Le Bonapartisme Entre 1848 et 1870
Publié le 22/03/2014
Extrait du document
Le Bonapartisme
Entre 1848 et 1870
Le Bonapartisme est un courant de pensée qui, selon les périodes et les têtes de file, peut prendre différentes formes. Sous l’influence de Napoléon Bonaparte, le bonapartisme représente la volonté de l’instauration d’une administration impériale au service du peuple de France d’où le titre d’Empereur DES français que reçoit Napoléon. Fils de Louis Bonaparte (le frère de Napoléon Ier) et d’Hortense de Beauharnais, Charles Louis Napoléon Bonaparte, dit Louis-Napoléon Bonaparte, né à Paris le 20 avril 1808 est tout d’abord prince de Hollande et de France. Neveu de l'empereur, il est à la fois neveu et petit-fils de l'impératrice Joséphine (sa grand-mère maternelle). Exilé après la chute de l'Empire, conspirateur avec son frère aîné pour l'unité italienne, il devient héritier présomptif du trône impérial après les morts successives de son frère aîné Napoléon-Louis en 1831, et du Roi de Rome et Duc de Reichstadt, Napoléon II en 1832. Le Bonapartisme est un courant politique, intellectuel et social qui a connu différentes applications sous la présidence puis l’empire de Louis-Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III. Afin de comprendre la portée de ces applications, nous étudierons tout d’abord le pouvoir de Louis-Napoléon en se basant sur sa politique à travers les années puis nous verrons les répercussions de cette idéologie sur la société française.
1. Un Bonaparte au pouvoir
1) Le bonapartisme sous la monarchie
2) La présidence de la 2nde république
3) L’administration d’Empire
2. Les répercussions du Bonapartisme sur la société
1) Les répercussions économiques et sociales
2) Les répercussions politiques
3) La politique extérieure
1) Dans sa jeunesse, Louis-Napoléon vit en suisse l’été et en Italie l’hiver où il est entourés de libéraux italiens et de penseurs indépendantistes. Lors d’un conseil de famille, Louis-Napoléon s'exaspère notamment de l'attitude attentiste de son oncle Joseph, le chef de la famille, et de son père Louis. Le 30 Octobre 1836, Louis-Napoléon, alors capitaine du régiment d’artillerie de Berne tente un soulèvement à Strasbourg en s’appuyant sur l’Armée qui s’estime mal traitée par la monarchie de Juillet. La tentative sera rapidement brisée et Louis-Napoléon sera condamné à l’exil aux Etats-Unis où il ne reste pas longtemps compte-tenu de l’état de santé d’Hortense, sa mère. En juin 1838, Armand Laity, l’un des conjurés de Strasbourg publie une brochure en 10.000 exemplaires qui fait du tryptique « Nation, Peuple, Autorité « la base du Bonapartisme et qui présente, l’autocratie comme « le gouvernement d'un seul par la volonté de tous «, qui s'oppose à la république supposée être, pour Louis-Napoléon, « le gouvernement de plusieurs obéissant à un système «. En septembre 1838, Louis-Napoléon alors installé en Angleterre, publie 50.000 exemplaires des Idées napoléoniennes, dans laquelle il fait de Napoléon Ier le précurseur de la liberté. Au début de 1840, l'un de ses partisans les plus fidèles, Fialin, lance à son tour ses Lettres de Londres, qui exaltent ce prince qui « ose seul et sans appui, entreprendre la grande mission de continuer l'œuvre de son oncle «. Depuis Londres, le prince prépare une nouvelle tentative de coup d'État. Voulant profiter du mouvement de ferveur bonapartiste suscité par la décision du cabinet Thiers de ramener de Sainte-Hélène les cendres de l'empereur, il débarque dans la nuit du 5 au 6 août 1840 entre Boulogne-sur-Mer et Wimereux, en compagnie de quelques comparses avec l'espoir de rallier le 42e régiment de ligne. La tentative de ralliement du 42ème étant un échec total, Louis-napoléon passe en jugement devant la chambre des pairs où il prononce ce discours : « Je représente devant vous un principe, une cause, une défaite. Le principe, c'est la souveraineté du peuple, la cause celle de l'Empire, la défaite Waterloo. Le principe, vous l'avez reconnu ; la cause, vous l'avez servie ; la défaite, vous voulez la venger. […] Représentant d'une cause politique, je ne puis accepter, comme juge de mes volontés et de mes actes, une juridiction politique. […] Je n'ai pas de justice à attendre de vous, et je ne veux pas de votre générosité. «, Il n’en est pas moins condamné à la prison à perpétuité dans des conditions d’emprisonnement assez confortables. Il met à profit cette captivité pour se consacrer à l’étude et faire avancer sa