutuellement.
7. Autorise les Etats membres et les organisations internationales concernées à mettre en place la présence internationale de sécurité au Kosovo comme indiqué, article 4 de l'annexe 2, en lui donnant tous les moyens nécessaires pour assumer ses responsabilités conformément au paragraphe 9 figurant plus bas.
8. Stipule la nécessité d'un premier déploiement rapide des présences internationales civile et de sécurité au Kosovo, et exige que les parties coopèrent pleinement à ce déploiement.
9. Décide que les responsabilités de la présence internationale de sécurité à déployer, et qui doit agir au Kosovo consisteront :
a) à prévenir la reprise des hostilités, à faire respecter et si nécessaire à imposer un cessez-le-feu, à assurer le retrait des forces militaires, paramilitaires et de police et à empêcher leur retour au Kosovo, sauf article 6 de l'annexe 2 ;
b) à désarmer l'Armée de libération du Kosovo (UCK) et les autres groupes armés au Kosovo comme il est demandé, paragraphe 15 ;
c) à instaurer un climat de sécurité dans lequel les réfugiés et les personnes déplacées pourront rentrer chez eux, dans lequel la présence civile internationale pourra opérer, une administration de transition être mise en place et l'aide humanitaire distribuée ;
d) à assurer la sécurité et l'ordre publics jusqu'à ce que la présence civile internationale puisse prendre la responsabilité de cette tâche ;
e) à diriger le déminage jusqu'à ce que la présence civile internationale puisse, comme il convient, prendre la responsabilité de cette tâche ;
f) à soutenir, comme il convient, la présence civile internationale et à agir en étroite coordination avec elle ;
g) à contrôler les frontières comme il est requis ;
h) à assurer sa propre protection et sa propre liberté de mouvement, ainsi que celles de la présence civile internationale et des autres organisations internationales.
10. Autorise le secrétaire général, avec l'aide des organisations internationales concernées, à instaurer une présence civile internationale, afin de donner au Kosovo une administration provisoire sous laquelle la population du Kosovo jouira d'une large autonomie au sein de la RFY ; cette administration provisoire officiera pendant que seront mises en place les institutions autonomes démocratiques transitoires qui assureront les conditions d'une vie paisible et normale à tous les habitants du Kosovo.
11. Décide que les principales responsabilités de la présence civile consisteront :
a) à promouvoir l'instauration, en attendant un règlement définitif, d'une large autonomie pour le Kosovo, prenant pleinement en compte l'annexe 2 et les accords de Rambouillet ;
b) à remplir les fonctions administratives civiles de base, là où et aussi longtemps qu'il sera requis ;
c) à organiser et à surveiller la mise en place des institutions transitoires d'un gouvernement démocratique autonome, en attendant un règlement politique, comportant la tenue d'élections ;
d) à transférer ses responsabilités administratives, lorsque ces institutions auront été mises en place, tout en veillant à la consolidation des institutions transitoires locales du Kosovo et autres actions en faveur de la paix ;
e) à faciliter un processus politique visant à fixer le futur statut du Kosovo, qui prendra en compte les accords de Rambouillet ;
f) à surveiller, en dernier ressort, le transfert d'autorité des institutions transitoires du Kosovo aux institutions issues d'un règlement politique ;
g) à aider à la reconstruction des infrastructures clés et au rétablissement économique ;
h) à soutenir, en coordination avec les organisations humanitaires internationales, l'aide apportée aux victimes ;
i) à maintenir la loi et l'ordre civils, en mettant en place des forces de police locales, parallèlement au déploiement des personnels de police internationale devant servir au Kosovo ;
j) à sauvegarder et à encourager les droits de l'homme ;
k) à assurer le retour chez eux, sans danger ni entrave, de tous les réfugiés et personnes déplacées du Kosovo.
12. Souligne la nécessité d'opérations humanitaires coordonnées, et demande à la République fédérale de Yougoslavie de ne pas empêcher l'accès au Kosovo des organisations d'aide humanitaire et de coopérer avec ces organisations afin d'assurer la distribution rapide et efficace de l'aide internationale.
