L'aphasie et la perte de l'aptitude à la classification. ADHÉMAR GELB
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
Le trait le plus frappant était que le malade était incapable de nommer les couleurs.... [Il] présentait un comportement très singulier, mais révélateur de son état général, quand on le priait de classer dans un ordre quelconque des couleurs, par exemple celles de divers écheveaux de laine, ou de chercher des teintes analogues pour les assortir à un échantillon donné. Capable de voir correctement les couleurs, il ne faisait jamais les erreurs caractéristiques que commettent les sujets qui ont des troubles de la vision des couleurs, mais il était visible que son procédé différait de celui d'un sujet normal. Le malade, en effet, n'était plus en état de ranger les couleurs d'après leur teinte fondamentale, d'après la clarté du ton, la « chaleur » ou la « froideur » du ton. Il pouvait grouper, généralement deux à deux, des couleurs choisies souvent avec beaucoup de soin et de précision, mais ne tenait compte que de leur convenance concrète et momentanée, telle qu'elle s'imposait à lui, d'après leur rapprochement fortuit, pour des raisons intuitives et concrètes.... On aurait pu croire au premier abord que le malade, pour on ne sait quelle raison, changeait constamment son principe de classement, qu'il procédait tantôt d'après la clarté, tantôt d'après la teinte fondamentale ; en réalité sa conduite tenait à ce qu'il n'avait aucun principe de classement et ne pouvait se placer à aucun point de vue déterminé ; car il ne pouvait plus décider par lui-même des propriétés d'après lesquelles il fallait assortir les couleurs....
Si le malade réussissait si parfaitement dans cet exercice, c'est qu'il pouvait y parvenir sans user de noms de couleurs.
Il en est tout autrement dès qu'il s'agit de classer réellement et d'assortir les teintes. Toutes sortes de principes peuvent servir de base à la classification des couleurs ; le principe varie, naturellement, avec le sens et le but du problème.... Mais une fois que l'on a fixé un principe de classement quel qu'il soit on « voit » les couleurs sous un autre aspect ; les échantillons isolés ne sont plus saisis dans leur être actuel, mais considérés plutôt comme les représentants des propriétés de la couleur que l'on a choisies comme principe de classement ; les exemplaires isolés deviennent les représentants de certaines catégories de couleurs.
Cette dernière attitude, certainement plus abstraite, plus rationnelle, plus « conceptuelle », est celle que M. Goldstein et moi avons appelée, pour abréger, l'attitude « catégorielle », par opposition à cette manière d'être immédiate, irréfléchie, et en ce sens plus « concrète » et plus « primitive » du malade, à qui l'attitude catégorielle est interdite....
Nous avons trouvé une corrélation profonde entre ce procédé de classement immédiat et concret et le fait que le malade ne savait plus le sens des noms généraux des couleurs. Nous avons reconnu là deux effets d'un même trouble fondamental. ADHÉMAR GELB
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