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Langage et évocation

Publié le 30/03/2014

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Langage et évocation

 

Le miracle du langage, ce n'est point de traduire une émotion actuelle, ni une chose présente. C'est d'évoquer des émotions possibles et des choses absentes. Il révèle la vertu qui lui est propre dans l'absence beau¬coup mieux que dans la présence : et de l'absence même, il fait une pré¬sence plus subtile. Le propre du langage, c'est de représenter ce qui n'est pas plutôt encore que ce qui est. Il applique ma pensée au passé et au futur. Il donne une réalité à l'objet du souvenir et à l'objet du désir. Il n'est pas tout à fait faux de dire que le langage est créateur, il consiste moins à nommer les choses qu'à reproduire leur image quand elles ont disparu, ce qui est proprement les rappeler à la lumière, c'est-à-dire à l'existence.

Plus qu'aucun objet, qu'aucune image ou qu'aucune émotion, il possède une puissance d'évocation qui est véritablement sans limites : car il nous délivre du lieu et de l'instant et il associe à une infinité d'expériences réali¬sées une infinité d'expériences imaginées. Cela est vrai même des noms propres : ce qui leur donne un prestige qui dépasse souvent celui de la per¬sonne de chair et d'os.

L. Lavelle, La Parole et l'Écriture, L'Artisan du Livre, 1942.

 

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