cause dans l’opinion par l’écriture de brochures et d’articles dans les revues locales. Il écrit notamment Extinction du paupérisme (1844), ouvrage influencé par les idées saint-simoniennes et développant un moyen populiste pour accéder au pouvoir : « Aujourd'hui, le règne des castes est fini, on ne peut gouverner qu'avec le peuple «. La révolution française de 1848, qui met fin à la monarchie de Juillet, fournit au prince l'occasion de voir sa candidature présentée par ses partisans aux élections de députés à l'assemblée nationale. À la suite de la promulgation, le 4 novembre 1848, de la constitution de la IIe République, Louis-Napoléon Bonaparte est élu premier président de la République, âgé de 40 ans, il reste à ce jour encore le plus jeune à avoir occupé cette fonction. Son élection profite à la fois de l'adhésion massive des paysans, de la division d'une opposition hétérogène (gauche, modérée ou royaliste, et de la légende impériale, surtout depuis le retour des cendres de Napoléon Ier en 1840).
2) L'homme qui accède alors à la présidence se pense doublement légitime : d'une part parce qu'il est un héritier, celui de l'empereur Napoléon Ier, et d'autre part parce qu'il est le premier élu du peuple tout entier, adoubé par le suffrage universel masculin. Comme son oncle, le président Louis-Napoléon Bonaparte adhère aux principes juridiques et sociaux de 1789 ; comme lui, il pense qu'ils doivent « être complétés par un pouvoir politique fort « et, comme lui, il est patriote et pense que la France est porteuse de valeurs. Par contre, en raison de son héritage et de son éducation maternelle, il croit au progrès, pense que l'État a un devoir d'intervenir pour faire face au paupérisme engendré par la modernité industrielle et admire l'Angleterre. Ces éléments, son activisme et son réformisme social le rapprochent des républicains mais le fait qu'il soit un prétendant à la restauration de la dynastie impériale empêche toute alliance avec eux et l'amène à pactiser avec le parti de l'Ordre tout en étant aussi son opposant. Dans le cadre de ses pouvoirs exécutifs, Louis-Napoléon demande à Odilon Barrot, ancien chef de l'opposition constitutionnelle, de diriger un gouvernement de mouvance orléaniste (Léon Faucher, Léon de Maleville, etc.) comprenant un républicain (Jacques Alexandre Bixio) et un membre du parti catholique (le comte de Falloux). Après les élections de mai, Louis-Napoléon reconduit Odilon Barrot à la direction de son deuxième gouvernement comprenant notamment Alexis de Tocqueville nommé aux Affaires étrangères. Le 10 octobre 1850, lors de la revue de Satory, la cavalerie salue le chef de l'État en clamant « Vive Napoléon ! Vive l'Empereur ! «, ce dernier s’assurant ainsi une nouvelle fois le soutien de l’armée et après presque 3 ans d’affrontements perpétuels avec l’assemblée il laisse de plus en plus s’étendre la rumeur d’un futur coup d’état. Il agit finalement le 2 décembre 1851 et fait arrêté les députés susceptibles de se soulever un par un. Finalement, une majorité des Français n'a pas désapprouvé Louis-Napoléon1 et en est même satisfaite, « Le gros du pays s'est félicité du coup d'État du 2 décembre. Il s'est senti délivré dans le présent de l'impuissance à laquelle le président et l'assemblée se réduisaient mutuellement. Il s'est cru délivré pour 1852 de tous les périls et de tous les maux qu'il attendait à jour fixe. «
3) La constitution française est donc modifiée et approuvée par plébiscite (plus ou moins démocratiquement effectué) par une grande majorité des français. Le prince-président avait promis le « retour à la légalité républicaine « sans en donner de définition précise. La république qu'il conçoit a pour but d'œuvrer au bien commun et implique qu'elle soit dirigée d'une main ferme par un chef capable de trancher entre les intérêts divergents et d'imposer l'autorité de l'État à tous. Il rappelle de-même les Idées napoléoniennes où il écrivait que « dans un gouvernement dont la base est démocratique, le chef seul a la puissance gouvernementale ; la force morale ne dérive que de lui, tout aussi remonte directement jusqu'à lui, soit haine, soit amour «. Les éléments clefs du bonapartisme, alliant autorité et souveraineté du peuple, sont ainsi clairement exposés, le régime bonapartiste serait donc autoritaire tout en recherchant l'approbation du peuple. De janvier jusqu'au 29 mars 1852, Louis-Napoléon Bonaparte est le seul des trois moyens de gouvernement alors en place.