13. Encourage tous les Etats membres et les organisations internationales à contribuer à la reconstruction économique et sociale, ainsi qu'au retour sans danger des réfugiés et des personnes déplacées, et souligne dans ce contexte l'importance qu'il y a à convoquer pour la date la plus proche possible une conférence internationale des donateurs, aux fins notamment exposées plus haut, paragraphe 11 g).
14. Exige la pleine coopération de toutes les instances concernées, y compris la présence internationale de sécurité, avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.
15. Exige que l'UCK et les autres groupes armés albanais du Kosovo mettent immédiatement fin à toute action offensive et se conforment aux exigences de désarmement fixées par le chef de la présence internationale de sécurité, en consultation avec le représentant spécial du secrétaire général.
16. Décide que les interdictions qu'impose le paragraphe 8 de la résolution 1160 (1998) ne s'appliqueront pas aux armes et aux matériels à l'usage des présences internationales civile et de sécurité.
17. Se réjouit du travail en cours dans l'Union européenne et les autres organisations internationales pour mettre au point une politique globale de développement économique et de stabilisation de la région touchée par la crise du Kosovo, comprenant l'application d'un pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est avec une large participation internationale, afin de promouvoir la démocratie, la prospérité économique, la stabilité et la coopération dans la région.
18. Exige que tous les Etats de la région coopèrent pleinement à l'application de tous les aspects de cette résolution.
19. Décide que les présences civile et de sécurité seront mises en place pour une période initiale de douze mois, qui se prolongera jusqu'à ce que le Conseil de sécurité en décide autrement.
20. Requiert du secrétaire général qu'il rende compte au Conseil, à intervalles réguliers, de l'application de cette résolution, en communiquant notamment les rapports émanant des responsables des présences civile et de sécurité, les premiers documents devant être remis dans les trente jours suivant l'adoption de cette résolution.
21. Décide de rester activement saisi de la question.
Annexe 1 Les principes généraux pour résoudre la crise du Kosovo (texte adopté le jeudi 6 mai par les ministres des affaires étrangères du G 8 réunis à Bonn).
"Les principes généraux suivants doivent être adoptés et mis en oeuvre pour résoudre la crise du Kosovo :
- cessation immédiate et vérifiable de la violence et de la répression au Kosovo ;
- retrait du Kosovo des forces militaires, de police et paramilitaires ;
- déploiement au Kosovo de présences internationales efficaces, civiles et de sécurité, endossées et adoptées par les Nations unies, capables de garantir que l'on parvienne aux objectifs communs ;
- établissement d'une administration intérimaire pour le Kosovo, qui doit être décidée par le Conseil de sécurité des Nations unies pour assurer les conditions d'une vie pacifique et normale pour tous les habitants du Kosovo ;
- retour libre et en sécurité de tous les réfugiés et toutes personnes déplacées et accès sans obstacle au Kosovo des organisations d'aide humanitaire ;
- un processus politique vers l'établissement d'un cadre d'accord politique intérimaire prévoyant une autonomie substantielle pour le Kosovo, prenant pleinement en compte les accords de Rambouillet et les principes de souveraineté et d'intégrité territoriale de la RFY et d'autres pays de la région, et la démilitarisation de l'UCK ;
- une approche large du développement économique et de la stabilisation de cette région en crise."
Le G 8 a également chargé les directeurs de ses ministères des affaires étrangères de "préparer les éléments d'une motion du Conseil de sécurité" et d'informer le gouvernement chinois des résultats de sa réunion.
Annexe 2
Les "Propositions présentées par l'émissaire de l'Union européenne, le président finlandais Martti Ahtisaari, et l'émissaire spécial du président de la Fédération de Russie dans les Balkans, Viktor Tchernomyrdine " le mercredi 2 juin à Belgrade, et acceptées le lendemain par la présidence yougoslave et le Parlement serbe.
"Afin de trouver une solution à la crise du Kosovo, un accord sur les principes suivants doit être conclu :
1. Un arrêt immédiat et vérifiable des violences et de la répression au Kosovo.
2. Le retrait vérifiable de tous les soldats, policiers et miliciens paramilitaires du Kosovo dans un délai rapide.
3. Le déploiement au Kosovo, sous mandat de l'ONU, de présences civiles et militaires efficaces et internationales, qui pourraient agir conformément à une éventuelle décision qui serait prise en vertu de l'article 7 de la Charte des Nations unies, et pourraient garantir la réalisation des intérêts mutuels.