Une fois le champ libre, Louis-Napoléon Bonaparte a utilisé ses principes d’autorités pour mettre en place de grandes réformes et d’importants décrets.
1) De grands décrets réorganisent la Garde nationale alors que « les associations ouvrières, en fait des coopératives de production, sont presque toutes dissoutes «. En revanche, les sociétés de secours mutuelles, « si elles acceptent le patronage des membres honoraires qui les subventionnent, du maire et du curé «, sont favorisées. Il s'agit, dans l'esprit de Louis-Napoléon, de promouvoir « le bien-être du peuple mais de ne pas tolérer de sociétés de résistance sous couvert d'œuvres sociales «. En même temps, c'est par un décret de l’empereur que les congrégations de femmes sont autorisées. Le décret du 17 février sur la presse reprend en les aggravant les conditions antérieures exigées pour la diffusion, exige pour toute création une autorisation préalable de l'administration et inaugure la procédure des avertissements pour les journaux politiques. En janvier 1867, Napoléon III annonce ce qu'il appelle des « réformes utiles « et une « extension nouvelle des libertés publiques «. Un décret du 31 janvier 1867 remplace le droit d'adresse par le droit d'interpellation. La loi du 11 mai 1868 sur la presse abolit toutes les mesures préventives : la procédure de l'autorisation est remplacée par celle de la déclaration et celle de l'avertissement est supprimée. De nombreux journaux d'opposition apparaissent, notamment ceux favorables aux républicains qui « s'enhardissent dans leurs critiques et leurs sarcasmes contre le régime «. La loi du 6 juin 1868 sur les réunions publiques supprime les autorisations préalables, sauf celles où sont traitées les questions religieuses ou politiques. Néanmoins, la liberté des réunions électorales est reconnue.
2) Parallèlement et concrètement, le statut du président évolue pour devenir celui d'un quasi-monarque : il signe Louis-Napoléon mais se laisse appeler son altesse impériale ; ses amis et partisans sont récompensés pour leur fidélité ; une cour s'installe ; les aigles impériaux sont rétablies sur les drapeaux, le code civil est rebaptisé code Napoléon, le 15 août célèbre la saint-Napoléon, premier modèle réussi en France de fête nationale populaire alors que l'effigie du prince-président fait son apparition sur les pièces de monnaie et les timbres-poste. Pourtant Louis-Napoléon hésite à rétablir l'institution impériale, aspirant toujours à une réconciliation avec la gauche modérée. En février, on procède aux élections des membres du corps législatif. Afin de tester la possibilité du rétablissement éventuel de l'institution impériale, Louis-Napoléon entreprend, à compter du 1er septembre 1852, un voyage dans tout le pays dans la pure tradition de l'idéologie bonapartiste d'appel au peuple. Partout où il passe, le prince-président ne voit que des partisans réclamer l'Empire alors que sont distribués de l'argent et des cadeaux aux hauts fonctionnaires locaux. Le 16 octobre, le président est de retour à Paris où des arcs de triomphe gigantesques ont été dressés, couronnés de banderoles à Napoléon III, Empereur. Le régime électoral du nouveau gouvernement de Louis-Napoléon est précisé par le décret du 2 février qui fait d'un électeur tout homme de 21 ans comptant 6 mois de domicile. Le scrutin d'arrondissement à deux tours est adopté de préférence à celui du scrutin de liste en vigueur sous la deuxième république. Enfin, parmi les dispositions les plus innovatrices et remarquées depuis janvier 1852 figure celle qui établit les bureaux de vote dans chaque commune, et non plus au chef-lieu de canton, comme c’était le cas depuis 1848.
3) Si, en Europe, le coup d'État a été accueilli favorablement par presque tous les gouvernements, les signes annonciateurs du rétablissement du régime impérial inquiètent, obligeant Louis-Napoléon à préciser ses intentions : « Certaines personnes disent : l'Empire c'est la guerre. Moi, je dis, l'Empire, c'est la paix. C'est la paix, car la France le désire, et lorsque la France est satisfaite, le monde est tranquille. La gloire se lègue bien à titre d'héritage, mais non la guerre [...]. J'en conviens, cependant, j'ai, comme l'Empereur, bien des conquêtes à faire. Je veux, comme lui, conquérir à la conciliation les partis dissidents et ramener dans le courant du grand fleuve populaire les dérivations hostiles qui vont se perdre sans profit pour personne [...]. Nous avons d'immenses territoires incultes à défricher, des routes à ouvrir, des ports à creuser, des rivières à rendre navigables, des canaux à terminer, notre réseau de chemin de fer à compléter. Nous avons en face de Marseille un vaste royaume à assimiler à la France. Nous avons tous nos grands ports de l'Ouest à rapprocher du continent américain par la rapidité de ces communications qui nous manquent encore. Nous avons enfin partout des ruines à relever, de faux dieux à abattre, des vérités à faire triompher. Voilà comment je comprends l'Empire, si l'Empire doit se rétablir «. La politique italienne de l'empereur - en faveur de l'unification et au détriment de l'Autriche - permet à la France d'annexer, après un plébiscite, le comté de Nice et la Savoie (1860), l'empereur ayant pris le commandement de l'armée lors des batailles de Magenta et Solferino pendant la campagne d'Italie. Au nom du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, Napoléon III veut s'engager contre l'Autriche et mettre un terme à sa domination sur l'Italie, alors morcelée en divers duchés, principautés et royaumes, pour construire une Italie unie. Mais les militaires français refusent régulièrement une guerre ouverte, trop risquée. Par ailleurs, l'unification italienne pourrait menacer le pouvoir temporel du pape, tandis que les banquiers craignent les coûts et répercussions économiques possibles d'une telle aventure. Au début des années 1860, l'attachement de Napoléon III au principe des nationalités l'incite à ne pas s'opposer à l'éventualité d'une unification allemande, remettant ainsi en cause une politique menée depuis Richelieu et le traité de Westphalie (1648). Pour lui, « la Prusse incarne la nationalité allemande, la réforme religieuse, le progrès du commerce, le constitutionnalisme libéral «. Lors de l'entrevue de Biarritz (1865), le chancelier Otto von Bismarck avait affirmé à l’empereur qu'aucune cession de territoire allemand à la France n'était envisageable, mais qu'il admettait toutefois que la Prusse resterait neutre en cas d'occupation par la France de la Belgique et du Luxembourg (politique dite des « pourboires «). Dans le même temps, Bismarck passe secrètement avec les États d’Allemagne méridionale un traité de protection mutuelle pour se prémunir d’une agression éventuelle de la France. L’Europe entre alors dans la crise du Luxembourg, se qui découlera plusieurs années plus tard sur la guerre franco-prussienne de 1870 au cours de laquelle Napoléon III sera fait prisonnier et destitué de son trône.
En près de 23 ans de règne, le neveu de Napoléon Ier a été à l’origine de changements fondamentaux de la société française, surtout le suffrage universelle direct masculin qui, d’après l'historien Maurice Agulhon, « en facilitant et vulgarisant [...] la pratique du vote, ne pouvait que contribuer à l'éducation civique de l'électeur, ce qui se produira en effet peu à peu au long du Second Empire «. Il est donc clair que ce régime autoritaire a su organiser le pays en restant dans la voie tracée par le 1ère empire tout en apportant au pays d’immenses innovations sociales sur de nombreux plans.
Source :
* Revue Histoire www.histoire.presse.com
* Mensuel n°741 --- Historia
* Mensuel n°668 --- Historia
* LES GRANDS PERSONNAGES DE L'HISTOIRE DE FRANCE Spécial n°10
Liens utiles
- DEVOIR HG: Sujet : comment la société Française évolue-t-elle de 1848 à 1870 ?
- Comment la société française évolue de 1848 à 1870 ?
- Fiche de révision du chapitre d’histoire : La France et la construction de nouveaux Etats (1848 à 1870).
- DE LA SECONDE REPUBLIQUE AU SECOND EMPIRE 1848-1870.
- Napoléon III Président de la République de 1848 à 1852 et empereur des Français de 1852 à 1870, Napoléon III est le fils du roi de Hollande, Louis Bonaparte, et d'Hortense de Beauharnais - donc le neveu de Napoléon Ier.