4. Une présence internationale de sécurité, basée sur une participation fondamentale de l'OTAN, doit être mise en place sous un commandement et un contrôle unifiés, et autorisée à garantir la sécurité de la population du Kosovo et à faciliter un retour en toute sécurité chez eux des personnes déplacées et des réfugiés.
5. La création d'une administration provisoire pour le Kosovo dans le cadre d'une présence civile internationale qui fera l'objet d'un accord au Conseil de sécurité de l'ONU. Sous cette administration, la population du Kosovo jouira d'une autonomie substantielle au sein de la RFY (République fédérale de Yougoslavie). Une administration provisoire sera chargée de maintenir en place le gouvernement provisoire le temps que des institutions démocratiques autonomes soient mises sur pied et testées pour créer les conditions d'une vie pacifique et normale pour tous les habitants du Kosovo.
6. Après le retrait, un certain nombre - qui aura fait l'objet d'un accord - de militaires yougoslaves et serbes seront autorisés à revenir, afin de remplir les tâches suivantes :
- contact avec la mission civile internationale et la présence militaire internationale ;
- localisation des champs de mine et participation à leur élimination ;
- assurer une présence dans les sanctuaires du patrimoine serbe ;
- assurer une présence aux postes-frontières importants.
7. Le retour en toute sécurité et toute liberté de l'ensemble des réfugiés et personnes déplacées, sous la surveillance du HCR, et le libre accès des organisations humanitaires au Kosovo.
8. Un processus politique visant à trouver un accord provisoire, politique et général qui garantira une autonomie substantielle pour le Kosovo, prenant pleinement en compte l'accord de Rambouillet et les principes de souveraineté et d'intégrité territoriale de la RFY et des autres Etats de la région, ainsi que la démilitarisation de l'UCK (Armée de libération du Kosovo). Des négociations entre les parties sur la solution [à la crise] ne devront pas retarder, voire empêcher la mise en place d'institutions démocratiques autonomes.
9. Une approche globale du développement économique et de la stabilisation de la région en crise. Cela impliquera la mise en oeuvre du Pacte sur la stabilité pour l'Europe du Sud- Est, avec une large participation internationale pour favoriser un approfondissement de la démocratie, la prospérité économique, la stabilité et la coopération régionale.
10. L'arrêt des opérations militaires impliquera l'acceptation de ces principes ainsi que des autres éléments précédemment identifiés et exigés, spécifiés dans la note annexe. Ensuite, un accord militaro-technique sera conclu et couvrira d'autres modalités - dont le rôle et la fonction des militaires yougoslaves/serbes au Kosovo.
Retrait
Le processus de retrait, y compris la façon dont il s'échelonnera, un calendrier détaillé, ainsi que la délimitation d'une zone tampon en Serbie, au-delà de laquelle les forces (yougoslaves) se retireront.
Retour des militaires [yougoslaves]
- Matériel du personnel militaire qui reviendra.
- Etendue de leurs fonctions.
- Calendrier de leur retour.
- Délimitation des zones géographiques de leur champ d'activité.
- Règles fixant leurs rapports avec la présence internationale militaire et la mission civile internationale.
Note annexe
Autres éléments exigés : un calendrier rapide et précis de retrait qui signifie, par exemple, sept jours pour un retrait total, et quarante-huit heures pour un retrait des unités de défense antiaérienne hors de la zone de sécurité mutuelle [zone tampon] d'une profondeur de 25 kilomètres.
Le retour des militaires [NDLR : yougoslaves] chargés des tâches susmentionnées s'effectuera sous la supervision de la présence militaire internationale et sera limité à des effectifs réduits et concertés (des centaines et non des milliers).
La suspension des opérations militaires n'aura lieu qu'une fois que le retrait aura commencé et sera vérifiable.
Les discussions sur un accord militaro-technique et sa mise en oeuvre ne devront pas retarder le calendrier de retrait qui aura été arrêté au préalable."
Traduit pour Le Monde de l'anglais par Sylvette Gleize
Le Monde du 10 juin 1999